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La CNCDH critique sévèrement le projet de loi sur la rétention de sûreté des pédophiles et les irresponsables pénaux

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Regrettant de ne pas avoir été saisie par le gouvernement du projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pour cause de trouble mental (1), la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) s'est autosaisie de la question (sur les réactions associatives, voir ce numéro, page 61). Elle a ainsi adressé, le 4 janvier, au Premier ministre, aux ministres de la Justice et de la Santé, ainsi qu'au Parlement, une note dans laquelle elle rappelle certains principes déjà énoncés - comme celui de la stricte nécessité et de la proportionnalité des peines - et critique fortement plusieurs dispositions de ce texte (2). « En raison du calendrier parlementaire et de la déclaration d'urgence sur le projet de loi » (3), explique la CNCDH, cette note est diffusée avant son examen formel par l'assemblée plénière de l'instance le 17 janvier.

La rétention de sûreté, une véritable sanction

Premier point qui inquiète la commission : le projet de loi permet de prendre, après expertise médicale, une mesure de rétention de sûreté à l'égard des personnes ayant été condamnées à 15 ans ou plus de réclusion criminelle pour meurtre ou assassinat, torture ou actes de barbarie, et viol commis sur mineurs de 15 ans, lorsqu'elles présentent un risque de récidive. Une mesure prononcée pour un an, renouvelable tant que le risque de récidive n'a pas cessé et qui s'appliquera immédiatement après que la peine initiale aura été purgée (4). Pour la garde des Sceaux, cette mesure ne constitue « ni une peine ni une sanction », mais « une mesure préventive ». Une interprétation que réfute la CNCDH. Selon elle, la « mesure restrictive de liberté qu'est la rétention de sûreté, qui prévoit un enfermement et un régime similaire à celui d'un détenu, devrait être assimilée à une sanction ».

En outre, « sur le plan des principes, la mutation apportée aux règles de responsabilité pénale est considérable », juge la commission, soulignant que « le lien de causalité entre une infraction et la privation de liberté est rompu ». En effet, explique-t-elle, au regard du projet de loi, « la personne n'est plus condamnée en raison de l'infraction, puisqu'elle a purgé sa peine. Mais elle reste l'auteur virtuel d'une infraction possible. » La sanction prévue sera alors prononcée sur la base de la particulière dangerosité du condamné, « soit un qualificatif flou lié à la personnalité de l'individu et sans aucun rapport avec un élément matériel, le fait », critique la CNCDH. Autre problème sur le plan de la procédure : conformément à l'article 5 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, relatif au droit à la liberté et à la sûreté, nul ne peut être privé de sa liberté sauf dans les cas qu'il prévoit et selon les voies légales. Or la catégorie des condamnés dangereux visée par le projet de loi ne figure pas parmi les exceptions admises par cet article. « Il faut donc que la mesure de sûreté ait été décidée par un juge [et non par une commission régionale, après saisine du procureur de la République, sur proposition d'une commission pluridisciplinaire, comme le prévoit le projet de loi] et qu'elle constitue une réponse ajustée, proportionnée et nécessaire à l'objectif recherché », insiste la CNCDH.

La commission regrette par ailleurs la disposition du projet de loi qui stipule que, lorsque le condamné refuse pendant son incarcération de suivre le traitement qui lui est proposé par le juge de l'application des peines, ce dernier peut ordonner le retrait des réductions de peine dont il a pu bénéficié. Elle considère en effet que ces nouvelles limites sont « autant d'obstacles aux possibilités de réinsertion durable et réelle du condamné dans la société, donc contre-productives au regard de la prévention de la récidive ».

Plus globalement, l'instance souhaite mettre l'accent sur les mesures existantes de prévention de la récidive, dont certaines n'ont été mises en place que très récemment et pour lesquelles aucun bilan d'efficacité n'a été fait (suivi socio-judiciaire avec injonction de soins, bracelet électronique mobile...). A cet égard, elle estime que « l'une des priorités dans la prévention de la récidive réside moins dans un recours accru à l'emprisonnement que dans un renforcement des moyens qui permettraient un accompagnement socio-éducatif en milieu ouvert, notamment pour les services d'insertion et de probation ». Et qu'« il conviendrait avant tout de répondre aux besoins matériels et humains avant de légiférer une nouvelle fois. De cela dépendent la crédibilité et l'efficacité de la justice », conclut-elle.

Préférer l'amélioration de la psychiatrie publique à la réforme du régime de l'irresponsabilité pénale

Autre sujet de critique de la CNCDH : la réforme du régime de l'irresponsabilité pénale. Lorsqu'une infraction est commise par une personne atteinte d'un trouble mental au moment des faits, le projet de loi permet aux parties et au procureur de la République d'indiquer s'ils souhaitent ou non saisir la chambre de l'instruction afin qu'elle se prononce sur la question de l'existence du trouble mental. Dans l'affirmative, elle ordonne soit d'office, soit à la demande de la partie civile ou du ministère public, la comparution personnelle de la personne mise en examen. Si le texte ne remet pas en cause intégralement le principe fondamental de l'irresponsabilité pénale de la personne privée de son libre arbitre, estime la CNCDH, il présente de « nombreuses confusions ». Cette réforme, déplore l'instance, est mise en place dans un texte « qui traite comme un ensemble, en raison de leur dangerosité particulière, des personnes qui font l'objet d'une sanction pénale et des personnes qui n'ont pas été condamnées en raison de leur état de santé, autour du concept équivoque de dangerosité et dans une assimilation entre maladie mentale et délinquance ». Or le traitement de la maladie mentale relève en premier lieu de la santé publique et non pas de l'ordre public. « Dès lors, s'impose un travail sur les capacités de la psychiatrie à suivre les malades et à prévenir les autorités adéquates en cas de danger », indique la CNCDH. Elle suggère donc d'« améliorer l'offre de soins de la psychiatrie publique et de réfléchir à la notion de soins sans consentement, afin de permettre le soin des malades tout en respectant leurs droits et libertés fondamentales ». La commission juge par contre « préférable de laisser en l'état le régime de l'irresponsabilité pénale pour trouble mental ». D'autant plus que « cette réforme ne paraît pas s'imposer en raison du petit nombre de cas - une dizaine par an, selon la chancellerie - où l'irresponsabilité est retenue, nombre qui se réduit régulièrement ».

Au-delà, la participation du malade mental à un procès public apporte de « sérieuses atteintes aux règles de procédure », indique la commission. En effet, la procédure de reconnaissance de l'irresponsabilité pénale par la chambre de l'instruction, suite à un débat contradictoire, revêt un véritable caractère d'audience qui va « à l'encontre du principe de la présomption d'innocence ». En outre, estime-t-elle, « l'organisation compliquée de cette nouvelle procédure n'apportera pas de véritable progrès à la victime, pour laquelle la confrontation physique avec un auteur qui est malade n'est pas une explication ou une réparation, mais plutôt un drame ajouté au drame, une confrontation de souffrances ».

Enfin, si la chambre de l'instruction conclut à l'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, elle pourra notamment prononcer, s'il y a lieu et après expertise psychiatrique, une ou plusieurs des mesures de sûreté énoncées par le projet de loi (interdiction d'entrer en relation avec la victime de l'infraction ou certaines personnes spécialement désignées ou de paraître dans tout lieu ; interdiction de détenir ou de porter une arme...). Des mesures « ambiguës » selon la CNCDH, « puisqu'il ne s'agit ni des conséquences d'un véritable jugement pénal, ni des mesures qui peuvent être prescrites à l'égard de tout malade dans le respect de ses droits ».

Notes

(1) Voir ASH n° 2534 du 7-12-07, p. 13.

(2) Note disponible sur www.cncdh.fr.

(3) Texte qui devait être adopté le 10 janvier en première lecture par l'Assemblée nationale.

(4) Selon la chancellerie, sur l'ensemble de la population carcérale détenue au 1er novembre 2007, 106 personnes répondent aux critères du projet de loi (nature et quantum de peine) et sont libérables courant 2008, dont 15 voire 20 pourraient relever d'une mesure de rétention de sûreté.

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