Large, fouillé, précis, soit aussi très désespérant : tel est le panorama du mal-logement, établi par deux experts - Didier Vanoni, directeur de FORS-Recherche sociale, et Christophe Robert, responsable des études à la Fondation Abbé-Pierre pour le logement des défavorisés -, qui font toucher du doigt ce qu'il est convenu d'appeler la « crise » du logement. Désignation impropre, expliquent-ils d'ailleurs, car la situation n'a rien d'un phénomène temporaire. Elle relève d'une « pathologie chronique », dont les conséquences en cascade font système. Ce système pervers multiplie les exclusions du logement et affecte la quasi-totalité des populations aux ressources faibles, modestes et, aujourd'hui, moyennes. Du fait d'une offre rare et chère, de plus en plus de ménages sont contraints de vivre dans des conditions qui ne correspondent pas à leurs besoins, alors que ce logement engloutit une part croissante de leur budget. Résultat : l'évolution des aides au logement ne correspondant pas à l'explosion des prix de l'immobilier et de l'énergie, le « reste-à- vivre » de nombreux foyers tient du « reste-à-survivre ».
Croisant informations et analyses, la démonstration méthodique des auteurs constitue, de fait, un constat à charge. Elle n'a rien pourtant du brûlot partisan. Le « mille-feuilles » de réformes, plans et dispositifs divers qui s'emploient à remédier au déséquilibre structurel des marchés immobiliers, est présenté de façon détaillée, ainsi que les données relatives à la reprise de la construction : « On retrouve, depuis deux-trois ans, des niveaux de production jamais atteints depuis la fin des années 1970. » Mais, en complet décalage avec les besoins, ce dynamisme ne contribue qu'à une élévation des prix, soit aussi à celle du nombre de mal-logés. Effectivement, s'il accroît globalement le parc existant, le développement de l'offre se solde par une « perte sèche » de logements au coût abordable. D'où une ribambelle d'effets en chaîne : ralentissement de la mobilité résidentielle, allongement des listes de demandeurs de logements sociaux, extension du champ des marchands de sommeil, confinement en CHRS de 30 % des résidents et saturation des dispositifs d'accueil d'urgence. Au total 800 000 logements manquent à l'appel en 2006, cependant qu'au rythme de ces trois dernières années, le rattrapage prendrait près de deux décennies.
A cette aune, même si la loi sur le droit au logement opposable représente une « avancée juridique indéniable », ses conditions de mise en oeuvre sont loin d'être remplies. Les auteurs craignent, notamment, qu'un grand nombre de demandeurs de logement, considérés comme « prioritaires », se voient orienter vers des formules d'hébergement ou d'habitat temporaire. « Sans un effort massif en faveur de la construction de logements à loyer accessible, le risque serait également que l'opposabilité du droit au logement se traduise par un simple remaniement de l'ordre des prioritaires dans la liste d'attente que constituent les demandeurs de logements sociaux. » Mais, cet effort est-il vraiment à l'ordre du jour ? En additionnant les apports de l'Etat, des partenaires sociaux et des collectivités locales, la part consacrée par le pays au logement était, en 2006, inférieure à 2 % du PIB. Soit pratiquement son plus bas niveau depuis 30 ans.
Logement et cohésion sociale. Le mal-logement au coeur des inégalités - Didier Vanoni et Christophe Robert - Ed. La Découverte - 25 € .
Quelles représentations du droit élaborent les enfants d'origine étrangère qui vivent en Belgique, et cette perception est-elle différente de celle de leurs contemporains « belgo-belges » ? Pour le savoir, Isabelle Carles-Berkowitz a enquêté, en 2000, auprès de 280 jeunes âgés de 12 à 18 ans. Cet échantillon d'élèves scolarisés à Bruxelles dans cinq établissements francophones - dont deux structures privées catholiques, situées en zone défavorisée, qui accueillent de nombreux jeunes musulmans - était composé d'adolescents belges issus ou pas de familles immigrées (marocaines ou turques, principalement) et de jeunes d'une autre nationalité. Au terme de cette recherche, il s'avère que les différences les plus significatives entre les répondants ne tiennent pas à leur origine : l'ensemble des jeunes a intégré la culture juridique de leur pays de résidence, qui est, pour 80 % d'entre eux, le pays de naissance. En revanche, il existe des variations sensibles d'appréhension du droit à l'intérieur du groupe des jeunes d'origine étrangère, qui sont fonction du genre et/ou du milieu social des intéressés. Ainsi, quelle que soit la catégorie socio-professionnelle de leurs parents, les filles d'origine étrangère ressemblent beaucoup à leurs homologues belges. Mais, s'agissant des garçons, ce constat se vérifie uniquement avec ceux qui appartiennent aux classes moyennes ou favorisées : leurs représentations de la justice et de la loi se rapprochent de celles de leurs contemporains « belgo-belges ».
Ce n'est pas le cas des jeunes gens qui vivent en milieu défavorisé. La double stigmatisation dont ils font les frais, du fait de leur origine sociale et raciale, radicalise leur attitude à l'égard des autorités : ils jugent injuste le système juridique et judiciaire et ont tendance à investir dans le religieux la confiance qu'ils dénient aux institutions. A la différence des jeunes filles, en phase avec le pays de migration de leurs pères ou de leurs grands-pères, qui construisent leur « identité juridique » dans une perspective d'avenir, les garçons ne seraient pas parvenus à ce stade « post-migratoire ». Confrontés à de difficiles conditions d'insertion, ils semblent avoir du mal à forger une image valorisante d'eux-mêmes à partir des valeurs de la société belge. Aussi la chercheuse préconise-t-elle de lutter énergiquement contre les discriminations raciales. Elle fait également le pari que la génération des jeunes filles, qui revendique l'égalité hommes-femmes, éduquera ses enfants de telle façon que les différences de perception du droit par genre s'estomperont d'elles-mêmes. Reste à savoir, néanmoins, ce qui, du privé ou du politique sera, à cet égard, le plus déterminant.
Le droit et les jeunes d'origine étrangère. Une approche par genre des phénomènes de socialisation juridique - Isabelle Carles-Berkowitz - Ed. L'Harmattan - 26,50 € .
Banalité et répétitivité constituent la lancinante rengaine de la monotonie quotidienne, le lamento est connu. Yann Le Goff, éducateur spécialisé, formateur de travailleurs sociaux, ne l'entend pas de cette oreille. Pour les usagers accueillis dans les internats socio-éducatifs et médico-sociaux, qui ont souvent pâti d'une absence d'habitudes structurantes, l'ordinaire du quotidien est loin d'être un boulet : il constitue, au contraire, un ancrage précieux, source de stabilité et de sécurité. Cette « quotianité » est également un formidable outil de travail pour les intervenants qui entourent les résidents, affirme l'auteur. Bien sûr, les professionnels doivent veiller à ce que « ça ne «routine» pas », ou du moins pas trop. Aussi, leur faut-il savoir introduire de l'inattendu pour épicer l'accoutumé. Et prendre soin, alors, de poser comme tels ces petits ou grands évènements, faute de quoi ils risquent de passer inaperçus. Mais, précisément, l'art et la manière de scander le temps, pour chacun en particulier et pour la collectivité, en faisant alterner retour du même et avènement de moments de vie différents, n'est-ce pas là le coeur de métier de ceux qu'un autre expert en la matière - Joseph Rouzel - a justement baptisés « rempailleurs du quotidien » ? Yann Le Goff n'a pas moins de subtilité pour analyser les multiples aspects de cette « clinique éducative centrée sur le sujet », dont participe la « clinique du quotidien ». Mais le sel de son propos se perd, parfois, dans le ronronnement de trop longs développements.
Le quotidien en internat - Yann Le Goff - Ed. Vuibert - 35 € .
Le travail social est-il condamné à devenir « une entreprise de normalisation » soumise au « diktat de l'idéologie libérale » ? Telle est, énoncée par Romuald Avet, psychologue, psychanalyste et formateur, la conviction des auteurs de ce coup de sang collectif. Tous psychologues et/ou psychanalystes - à une exception près -, ils s'accordent à dénoncer « le risque totalitaire », sous-titre de leur ouvrage. En ligne de mire : la loi 2002-2, et son « projet d'entériner une logique de marchandisation du travail social, qui transforme la pratique en prestation de service et instrumentalise les usagers autour de l'impératif de l'objectif et du résultat », affirme Romuald Avet, maître d'oeuvre du libelle. Plus circonstanciées et mesurées, quelques contributions se démarquent du ton général. Ainsi, celle de Jacqueline Duchène et Isabelle Garçon, cliniciennes à l'aide sociale à l'enfance, qui analysent les travers d'un système malade de l'urgence. Ou bien, le témoignage de Cécile Vidalain, éducatrice spécialisée, montrant qu'intervenir auprès d'adolescents délinquants peut ne pas consister à faire rimer répression avec contention. Reste, cependant, qu'avec un propos globalement outrancier, les professionnels « mis à mal » risquent de desservir leur cause.
Le travail social mis à mal. Le risque totalitaire - Sous la direction de Romuald Avet - EFEdition - 17 € .
Dans le Bas-Rhin, le pôle départemental de ressources des conduites à risque a rassemblé professionnels et chercheurs de nombreuses disciplines pour une journée consacrée à la solitude et à l'errance des jeunes. Cette réalité aux multiples visages a été abordée sous l'angle du mal de vivre, de la vacuité, de la rupture, de la disparition, mais aussi de la découverte, de l'aventure ou encore des rites de deuil et de passage...
Editions Téraède : 48, rue Sainte-Croix de la Bretonnerie - 75004 Paris - 14 € .
Les troisièmes rencontres européennes organisées par Trisomie 21 France du 10 au 12 novembre 2006, ont permis de faire le point des connaissances actuelles sur le développement de l'intelligence chez les personnes porteuses de ce handicap. Chercheurs et professionnels ont notamment traité des facteurs neurologiques, émotionnels, éducatifs et environnementaux qui entrent en ligne de compte. Le tout, dans le souci d'une insertion plus effective et d'une meilleure qualité de la vie des intéressés.
Trisomie 21 France : 10, rue du Monteil - 42000 Saint-Etienne - Tél. 04 77 37 87 29 - 18 € , port inclus.
Est-il possible de soigner quand pèse la contrainte, tant sur les patients que sur les équipes ? Contrainte des soins et de la détention pour les usagers, contrainte pour les soignants de recevoir des patients qui ne demandent rien. Cette question, qui concerne tous les personnels de terrain, les magistrats, les services sociaux, a fait l'objet d'un colloque tenu les 22 et 23 mars 2007 à l'initiative de la F3A (Fédération des acteurs de l'alcoologie et de l'addictologie).
Disponible à la F3A : 154, rue Legendre - 75017 Paris - Tél. 01 42 28 65 02 - Gratuit dans la limite des stocks disponibles ou téléchargeable sur
A l'occasion de son 60e anniversaire, L'Amicale du Nid a organisé, le 23 novembre 2006, un colloque pour replacer les réalités vécues par les personnes prostituées dans leur contexte économique et juridique, combattre les idées reçues, les tentatives de faire reconnaître la prostitution comme un métier aussi bien que la stigmatisation. Elle a aussi lancé le débat sur les différentes formes de prévention et les moyens de la développer, y compris en cherchant à faire changer les mentalités, notamment le fatalisme qui domine en la matière.
Amicale du Nid : 14, rue Victor-Méric - 92110 Clichy - Tél. 01 41 40 95 95.
Le logement, fondement et maillon faible de l'Etat providence ? Depuis le début du siècle, les conditions de l'accès au logement se heurtent aux logiques des marchés qui ont réduit la capacité « d'inclusion » des territoires. Les contributions, issues d'un colloque international organisé les 29 et 30 septembre 2005 à l'université de Paris-X Nanterre, abordent, par des comparaisons dans le temps et dans l'espace, plusieurs dimensions de l'évolution du logement social : le droit au logement, sa mise en oeuvre et ses contradictions, la génèse et la fonction des logements précaires, et, du point de vue des personnes, la notion de « dignité » de l'habitat.
Sous la direction de Valérie Laflamme, Claire Levy-Vroelant, Douglas Robertson et Jim Smyth - Ed. L'Harmattan - 34 € .