Le troisième rapport de l'Observatoire national de l'enfance en danger (ONED) (1), remis le 15 janvier au ministre de la Solidarité, Xavier Bertrand, coïncide avec une « année charnière » pour la protection de l'enfance. L'année 2007 a en effet été marquée par l'aboutissement de plusieurs réformes législatives majeures et plus particulièrement deux lois du 5 mars 2007, l'une réformant la protection de l'enfance et l'autre relative à la prévention de la délinquance (2).
Ayant procédé au « décryptage du contenu de ces réformes juridiques », l'ONED estime, s'agissant de la loi réformant la protection de l'enfance, qu'« un certain temps sera nécessaire pour voir les effets des transformations législatives » (voir aussi, sur un premier bilan de la réforme, l'interview de Fabienne Quiriau, directrice générale adjointe de l'Unasea, dans ce numéro, page 38). La mise en place de la cellule de recueil et de traitement des informations préoccupantes et de l'observatoire départemental de la protection de l'enfance introduit des bouleversements dans les organisations départementales. C'est pourquoi il insiste sur la nécessité de déterminer les articulations entre ces deux nouvelles instances et le service départemental de l'aide sociale à l'enfance (ASE), ce que ni la loi, ni les guides pratiques d'application de la réforme (3) n'ont fait. Il recommande notamment l'organisation d'astreintes des cadres de l'ASE afin d'assurer la permanence du recueil des informations préoccupantes ainsi que la réalisation d'un protocole unique de coopération avec les parquets du département.
L'observatoire revient également sur le rôle pivot que la loi relative à la prévention de la délinquance confère au maire. Selon lui, les professionnels s'inquiètent plus particulièrement de l'articulation des pouvoirs du maire et du président du conseil général s'agissant de la désignation d'un coordonnateur lorsque plusieurs d'entre eux interviennent auprès d'une même famille. Pointant les nouvelles compétences du maire (mesure d'accompagnement parental, attestation comportant l'engagement de la famille de se conformer aux obligations liées à l'exercice de l'autorité parentale...), l'ONED estime en outre que la loi « l'investit majoritairement d'une mission portant atteinte à l'autorité parentale ». Il souligne également le risque de chevauchement des compétences dans la mesure où « le maire et ses services semblent être en position d'orienter les situations, en les gardant ou en les passant au conseil général, et ce faisant, de privilégier une entrée prévention de la délinquance ou protection de l'enfance ».
Le nombre d'enfants de moins de 18 ans bénéficiant d'au moins une mesure de protection de l'enfance était, fin 2005, de 246 000 en France métropolitaine (255 300 en incluant les départements d'outre mer), soit 1,81 % de l'ensemble des mineurs (4). Les jeunes majeurs étaient 20 800 dans ce cas (21 400 en incluant les DOM), soit 0,87 % des 18-21 ans. Le nombre de mineurs pris en charge par la protection de l'enfance aurait ainsi augmenté en 2005 de 1 % et celui des jeunes majeurs reculé de 2,9 %. Des évolutions à relativiser, notamment en raison d'inconnues demeurant sur les doubles mesures. Pointant les fortes disparités départementales, l'observatoire relève en outre que sept des huit départements dans lesquels le taux de prise en charge est plus élevé sont également des départements où le niveau de vie est faible. Par ailleurs, tablant sur un traitement des nouvelles situations « en amont à un niveau administratif avec un travail sur l'accord des familles », il estime que la tendance à la judiciarisation des mesures, qu'il s'agisse de mesures d'accueil ou de mesures à domicile, ne devrait pas se poursuivre.
A noter : le rapport présente les résultats du premier recensement des statistiques produites au niveau des départements. Au contraire des données nationales qui chiffrent le nombre de mesures, les statistiques élaborées par les départements permettent de raisonner en termes d'enfants, voire de familles concernées, et permettent ainsi de déterminer un taux des nouvelles familles aidées ainsi que le nombre moyen d'enfants aidés par famille.
« Outre l'usage systématique du terme «parentalité», les professionnels axent leurs interventions sur le repérage et le renforcement des compétences des parents », relève par ailleurs le rapport. Dans le cadre de sa mission de recensement des pratiques de prévention, de dépistage et de prise en charge, l'ONED aborde donc la question du soutien à la parentalité et s'intéresse notamment à la façon dont les professionnels définissent et évaluent les compétences parentales, prennent en compte les dysfonctionnements ou les limites des parents dans leur fonction parentale ainsi qu'à la possibilité qu'ils ont de cerner ou non des indicateurs permettant de déterminer si le parent a la capacité de mettre en oeuvre telle ou telle compétence. Cette évaluation des capacités parentales appelle plusieurs questions, selon l'ONED : existe-t-il un « modèle idéal type d'éducation d'un enfant » ? quelles sont les représentations des professionnels ? quel est le niveau de l'exigence éducative ? Sans y apporter de réponse, l'observatoire souligne néanmoins le risque pour les professionnels d'aboutir à un nouveau modèle d'interventions intensives et la nécessité de renforcer leur formation, tant initiale que continue, en la matière.
Autre thème abordé dans le rapport : la médiation familiale. L'ONED se penche sur les « articulations de cette forme de pacification avec la protection de l'enfance » dans la mesure où les interventions de médiation familiale ont pour but d'améliorer les relations entre les parents afin d'éviter qu'elles n'aient des incidences négatives sur les enfants.
(1) Troisième rapport annuel au Parlement et au gouvernement de l'Observatoire national de l'enfance en danger - ONED : 96, rue Didot - 75014 Paris - Tél . 01 58 14 22 50.
(4) Selon les données de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques et de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse.