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Une parenthèse pour les parents et les enfants en crise

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Fondée par une équipe de psychologues, l'association Parenthèse permet aux parents et enfants en souffrance d'être accueillis et suivis lors de consultations ou de thérapies familiales. Cette action d'accompagnement s'appuie sur le travail en réseau et des actions de prévention menées dans la cité.

« Proposer un dire pour éviter le pire... » C'est sur cette idée que quatre psychologues travaillant dans le domaine de l'enfance et de l'adolescence ou dans celui des addictions décident, en 2000, de créer l'association Parenthèse (1). Jugeant que leurs interventions dans les collèges et lycées de la ville relèvent plus de l'information que de la prévention, ils montent le projet d'un point écoute pour les familles et les adolescents en difficulté à Perpignan. Il s'agit en premier lieu de s'adresser aux parents, qui ne disposent d'aucun endroit réellement adapté pour faire entendre leur mal-être. « Nous avons voulu créer un espace où leur «thèse» puisse aussi se dire, parce que ce sont plutôt eux qui formulent une demande et non les adolescents. Or, excepté leur médecin généraliste ou le psychiatre, souvent mal perçu parce qu'il renvoie à l'image de la folie, ils n'avaient quasiment personne vers qui se tourner », explique Mathieu Graell, vice-président de Parenthèse. Et de préciser que la démarche se veut généraliste, c'est-à-dire « centrée sur le sujet plutôt que sur les symptômes ».

Salon d'accueil clair et rassurant, salles de consultations sobres, dans cette agréable maison de ville installée au coeur de Perpignan, l'équipe - composée de quatre psychologues à temps partiel, d'une animatrice socioculturelle et d'une secrétaire - accueille ainsi les familles dans un lieu non médicalisé et gratuit (en dehors d'une adhésion symbolique pour ceux qui le peuvent) où la parole peut se libérer quand un trop plein de souffrance empêche d'avancer. Elle a été notamment surprise, lors des premières consultations, par le nombre de parents se disant victimes de violences de la part de leurs enfants. Beaucoup sont également alarmés par leur consommation abusive de cannabis.

Ces parents témoignent surtout d'une montée générale du mal-être de jeunes embarqués dans des conduites à risque, à l'instar des tentatives de suicide ou des phénomènes de scarification. Quand il ne s'agit pas de comportements de fuite, via des addictions nouvelles, comme l'ordinateur.

Autre surprise, beaucoup d'adolescents s'adressent rapidement à la structure, pourtant initialement orientée vers leur famille. En 2006, les jeunes (âgés de 15 à 24 ans) étaient quasiment aussi nombreux que les parents à avoir sollicité l'aide de l'association. Ils prennent rendez-vous de leur propre initiative, après en avoir entendu parler par une assistante sociale ou une infirmière scolaire, quand ils ne sont pas orientés par les professionnels du secteur social, médical ou de l'Education nationale. « C'est alors important pour les jeunes de savoir que des parents sont reçus ici, car cela montre qu'on est en lien, qu'on n'existe pas tout seul », précise Françoise Valadou-Deroeux, psychiatre-conseil pour l'association.

Pour réaliser cet accompagnement, qu'elle qualifie de « relance et de reprise d'élaboration psychique », l'équipe propose des consultations individuelles ou collectives. Lorsque c'est possible, les deux psychologues, formés à cette approche, peuvent également accueillir les parents et les enfants dans le cadre d'une thérapie familiale. Un accompagnement jugé bien adapté face à une souffrance protéiforme, qui met en jeu des problématiques de plus en plus complexes. « La thérapie familiale nous permet parfois d'avoir une approche plus synthétique, de saisir des difficultés qui sont massives et touchent tous les champs : social, familial, physique, psychique... », explique Pierre Duvaut, psychologue. Elle a en outre l'avantage de ne pas faire peser sur la personne en difficulté « l'entière responsabilité d'un dysfonctionnement familial ».

Ne pas rompre brutalement le lien

Si le protocole de prise en charge défini dans le cahier des charges stipule que le point écoute doit être un lieu d'accueil, d'évaluation de la demande et de réorientation rapide des personnes vers les dispositifs de droit commun, l'équipe argue du manque de structures adaptées et du lien bénéfique qui se crée pour inscrire son action dans un temps plus long. « Quand une relation est créée avec des familles ou des jeunes qui viennent déposer leur souffrance, c'est difficile de leur dire d'un seul coup que c'est terminé et qu'ils vont devoir aller ailleurs et réexpliquer plusieurs fois leurs difficultés à des interlocuteurs différents, observe Marie-Andrée Rollet, psychologue. On risque de créer des «émigrants en souffrance» ».

Pour favoriser une transversalité dans l'accompagnement des parents et des enfants en situation de crise, l'association s'est rapidement insérée au sein du Réseau Ado 66, créé en 2006 afin d'améliorer la prise en charge des adolescents les plus en difficulté. Lorsque l'équipe ne peut plus intervenir parce qu'elle est confrontée à des comportements très violents, des attitudes d'autodestruction ou encore des problèmes d'ordre psychiatrique, elle peut faire appel à d'autres membres du réseau (service psychiatrique pour enfant, direction départementale de la protection judiciaire de la jeunesse, Education nationale, conseil général, etc.) en vue d'une prise en charge plus globale. Avec certaines structures, comme le centre d'accueil et de crise de l'hôpital Saint-Jean de Perpignan, le travail partenarial fonctionne sur un mode plus implicite. Un accord informel permet en effet aux psychologues de Parenthèse de recevoir de jeunes suicidants après leur séjour dans le service des urgences psychiatriques et d'accompagner ces adolescents en grande souffrance et leurs parents.

Indispensable pour tenter d'apporter des réponses à des problèmes dépassant le seul champ de compétence des intervenants, le partenariat permet aussi de sortir des murs pour mener des actions de prévention. L'équipe a signé une convention de partenariat en octobre 2006 avec l'université de Perpignan afin de pouvoir répondre aux nombreuses demandes d'aide psychologique d'étudiants confrontés à de graves problèmes (anorexie, bouffées délirantes, tentatives de suicide, etc.). Cet accord permet à ces derniers de bénéficier d'entretiens individuels gratuits dans un lieu confidentiel, situé au sein même de la cité universitaire.

L'équipe a, en outre, mis en place avec les centres sociaux de la ville des permanences psychologiques, des groupes de paroles avec des mères et grands-mères ou encore des petits-déjeuners conviviaux mensuels avec les habitants. Il s'agit non seulement de contribuer à renouer le lien social dans la cité avec l'appui des partenaires institutionnels et associatifs locaux, mais aussi d'utiliser la culture à des fins de prévention, via la réappropriation des équipements culturels ou l'organisation de projections-débats.

Reste que cette stratégie de travail en commun se heurte parfois à des logiques d'intervention divergentes. Comment, par exemple, concilier certaines demandes d'institutions qui dépassent les compétences de l'équipe de psychologues ou ne correspondent pas à ses principes d'intervention ? « Certains centres sociaux voudraient que nous apportions des réponses là où ils ne trouvent pas de solutions. Ils auraient aimé, par exemple, que nous puissions mobiliser, sur des questions comme l'éducation, des mères de famille qu'ils accueillaient », rapporte Sarah Beaufort, animatrice socioculturelle. Des membres de l'équipe y voient une tendance de plus en plus affirmée à considérer le psychologue comme une sorte de gourou censé avoir réponse à tout. « On nous demande de plus en plus d'être animateurs de débats sur des sujets de société qui ne sont pas de notre ressort, comme l'avortement ou le voile. C'est dangereux, car cela supposerait que nous sortions de notre position de neutralité bienveillante », avertit Pierre Duvaut.

L'association, qui a créé en 2004 une consultation à destination des jeunes consommateurs de cannabis dans le cadre du dispositif initié par la MILDT (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie), a également été confrontée à la difficulté d'articuler son travail avec l'institution judiciaire. Elle a, en effet, été sollicitée par cette dernière pour accueillir, dans ses locaux, une cellule d'évaluation et d'orientation cannabis pour les jeunes consommateurs orientés par le procureur de la République. Une demande qu'elle a finalement rejetée car elle craignait une confusion des genres. « Si nous avions accueilli cette cellule d'orientation chez nous, explique Mathieu Graell, nous serions sortis de notre mission de prévention pour assurer un travail d'expertise directement adossé à l'institution judiciaire. Or nous ne voulions pas que le public fasse un amalgame préjudiciable en nous identifiant à celle-ci. »

C'est ainsi que, depuis 2006, dans le cadre d'une convention de partenariat, les jeunes consommateurs repérés par l'institution judiciaire sont d'abord examinés par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, qui accueille la cellule d'orientation, avant d'être orientés vers Parenthèse ou l'une des deux autres associations du dispositif, pour y avoir deux entretiens. Une formule en forme de compromis, qui permet surtout, précise Mathieu Graell, de rendre plus étanches les actions des uns et des autres : « Lorsque les jeunes ont eu leurs deux entretiens obligatoires, nous leur disons que, pour nous, le dispositif les liant à l'institution judiciaire s'arrête et qu'ils peuvent revenir vers un psychologue de l'association, dans une démarche libre et éclairée. »

Aujourd'hui, les professionnels cherchent à accroître l'accessibilité du point écoute et à favoriser la mixité sociale des publics accueillis. Une tâche qui n'est pas facile, notamment lorsqu'il s'agit de faire venir les jeunes des quartiers les plus défavorisés. Pour ceux qui ne sont pas prêts à aller en consultation, une écoute téléphonique est d'ailleurs assurée, depuis le milieu de l'été dernier, par l'équipe ; elle constitue un premier pas possible vers un accompagnement plus formalisé. L'association réfléchit aussi à la façon d'étendre ses actions partenariales et d'information très chronophages (voir encadré ci-contre) sans remettre en cause son projet initial. « Nous sommes tellement sollicités pour intervenir à l'extérieur, souligne Alina Kowalewicz, psychosociologue, que nous devons faire attention à maintenir la place prépondérante des consultations. »

Informer, former, échanger

Les enjeux et les limites de la parentalité, la construction de l'identité à l'adolescence..., dès sa création, Parenthèse a mis en place un important programme de colloques et de séminaires visant à développer les échanges avec l'ensemble des professionnels concernés par les questions de la parentalité et de l'adolescence. Une action qui vise aussi à accroître sa visibilité : « Grâce à ces colloques ou conférences-débats, on a très rapidement compté sur nous. Un mois après le premier colloque, par exemple, nous avons eu 30 % de consultations en plus », rapporte Mathieu Graell, son vice-président. Une politique rendue possible par un budget en augmentation depuis la création de l'association, même si aucun des financements n'est pérenne. Celui-ci se montait ainsi à 170 000 € en 2006, abondé à 50 % par l'Etat, le reste se répartissant entre le conseil régional, le conseil général, la caisse d'allocations familiales, la Fondation de France et la ville de Perpignan.

Notes

(1) Parenthèse : 27, rue Oliva - 66000 Perpignan - Tél. 04 68 35 01 09.

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