Au-delà des violences urbaines ponctuelles réunissant diverses catégories de jeunes de banlieue, il existe, selon le Conseil national des villes (CNV), un noyau dur de jeunes délinquants plus pérenne et organisé, souvent lié au trafic de stupéfiants. Souhaitant « dépasser le fantasme selon lequel il suffirait d'écarter une minorité d'individus responsables des actes de délinquance dans la cité pour retrouver la sécurité à laquelle aspire le reste des habitants », l'instance s'est penchée, dans un avis du 9 janvier, sur les causes du durcissement de la délinquance des mineurs dans les zones urbaines sensibles afin d'élaborer des recommandations portant notamment sur les pratiques professionnelles des travailleurs sociaux (1).
Premier constat : « les pratiques classiques d'action sociale, qui sont du ressort des conseils généraux, s'avèrent insuffisantes pour prévenir les processus de marginalisation ». En effet, le suivi social des enfants entre 6 et 11 ans est inexistant car, d'une part, le suivi des mères isolées au titre de la protection maternelle et infantile s'arrête lorsque l'enfant atteint sa sixième année et, d'autre part, il n'existe pas de personnel de service social affecté dans l'enseignement avant le collège. Le suivi médico-psychologique s'interrompt quant à lui à l'adolescence, moment où le « noyau dur » devient attrayant pour des jeunes en difficulté livrés à eux-mêmes. Les effectifs nationaux de la prévention spécialisée sont restés stables tandis que la situation des jeunes se dégradait dans les quartiers sensibles.
Du côté des dispositifs d'intervention, le constat n'est guère plus brillant. Bien que « tout le monde s'accorde sur la nécessité d'intégrer l'institution judiciaire, dans le respect des attributions juridictionnelles des juges, aux dispositifs de prévention de la délinquance et de la récidive », beaucoup de parquets ne disposent pas de moyens humains suffisants pour participer intensivement aux travaux des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Les moyens manquent également dans les services de protection judiciaire de la jeunesse, d'insertion et de probation pénitentiaire... « Même dans les communes qui mènent depuis longtemps une politique volontariste et innovante, les acteurs locaux expriment des difficultés d'articulation entre l'Etat, la région, le département et la commune. » Or, faute de réponses appropriées apportées localement et de façon coordonnée, les situations individuelles et familiales se détériorent. Les jeunes, pris dans l'engrenage de la délinquance, sont représentatifs d'un « échec collectif ».
Face à ces constats, le Conseil national des villes considère que la question du noyau dur des jeunes délinquants appelle l'élaboration de stratégies d'interventions concertées entre des partenaires locaux impliqués pour être efficaces dans la durée. Afin de permettre une cohérence des interventions sociales, éducatives, judiciaires et policières, il recommande que les différents intervenants développent une appréhension commune du « secret partagé ». Par ailleurs, le dispositif d'aide sociale à l'enfance et celui de la protection judiciaire de la jeunesse devraient reposer sur les mêmes découpages géographiques. « Le travail social doit sortir d'une culture du signalement pour entrer dans une culture de l'accompagnement », juge encore le CNV. Enfin, « la question du noyau dur des jeunes délinquants n'est pas séparable d'une politique de tranquillité publique pour tous » qui passe par une politique de la ville associant prévention, répression et solidarités envers les plus défavorisés grâce à une mobilisation renforcée des dispositifs de droit commun et une attention particulière aux questions d'éducation, d'emploi et d'accès à la culture.
(1) Avis prochainement disponible sur