Saisie de nombreuses plaintes concernant des gens du voyage victimes de discriminations, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) a adressé, le 11 janvier, des recommandations au gouvernement afin d'instaurer une égalité de traitement à l'égard de cette population (1). « Dans de nombreux domaines de la vie quotidienne », les gens du voyage sont, en raison de leur origine, victimes de discriminations résultant tant des textes en vigueur que de comportements individuels, explique l'instance.
Premier exemple : en matière de circulation sur le territoire français. En vertu d'une loi du 3 janvier 1969, les gens du voyage français qui n'ont pas de ressources régulières doivent, pour pouvoir se déplacer, être munis d'un carnet de circulation à faire viser tous les trois mois par la police ou la gendarmerie. La circulation sans ce carnet est punie d'une peine de prison allant de trois mois à un an. Pour la HALDE, cette réglementation met en oeuvre des moyens disproportionnés de contrôle, que ce soit au regard de leur fréquence ou de la gravité des peines. L'instance recommande par conséquent au gouvernement d'éliminer l'obligation de faire viser le titre de circulation et que les peines encourues pour défaut de carnet soient alignées sur celles des commerçants ambulants (l'absence de titre de circulation est punie dans ce cas par une simple amende). Rappelons que la ministre du Logement a, le 16 octobre dernier, demandé à la commission nationale consultative des gens du voyage de se saisir de cette problématique et de lui donner son avis (2).
Autre domaine dans lequel une modification législative est souhaitée par la HALDE : en matière d'accès au droit de vote. La Haute Autorité demande ainsi au gouvernement de mettre fin à l'exigence, pour les gens du voyage, d'un rattachement ininterrompu de trois années à une commune alors même qu'un rattachement de six mois seulement est exigé pour les sans-domicile fixe. Là encore, pour mémoire, Christine Boutin s'est d'ores et déjà exprimée sur le sujet, promettant de demander à la ministre de l'Intérieur d'abroger cette disposition.
Tout en appelant à « une application complète et effective » de la loi Besson relative au stationnement des gens du voyage, l'instance invite encore le gouvernement à « prendre des mesures immédiates et concrètes » pour permettre aux gens du voyage qui n'en disposent pas de se voir délivrer une carte nationale d'identité. « Les détenteurs de documents de circulation, bien que citoyens français, rencontrent parfois des obstacles pour obtenir la délivrance d'une telle carte », explique la HALDE. « De ce fait, les gens du voyage se retrouvent dans une situation plus défavorable que les sédentaires pour circuler au sein de l'Union européenne. » En outre, « ils sont fréquemment confrontés à des refus de leur titre de circulation comme justificatif d'identité, notamment auprès de commerçants qui refusent leurs chèques faute de présentation d'une pièce d'identité ». Autre « difficulté » : pour ceux qui disposent d'une carte nationale d'identité, « la mention de leur adresse de rattachement se traduit concrètement par des indications les rendant identifiables en tant que gens du voyage » (adresse se résumant au code postal de la ville, mention « sans domicile fixe », etc.) et déclenchant « un traitement différencié notamment en matière d'accès aux biens et services et de pratiques de guichets ». C'est pourquoi l'instance recommande au gouvernement de veiller à ce qu'aucune mention sur la carte nationale d'identité ne fasse indirectement apparaître l'origine des personnes concernées. A cet égard, d'une façon générale, elle se pose la question de la pertinence de la mention de l'adresse, qui n'est de toute façon « pas toujours exacte pour les sédentaires ».
Enfin, pointant de nouveau le problème des refus de scolarisation opposés à des enfants de gens du voyage, la Haute Autorité reprend, dans sa délibération, une des 17 « propositions d'action » qu'elle a avancées le 17 décembre dernier dans le cadre du bilan de l'année européenne de l'égalité des chances au Sénat (3), suggérant aux ministères concernés d'engager une action déterminée afin, d'une part, d'évaluer le taux de scolarisation de cette population et, le cas échéant, les conditions de leur accès à l'éducation, et d'autre part, de rappeler aux collectivités et institutions concernées le cadre de la loi et le droit de chaque enfant résidant sur le territoire de la commune à être scolarisé.
(1) Délibération n° 2007-372 du 17 décembre 2007, disponible sur