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Un service social unifié pour affronter les mutations du monde maritime

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Auparavant séparés, le service social des marins pêcheurs et celui des marins du commerce ont fusionné pour former le service social maritime. Face aux nouvelles problématiques liées aux évolutions d'une population de moins en moins repliée sur elle-même, celui-ci doit s'ouvrir sur l'extérieur, tout en justifiant son action spécifique.

Eloignement, irrégularité des revenus, dangerosité du travail, difficulté à se reconvertir, le quotidien des marins n'est pas de tout repos. Ces derniers bénéficient en contrepartie de leur propre régime de sécurité sociale et de retraite, permettant de cesser le travail dès l'âge de 55 ans, géré par l'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM) (1). Ils relèvent également de la caisse maritime d'allocations familiales (CMAF). Jusqu'à l'été dernier, ces deux organismes finançaient deux services sociaux distincts : l'association USM (Union sociale maritime) chargée d'accompagner les marins du commerce et le SSPM (service social des pêches maritimes) (2), les marins pêcheurs.

La situation a changé puisque, depuis le 1er juillet dernier, ces deux services ne forment plus qu'une seule et même entité : le service social maritime (SSM). « L'objectif était de pérenniser à long terme l'existence d'un service social spécifiquement maritime, explique Daniel Loureau, directeur général du SSM. Les deux précédents organismes faisaient très bien leur travail, mais n'étaient pas viables financièrement à long terme. » Il faut dire qu'en l'espace d'un demi-siècle, la population maritime a été divisée par trois. Marins pêcheurs et marins du commerce représentaient 119 000 personnes en 1950 contre 38 000 en 2006. L'équilibre du régime de retraite des marins s'en ressent, puisqu'il existe trois fois plus de pensionnés que de marins actifs. « Nos destins sont liés, commente Marie-Christine Babin, directrice de l'action sociale à la CMAF. Sans régime maritime, un service social spécifique n'aurait plus d'existence. »

Pour assurer la survie du service social, l'optimisation des moyens devenait donc nécessaire. Le SSM, constitué sous la forme d'une association, a son siège à Nantes (Loire-Atlantique) (3), dans les locaux de l'ancien service social des marins du commerce. Il rassemble 110 personnes dont 61 assistants sociaux, ce qui correspond au regroupement des effectifs des deux entités (4). Ces derniers sont basés dans 39 ports répartis sur l'ensemble du littoral ainsi que dans les départements d'outre-mer. Parmi eux, une petite dizaine est installée au sein même de grandes entreprises maritimes (Société nationale maritime méditerranée ferry Corse ou ports autonomes). Quatre délégations régionales ont également été mises en place dans le Nord, la Méditerranée, l'Atlantique et la Bretagne, avec à leur tête une assistante sociale chargée d'encadrer et de coordonner l'action de ses collègues. Les bénéficiaires du service social regroupent les marins actifs et leurs familles (5), les élèves des écoles maritimes ainsi que les pensionnés de la marine, ce qui représente une population potentielle de 200 000 personnes.

Depuis six mois, les anciens assistants sociaux de l'USM et du SSPM apprennent à harmoniser leurs pratiques. « Nous nous connaissions déjà d'un point de vue humain, mais nous n'avons pas les mêmes outils de travail, témoigne Cécile Buffeteau, assistante sociale et déléguée régionale du SSM pour la Méditerranée. Par exemple, nous utilisons un dossier social différent. » Néanmoins, malgré leurs cultures propres, « les assistants sociaux étaient déjà habitués à travailler ensemble », nuance Brigitte Hunault, directrice de l'action sociale au SSM. Il y a quatre ans, les deux services avaient en effet signé des accords de réciprocité, sous l'impulsion de l'ENIM. Par ailleurs, la CMAF est, elle aussi, le fruit de la fusion entre la caisse d'allocations familiales des marins pêcheurs et celle des marins du commerce intervenue en 2002. « Nous avions donné le ton », commente Marie-Christine Babin, se félicitant que les marins aient désormais « accès aux mêmes choses et de la même façon ».

Après une période d'installation, le service social maritime doit maintenant relever plusieurs défis. « Nous devons améliorer la cohérence, la puissance et l'image du service », résume Daniel Loureau. Pour ce faire, le SSM est en train de se doter d'un nouveau projet. Son élaboration a fait l'objet de deux journées d'étude les 19 et 20 novembre dernier à Nantes, avec l'ensemble du personnel (6). « Tout l'enjeu est de se réinterroger sur le fond afin de répondre aux besoins du monde marin contemporain », affirme Marie-Christine Babin. Car la situation actuelle n'a plus grand-chose à voir avec celle des années 1950. « On est de moins en moins marin de père en fils et le poids relatif des marins dans la vie locale est moins fort qu'auparavant », observe François Rousseau, consultant au cabinet Cirese, chargé d'épauler le SSM dans la définition de son projet.

Les conditions de travail ont, elles aussi, évolué. « On constate une hausse très forte du niveau de responsabilité des marins qui sont plus souvent officiers qu'exécutants, une modernisation des moyens de communication qui réduisent l'isolement en mer, et une élévation du niveau de sécurité et de confort à bord des bateaux », énumère Daniel Loureau. Malgré ces avancées, les risques en mer demeurent et l'éloignement familial reste une réalité. Or, avec l'augmentation du travail des femmes, de nouvelles problématiques émergent autour de la parentalité et de la garde des jeunes enfants. Par ailleurs, les marins pêcheurs, confrontés à l'instauration de quotas de pêche, voient leurs revenus diminuer, ce qui entraîne des situations de surendettement. Enfin, la flambée du prix des logements sur les littoraux oblige ces professionnels à habiter plus loin des ports. Autant de questions nouvelles auxquelles sont confrontés les travailleurs sociaux du SSM. « Jusqu'à présent, la plupart des problèmes pouvaient être réglés au sein du domaine maritime, rappelle Marie-Christine Babin. Aujourd'hui, il est nécessaire de s'ouvrir et de mettre en place des interactions avec l'extérieur. »

La liste des partenaires potentiels du SSM est longue, d'autant que la décentralisation a eu pour effet de les multiplier : services sociaux du conseil général, centres locaux d'information et de coordination gérontologique, Fonds de solidarité pour le logement, maisons départementales des personnes handicapées, ANPE, missions locales ou encore centres médico-psychologiques et cellules d'urgence médico-psychologique lors des traumatismes en mer... « Il ne s'agit pas de transmettre des problématiques toutes les cinq minutes aux assistantes sociales du conseil général, prévient Anne Simon, assistante sociale et déléguée régionale du SSM en Bretagne. Mais des questions comme les problèmes scolaires des enfants de marins, les difficultés conjugales, l'alcoolisme pourraient être traitées à ce niveau-là. »

Reste que le développement de telles relations n'est guère aisé. « On passe d'une situation où le SSM s'adressait à un public spécifique de manière cloisonnée à la nécessité de faire des liens avec le reste de l'action publique », analyse le consultant François Rousseau, qui identifie deux difficultés à cette ouverture. « Un obstacle interne dû au changement du cadre d'intervention des assistants sociaux du SSM, le temps consacré au partenariat réduisant d'autant le temps passé avec le public. » Quant à l'obstacle externe, il serait, selon lui, lié à la tendance générale à la normalisation et au traitement identique des populations, ce qui va à l'encontre d'un service spécifique. Par ailleurs, « l'objectif, c'est de s'ouvrir sans perdre son âme », estime Marie-Christine Babin, qui défend la position privilégiée « d'observateur social du monde maritime » du SSM. « Notre écoute d'assistantes sociales est la même que celle de nos collègues non spécialisés, mais nos réponses sont adaptées au contexte professionnel, dont nous connaissons les codes et la législation, poursuit Anne Simon. Cette connaissance doit nous permettre de proposer quelque chose de plus ou de différent. » Ce qui n'empêche pas de « mettre à la disposition des marins les dispositifs locaux et régionaux de droit commun ». Sur le terrain, la prise de contact avec les autres acteurs sociaux n'est pas toujours facile. « Il faut du temps pour aller vers les partenaires, constate l'assistante sociale. Là où la densité de marins est forte, comme à Lorient ou au Guilvinec, nous sommes facilement identifiés. Quand la population maritime est éparpillée, c'est plus difficile. »

Dans le cadre de la rénovation de son projet, le service social maritime cherche également à développer des actions collectives. « Notre intervention sociale a surtout été individuelle, reconnaît Marie-Christine Babin. L'idée, c'est de renforcer la solidarité du monde maritime par la mise en place, par exemple, d'actions autour des femmes de marins ou de la parentalité. » Ici et là, quelques projets collectifs ont déjà émergé. Sur la façade atlantique, le service social a piloté un projet sur la mémoire collective et le lien social. « L'objectif était de répondre à l'isolement de la population maritime âgée, raconte Danièle Guidon, assistante sociale et déléguée régionale pour l'Atlantique. Il s'agissait de recueillir un savoir-faire et une identité à transmettre aux nouvelles générations » (7). En Bretagne, où travaillent la majorité des marins, une campagne de prévention des conduites addictives a également été réalisée en lien avec les professionnels de la mer (voir encadré ci-contre). Pour Brigitte Hunault, les actions collectives ont l'avantage « de toucher le plus grand nombre » et de coller aux préoccupations des marins.

Un mode de financement lié à l'activité professionnelle

Le budget du service social maritime s'élève à 4,5 millions d'euros. Son mode de financement repose sur :

les cotisations des professionnels maritimes dues à partir du moment où ils sont embarqués. Cela représente une cotisation moyenne de 104 € par an et par marin, calculée au prorata du temps de navigation et prise en charge à 73 % par les armateurs et à 27 % par les salariés ;

une contribution de l'Etablissement national des invalides de la marine ;

une contribution de la caisse maritime d'allocations familiales ;

quelques contributions annexes provenant de grosses entreprises d'armement, de certains ports autonomes et de certaines écoles maritimes.

Une action collective contre les conduites addictives

« La mer est dangereuse, n'en rajoutez pas », affirme une affiche mettant en scène un chalutier aux prises avec une mer démontée. Ce document a été conçu dans le cadre d'une campagne de prévention des conduites addictives des marins pêcheurs, menée en mai puis en octobre 2007 sur le port de Lorient (Morbihan). « Nous sommes partis d'une demande des patrons de pêche qui se sentaient démunis et envahis par la problématique des drogues, raconte Anne Simon, assistante sociale et déléguée régionale du service social maritime. Nous avons choisi de nous inscrire dans une dimension professionnelle, en traitant les conduites addictives comme un danger à bord. » En mai 2007, quatre demi-journées d'information et de débat ont ainsi été organisées en direction des patrons de pêche, afin de « libérer la parole autour d'un sujet encore tabou ». A l'issue de chaque rendez-vous, des documents ont été remis à chaque capitaine de bateau. Cette action a été menée en partenariat avec les professionnels, l'administration du secteur et l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie.

Notes

(1) Il n'a pas été remis en cause par les récentes réformes gouvernementales.

(2) Rattaché au Comité national des pêches maritimes et des élevages marins, un organisme inter-professionnel.

(3) Service social maritime : 54, quai de la Fosse - 44000 Nantes - Tél. 02 40 71 01 50 - Site en cours de construction à l'adresse www.ssm-mer.fr.

(4) La fusion n'a pas entraîné de licenciements parmi le personnel des deux précédents services sociaux.

(5) Parmi eux figurent les marins du commerce, de la pêche, de la plaisance professionnelle et les conchyliculteurs (pêcheurs de coquillages) ayant un statut de marin.

(6) Ce séminaire de deux jours était intitulé « Quel projet social pour le service social maritime ? ».

(7) Ce projet a été financé par plusieurs partenaires maritimes (ENIM, cercle de la marine) et non maritimes (conseil général, conseil régional, Fondation de France, Fondation Caisses d'épargne pour la solidarité, etc.).

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