« Une peine d'emprisonnement sur cinq et un travail d'intérêt général sur dix ne sont pas exécutés près de trois ans après leur prononcé » et « la moitié des amendes prononcées par les juridictions n'est pas recouvrée ». Tel est le constat dressé par la commission des lois de l'Assemblée nationale dans son rapport rendu public le 13 décembre (1), dans lequel elle formule une cinquantaine de propositions pour réduire les obstacles à l'exécution des décisions de justice pénale prononcées à l'encontre des majeurs. Objectif : « Faire en sorte que, à l'issue de la présente législature, l'exécution des décisions de justice pénale ne soit plus en France un problème mais une réalité pour 100 % des décisions. »
Pour « donner une réelle efficacité à la chaîne pénale », la commission des lois préconise, par exemple, de créer, avant le 31 décembre 2009, un « dossier judiciaire unique » afin que les intervenants de la chaîne pénale disposent des mêmes informations, un chantier qu'elle estime « absolument prioritaire ». Elle recommande également d'accélérer l'inscription des décisions au casier judiciaire. Cette mesure revêt une « importance considérable tant au stade de l'engagement des poursuites qu'à celui de l'audience correctionnelle dans une perspective d'individualisation des peines, ainsi que lors d'un éventuel examen d'aménagement devant le juge d'application des peines [JAP] ». Son but : « atteindre un objectif d'enregistrement des décisions en un mois au plus à compter de leur prononcé avant le 31 décembre 2009 ».
Afin d'« améliorer la mise à exécution et les conditions d'exécution des décisions de justice pénale », le rapport estime qu'il conviendrait de généraliser, avant le 31 décembre 2008, les bureaux d'exécution des peines (BEX), instances chargées d'expliquer la décision de la juridiction au condamné et d'informer les victimes sur les modalités de recouvrement des dommages et intérêts (2). Le rôle du BEX doit aussi être accru : il « doit devenir le lieu où commence effectivement la mise à exécution du volet civil de la décision pénale, en lien avec le service d'aide au recouvrement des dommages-intérêts par les victimes d'infractions, qui doit être prochainement créé (3) ». Ce dernier pourrait notamment leur verser une avance forfaitaire sur la somme qui leur est due, dont « le plafond devra être fixé, dans un premier temps, à un minimum de 3 000 € », estime la commission des lois. En outre, afin de s'assurer que les condamnations à des dommages et intérêts soient effectivement exécutées, elle suggère que la victime soit invitée à faire savoir, dès le stade de sa constitution de partie civile, si elle souhaite que le service d'aide au recouvrement soit saisi en cas d'absence de paiement dans les 30 jours suivant le moment où la décision est devenue définitive. Plus globalement, afin d'améliorer l'efficacité des BEX, le rapport préconise de les doter de personnels suffisants et de faciliter leur fonctionnement par une adaptation du déroulement des audiences correctionnelles.
La commission souligne également la nécessité de favoriser l'accès à l'enseignement et à la formation professionnelle en détention, « aspects essentiels de réinsertion vers laquelle l'exécution des peines privatives de liberté doit tendre ». Pour ce faire, il faudrait encourager le recrutement des enseignants en milieu pénitentiaire. Mais deux facteurs y font obstacle : l'exigence d'un diplôme d'éducation spécialisée et le faible niveau de leur indemnisation. Ainsi, contrairement à la circulaire du 29 mars 2002 relative aux orientations de l'enseignement en milieu pénitentiaire qui requiert des postulants des aptitudes particulières, mais pas de diplôme particulier, l'Education nationale a tendance à exiger d'eux qu'ils soient titulaires d'un diplôme d'éducation spécialisée. Diplôme « dont l'obtention peut être longue et difficile sans qu'elle soit une garantie certaine d'aptitude à travailler en milieu fermé », relève le rapport. Aussi conviendrait-il, selon lui, que « tout en maintenant une exigence de qualité élevée dans le recrutement des personnels, [...] l'Education nationale ne fasse pas de la possession de ce diplôme une condition nécessaire pour exercer en milieu pénitentiaire ». La commission recommande en outre de revaloriser l'indemnité d'enseignement en milieu pénitentiaire qui leur est versée, fixée à 2 526 € par an depuis 2000. Enfin, l'Assemblée nationale attire l'attention sur les difficultés causées par l'interruption des cours pendant les mois d'été en raison des congés scolaires, une problématique qui se pose surtout pour les personnes condamnées à des courtes peines. Elle demande donc aux ministères de la Justice et de l'Education nationale d'engager une réflexion afin de résoudre cette difficulté et, au-delà, d'envisager l'organisation de cours du soir pour les détenus occupant un emploi.
Selon le rapport, les recours aux aménagements de peines et aux peines alternatives aux poursuites sont « encore timides ». Afin d'accélérer leur mise en oeuvre, le JAP devrait pouvoir disposer au plus tôt d'éléments d'information sur la personne incarcérée. Dans ce cadre, il propose « que soit réalisé par le service pénitentiaire d'insertion et de probation [SPIP], dans les dix jours suivant l'incarcération, un rapport transmis au JAP sur la situation de la personne incarcérée ». Celui-ci devra « décrire sommairement [sa] situation en ce qui concerne les principaux critères d'accès aux aménagements de peine : logement, emploi, formation professionnelle, participation à la vie familiale, situation sanitaire. »
Plus généralement, le rapport exige un nouveau renforcement des moyens des SPIP (4), notamment par une augmentation « de 25 % au cours des cinq prochaines années » de leurs effectifs, en fonction de leurs besoins et des évolutions à venir de leurs missions.
(1) Rapport d'information n° 505 de la Commission des lois de l'Assemblée nationale - « Juger, et après ? » - Décembre 2007 - Disponible sur
(2) Sur les bureaux de l'exécution des peines pour les mineurs, voir ASH n° 2535 du 14-12-07, p. 18.
(4) En effet, la norme tacite communément répandue fixe de 80 à 100 le nombre de mesures que peut suivre un travailleur social. Or, « dans un grand nombre de SPIP, chaque agent suit un nombre de mesures compris entre 100 et 200, au détriment de l'intensité et de la qualité du suivi », relève le rapport.