Prévue par la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration (1), la liste des métiers connaissant des difficultés de recrutement et ouverts aux étrangers sans que la situation de l'emploi puisse leur être opposée est désormais connue. Concrètement, deux listes sont fixées - ce que contestent d'ailleurs les associations (voir ce numéro, page 32) : l'une pour les ressortissants des dix nouveaux Etats membres de l'Union européenne (UE), l'autre pour ceux des pays tiers (hors UE), toutes deux étant annexées à une circulaire du 20 décembre dernier adressée à l'ensemble des préfets de régions et de départements.
Ces deux listes vont également permettre la mise en oeuvre de la procédure de régularisation exceptionnelle créée par la loi « Hortefeux » du 20 novembre 2007 en faveur des étrangers sans papiers travaillant dans des secteurs en tension (2).
Ainsi, les ressortissants de l'Estonie, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de la Pologne, de la République tchèque, de la Slovaquie, de la Slovénie, de la Roumanie et de la Bulgarie sont autorisés à exercer en France une activité salariée dans 150 métiers (3), sans que la situation de l'emploi leur soit opposable. Ces métiers - qui sont pour beaucoup peu qualifiés (ouvrier de travaux publics, serveur, employé de ménage à domicile, agent d'entretien...) - représentent 40 % du total des offres d'emploi enregistrées par l'ANPE en 2006 (soit 1 372 000) et couvrent la presque totalité des domaines professionnels (soit 17 sur 22), explique l'administration.
La liste concernant les ressortissants de pays tiers à l'UE est, quant à elle, établie par métiers mais aussi par régions. « En application du principe de préférence communautaire », explique la circulaire, elle est beaucoup « plus restreinte que celle ouverte aux ressortissants des nouveaux Etats membres, dont elle constitue un sous-ensemble ». Seuls 30 métiers qualifiés y figurent, ce qui correspond à environ 152 800 offres enregistrées à l'ANPE en 2006. Six d'entre eux seulement valent pour l'ensemble des régions de France métropolitaine : cadre de l'audit et du contrôle comptable, informaticien d'études, informaticien expert, chargé d'études techniques du bâtiment, chef de chantier du BTP, conducteur de travaux du BTP. Les autres métiers ne sont accessibles sans que soit opposable la situation de l'emploi que dans certaines régions (4). Cette liste de métiers n'est pas applicable aux ressortissants algériens et tunisiens, qui sont régis par des accords spécifiques. Par contre, le gouvernement français peut proposer à des Etats tiers des listes plus larges de métiers dans le cadre d'accords bilatéraux de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement. De tels accords ont déjà été conclus avec le Sénégal, le Gabon et le Congo, rappelle la circulaire. « D'autres devraient l'être prochainement avec le Bénin, la Tunisie et les Philippines », poursuit-elle.
L'administration rappelle ensuite quelque principes devant guider la mise en oeuvre du dispositif. Elle explique notamment que l'employeur qui souhaite embaucher un étranger sur un des métiers figurant sur les listes n'est pas tenu, préalablement, de rechercher des candidats sur le marché du travail national et, a fortiori, de justifier de telles recherches auprès de l'administration du travail. Lorsque la demande d'autorisation de travail - qui doit être adressée à la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle - concerne un emploi qui ne figure pas dans la liste des métiers, l'instruction se fait selon les règles de droit commun fixées à l'article R. 341-4-1 du code du travail. Si c'est un emploi figurant sur les listes qui est visé, les autres conditions d'instruction des demandes d'autorisation de travail prévues par ce code restent quand même applicables, notamment celles relatives au respect par l'employeur des règles sociales et au respect du principe d'égalité de traitement, notamment en matière de rémunération. La circulaire explique aussi que, lors du renouvellement de l'autorisation provisoire de travail, s'il apparaît que l'intéressé a changé de métier et que l'activité qu'il exerce ne relève pas de la liste des métiers en tension, le critère de la situation de l'emploi lui sera alors opposable. Enfin, elle rappelle que l'exercice de certaines professions peut être soumis à des conditions de diplôme ou de titres.
Ces mesures entreront en vigueur par arrêté cosigné des ministres chargés de l'immigration et de l'emploi. Toutefois, il est demandé aux préfets « de les appliquer dès maintenant dans le traitement des dossiers » qui leur parviennent depuis le 20 décembre dernier.
(3) Sur ces 150 métiers, 61 étaient déjà accessibles depuis le 1er mai 2006 aux nouveaux membres de l'UE.
(4) Une liste des métiers ouverts par région est annexée à la circulaire. Elle sera complétée pour les départements d'outre-mer.