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Aide alimentaire : « Concilier impératifs de santé publique et autonomie des bénéficiaires »

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Carences alimentaires, problèmes de santé..., l'étude Abena réalisée par l'Institut de veille sanitaire pointe l'extrême vulnérabilité des bénéficiaires de l'aide alimentaire. Ce qui pose la question de l'amélioration de cette dernière, mais aussi de ses limites, souligne Katia Castetbon, responsable de l'unité nutritionnelle à l'InVS (1).
Pourquoi cette étude ?

L'Institut de veille sanitaire a été saisi, fin 2003, d'une demande de Dominique Versini, alors secrétaire d'Etat à la lutte contre l'exclusion et la précarité, d'une étude sur la situation nutritionnelle des personnes recourant à l'aide alimentaire. Par ailleurs, les structures de distribution avaient exprimé leur besoin de mieux connaître leur public. C'est à partir de cette double volonté qu'en 2004-2005 nous avons conduit l'étude Abena (« Alimentation et état nutritionnel des bénéficiaires de l'aide alimentaire ») dans les associations concernées de Paris, Dijon, Marseille et de la Seine-Saint-Denis. Celle-ci s'est intéressée à l'épidémiologie, mais aussi aux comportements alimentaires des personnes à travers un volet anthropologique (2).

Quels sont les résultats ?

Les personnes qui recourent à l'aide alimentaire présentent des profils très divers, même si plus de la moitié sont des femmes ou des hommes seuls avec enfants. Leur situation nutritionnelle est très critique. Chez les femmes, l'obésité (30 %) est deux fois plus forte que dans la population générale et l'anémie également bien supérieure. Par ailleurs, 14 % des hommes présentent un déficit en vitamine C, ce qui se rencontre habituellement très rarement. Ces résultats sont cohérents avec une alimentation déséquilibrée, même si nous n'avons pas voulu faire de lien direct entre les deux. 90 % des personnes consomment moins de deux fois par jour des fruits ou légumes...

Ces personnes sont très dépendantes de l'aide alimentaire...

Elles ne consacrent en moyenne que 2,60 par jour à leur alimentation, auxquels s'ajoute l'aide alimentaire. D'où leur grande dépendance à celle-ci, et leur vulnérabilité. En effet, les associations, faute de moyens et en dépit de leurs efforts, arrêtent souvent la distribution l'été. Par ailleurs, le reste à vivre demandé pour accéder à l'aide alimentaire est très bas : moins de 3 , parfois 6. C'est dire les limites de cette aide, qui ne touche que la grande pauvreté et s'avère inadaptée aux besoins énergétiques et nutritionnels de ses bénéficiaires. Sa vocation n'est pas de répondre, dans la durée, à la totalité de la consommation alimentaire des familles. Elle devrait compléter l'achat d'autres produits, alors qu'il n'y a souvent pas d'argent pour faire des courses.

Quelles sont vos préconisations ?

La direction générale de l'action sociale s'est approprié les résultats de notre étude en mettant en place un plan triennal d'amélioration de l'aide alimentaire 2006-2008 (3). Plusieurs initiatives sont prévues pour améliorer sa qualité nutritionnelle. Outre la création de jardins d'insertion, une étude de faisabilité est en cours afin de récupérer les invendus du marché de Rungis. De notre côté, dans le cadre de notre surveillance sanitaire, nous allons réitérer cette étude dans trois ou quatre ans pour voir comment la situation des familles a évolué. D'autant que l'augmentation des jeunes bénéficiaires de moins de 25 ans est préoccupante.

On constate une résistance des femmes obèses aux conseils nutritionnels. N'y a-t-il pas un décalage entre ce type de discours et la réalité de vie des personnes ?

Ces conseils, parfois prodigués par l'intermédiaire des bénévoles, ne visent pas à les contraindre de faire un régime pour se conformer à une norme sociale, mais à améliorer leur santé. Seulement, ce n'est probablement pas le moment. Ces femmes ne peuvent supporter une privation supplémentaire et attendent de leur retour à l'emploi la possibilité de se projeter dans l'avenir. C'est pourquoi la perte de poids ne peut être une priorité pour elles. Cette attitude peut s'inscrire aussi dans le désir d'indépendance et de respect de sa dignité. Cela pose une question délicate : comment concilier les impératifs de santé publique et l'autonomie des personnes ?

Mais ne demande-t-on pas trop à l'aide alimentaire ?

Beaucoup d'associations vont au-delà de l'aide alimentaire et mènent des actions de réinsertion. Mais il est bien évident qu'elles ne peuvent à elles seules annuler les effets de la pauvreté, d'autant qu'elles fonctionnent à 50 % sur les dons privés et le bénévolat. Il ne faudrait pas que, dans un contexte d'aggravation de la précarité, on en vienne à demander à l'aide alimentaire de régler tous les problèmes en amont.

Notes

(1) InVS : 12, rue du Val-d'Osne - 94415 Saint-Maurice cedex France - Tél. 01 41 79 67 00.

(2) Etude disponible sur www.invs.sante.fr.

(3) Intégré au programme national nutrition santé 2006-2010 - Voir ASH n° 2468 du 8-09-06, p. 12.

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