Par décret, est créé un traitement automatisé de données à caractère personnel relatives aux étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement - baptisé fichier « ELOI », comme éloignement - pour « permettre le suivi et la mise en oeuvre » de ces mesures mais aussi l'établissement de statistiques. La parution intervient après l'annulation en mars dernier par le Conseil d'Etat, saisi par plusieurs associations de défense des droits des étrangers, de l'arrêté du 30 juillet 2006, texte qui prévoyait initialement la création de ce fichier très controversé (1). Les sages du Palais Royal avaient alors considéré que les conditions de mise en oeuvre d'un tel outil ne pouvaient, compte tenu de son objet et de la nature des informations collectées, être fixées que par un décret en Conseil d'Etat - et non par un simple arrêté ministériel - pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) (2). Prenant acte de ces remarques, le gouvernement, et plus précisément le ministère de l'Immigration, a revu sa copie et présenté un nouveau texte approuvé à la fois par la CNIL et le Conseil d'Etat. Sur le fond, il apporte des améliorations saluées par les associations de défense des droits des étrangers, qui les estiment toutefois insuffisantes (voir ce numéro, page 31).
Dans sa nouvelle version, le fichier permet toujours l'enregistrement d'une multitude de données sur les étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement. Parmi elles, figurent, comme dans l'arrêté du 30 juillet 2006, des informations portant sur l'étranger lui-même : état civil, identité des parents et des enfants, langues parlées, éventuelle « nécessité d'une surveillance particulière au regard de l'ordre public »... Ces données peuvent être conservées « jusqu'à l'expiration d'une période de trois ans courant à compter » de la date de l'éloignement effectif de l'étranger. Deux exceptions sont toutefois prévues : les informations relatives aux langues parlées par l'étranger et sur l'éventuelle nécessité « d'une surveillance particulière au regard de l'ordre public » doivent être effacées « trois mois après la date de l'éloignement effectif ».
Comme dans l'arrêté également, si l'étranger est assigné à résidence, les nom, prénoms et adresse de la personne qui l'héberge sont enregistrés dans le fichier « ELOI ». Ces données doivent être effacées « au plus tard trois mois après la fin de l'assignation à résidence », est-il précisé dans le décret. En revanche, le décret ne fait plus mention de l'enregistrement des données relatives aux visiteurs d'une personne placée en rétention administrative, l'une des mesures les plus critiquées à l'époque par les associations.
Le fichier sera accessible aux agents des services centraux du ministère de l'Intérieur, à ceux des services préfectoraux en charge de la gestion de la procédure d'éloignement et à ceux des services de la police et de la gendarmerie nationales en charge de la gestion des lieux de rétention administrative et de l'exécution des mesures d'éloignement « individuellement désignés et spécialement habilités » par les autorités, « pour les besoins exclusifs des missions relatives aux procédures d'éloignement qui leur sont confiées ». Autre garde-fou : chaque agent n'a accès « qu'aux informations nécessaires eu égard à ses attributions dans la conduite des procédures d'éloignement ».
Un droit d'accès et de rectification est accordé aux personnes « fichées », comme la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 le prévoit pour tout traitement de données à caractère personnel. Il s'exerce auprès du préfet en charge de la gestion du dossier d'éloignement. En revanche, le droit d'opposition, également prévu par ce texte, « ne s'applique pas au traitement ELOI ».