« Les conditions éthiques d'une généralisation du dépistage néonatal de la surdité ne sont actuellement pas réunies », estime le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) dans un avis du 10 janvier (1). Il avait été saisi par la Fédération nationale des sourds de France et le Réseau d'actions médico-psychologiques et sociales pour enfants sourds, inquiets des conséquences d'un rapport de la Haute Autorité de santé qui préconisait en janvier 2007 un dépistage néonatal systématique de la surdité permanente bilatérale. Dans la mesure où la prise en charge médicale de l'enfant ne sera pas immédiate (2), quel est l'intérêt du nouveau-né dans un dépistage systématique ?, s'interroge le comité d'éthique. En outre, l'annonce de la surdité ne risque-t-elle pas de troubler prématurément la relation parents-enfants ?
Reconnaissant que le dépistage d'une surdité profonde doit être réalisé aussi précocement que nécessaire (3), l'instance alerte néanmoins sur le taux d'erreur important des tests pratiqués le jour de la naissance. Chez le nouveau-né, les conditions optimales d'évaluation des capacités auditives se situent après le troisième jour de la vie et se poursuivent jusqu'au-delà de la période néonatale (28 jours). Elle estime donc préférable de développer le concept de repérage orienté des troubles des capacités auditives plutôt que de procéder à un dépistage néonatal généralisé. Un repérage orienté permettrait de mieux identifier la population d'enfants nécessitant un examen plus approfondi.
Au-delà de la question de la généralisation et de la précocité du dépistage, le CCNE souligne que, « en tout état de cause », sa pratique devrait faire l'objet d'un accompagnement et juge que « cette déshumanisation du dépistage automatique est une violence d'autant plus incompréhensible que la prise en charge somatique immédiate n'a pas d'urgence effective ». En outre, dans le cas de parents sourds, il peut être vécu comme inopportun dans la mesure où eux-mêmes ne considèrent pas leur propre surdité comme un handicap ni celle de leur enfant comme un obstacle à la communication avec lui. Dans tous les cas, c'est l'intérêt direct de l'enfant qui doit servir de fil conducteur à la réflexion sur l'opportunité d'un dépistage universel ainsi que sur la question de l'appareillage, estime le comité, tout en jugeant que « pas davantage que le dépistage, l'appareillage de la surdité ne peut être imposé ». « L'intérêt du dépistage et de ses conséquences n'a de sens que si des mesures efficaces de suivi sont prises pour les accompagner », juge l'instance. Or, « en l'état actuel des choses », un « dépistage de masse » dans les premiers jours de la naissance, « anonyme et dépersonnalisé » présenterait selon elle « plus d'inconvénients que d'avantages ».
Le CCNE souligne par ailleurs la nécessité de sensibiliser les parents entendants d'enfants sourds à l'intérêt d'une éducation bilingue basée non seulement sur l'apprentissage de l'oralité grâce à un appareillage approprié, mais aussi sur la langue des signes, car « un enfant sourd appareillé n'est pas aussi bien entendant que les autres ». C'est pourquoi « la richesse de la langue des signes restera pour lui un élément essentiel de communication même après la pose d'un implant ».
(1) Ethique et surdité de l'enfant : éléments de réflexion à propos de l'information sur le dépistage systématique néonatal et la prise en charge des enfants sourds - Avis 103 - Disponible sur
(2) Le dépistage n'entraîne aucune conséquence thérapeutique réelle avant plusieurs mois. L'âge reconnu comme le plus propice pour la pose d'un implant se situe actuellement entre neuf mois et un an.
(3) En France, l'âge moyen de diagnostic de surdité profonde demeure beaucoup trop tardif (16 mois). Ce retard est source d'une perte de chance de l'enfant dans l'apprentissage d'un langage parlé, estime le CCNE.