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Un « labo » pour faciliter la recherchede stages d'intervention collective

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Face à la difficulté des étudiants assistants sociaux d'expérimenter l'intervention sociale d'intérêt collectif (ISIC), l'Institut régional du travail social de Montpellier a créé un « labo ISIC ». Cet espace de recherche vise à susciter une réflexion partenariale sur cette pratique avec des effets bénéfiques sur la formation, les stages et, plus largement, sa mise en oeuvre.

« Au niveau des équipes de terrain, de réelles disparités existent par rapport aux actions sociales d'intérêt collectif. Certains professionnels continuent d'être très frileux. Quant à ceux qui veulent conduire des projets sur un territoire, il leur est difficile de dégager du temps pour cela, tant les priorités que les directions assignent aux services peuvent se révéler différentes », observe Christine Pont, assistante sociale et membre du « labo ISIC », un espace de recherche créé au sein de l'Institut régional du travail social (IRTS) de Montpellier (1) pour valoriser les pratiques de l'intervention sociale d'intérêt collectif (ISIC).

De fait, regroupant sous la même appellation le travail social auprès des groupes d'usagers, le travail social communautaire et le développement social local (2), l'ISIC continue d'occuper une place congrue dans la palette d'intervention des travailleurs sociaux. Et cela en dépit de la réforme du diplôme d'Etat d'assistant de service social (DEASS) (3), qui, intervenue en 2004, place l'intervention collective dans le bagage des travailleurs sociaux à parité avec la classique intervention sociale d'aide à la personne. « Le mérite de la réforme, c'est de mettre le problème sur la table et d'obliger tout le monde à prendre position. Non pas que le diplôme de 2004 invente tout à coup l'ISIC, car c'est une démarche connue du travail social. Mais le contexte institutionnel, professionnel et politique est tel que cette pratique n'est pas valorisée et que l'orientation globale des interventions se situe en réalité toujours du côté de l'aide individuelle », explique Cathy Bousquet, responsable de la filière de formation des assistants sociaux à l'IRTS.

D'où le problème posé aux centres de formation par le nouveau diplôme. Alors que le référentiel du DEASS exige que les étudiants puissent expérimenter, à part égale, des actions collectives et des actions individuelles au cours de leurs trois années d'études, cette obligation se révèle pratiquement impossible à remplir en raison du manque de terrains de stage qualifiants dûment estampillés ISIC. « Nous sommes partis d'une démarche inverse, explique Cathy Bousquet. Nous n'avons pas voulu nous situer au niveau d'un inexistant, d'un manque de savoir-faire, mais nous nous sommes demandé comment les professionnels des terrains de stage allaient pouvoir rester partenaires de la formation et s'associer à l'évolution voulue par la réforme du DEASS. »

Après un premier travail de concertation conduit entre les praticiens des sites qualifiants et l'IRTS, une délimitation du champ théorique et pratique de l'intervention sociale d'intérêt collectif a été proposée (4). En outre, un module de formation initiale à l'ISIC d'une journée a été ouvert aux professionnels des terrains de stage. La dynamique enclenchée, un espace de travail a été créé en 2005 au sein de l'IRTS en vue de favoriser l'échange sur les démarches d'ISIC dans une perspective de transmission.

Réunissant des cadres pédagogiques, des étudiants, des travailleurs sociaux et des responsables de service d'institutions sociales (notamment les conseils généraux du Gard et de l'Hérault, la caisse régionale d'assurance maladie, la caisse régionale d'assurance minière et des associations), ce « labo ISIC » permet aux professionnels de débattre des initiatives d'action sociale collective, de leurs difficultés méthodologiques éventuelles, et de confronter leurs projets. Ce qui amène les partenaires à examiner collectivement les critères pertinents à retenir pour la formation, par exemple la terminologie, le passage du diagnostic social au projet collectif, le choix de la méthode, l'évaluation de l'action et la communication de ses résultats. « La méthodologie retenue est celle de la recherche-action qui permet d'intégrer les apports collectifs d'une séance de travail à l'autre. Le «labo ISIC» fonctionne sur une mutualisation des savoirs et produit, de ce fait, de nouveaux acquis assimilables ou transposables pour l'ensemble des acteurs », explique Cathy Bousquet. Les résultats engrangés au fur et à mesure permettent de revisiter les compétences de base nécessaires à l'intervention sociale d'intérêt collectif, telles que les techniques de gestion de groupe, qui sont indispensables pour lever les craintes chez les personnes habituées à l'intervention sociale individuelle. Et de cette façon, la réflexion au sein du laboratoire vient nourrir les contenus de la formation initiale et continue.

L'action engagée dans le « labo ISIC » s'accompagne parallèlement d'une politique de stages volontariste. « Pour compenser le manque de terrains qualifiants à l'ISIC, il est demandé aux étudiants de devenir force de propositions de projets d'intervention collective sur les terrains de stage, et par là d'initier des recherches sur le territoire que les professionnels des institutions ne peuvent assurer. Libre ensuite aux institutions de se saisir ou pas du travail préalable de repérage et d'étude réalisé à cette occasion par les étudiants », explique Claire Jouffray, formatrice.

Cette possibilité - ouverte par le nouveau diplôme, qui n'impose en cours d'études que la réalisation du diagnostic d'une intervention sociale d'intérêt collectif, et non sa mise en oeuvre - conduit ainsi les étudiants à se faire les porte-parole du changement sur des terrains professionnels encore peu familiarisés avec cette pratique. « C'est un fait que les professionnels de terrain se sentent un peu dépassés. La formation a beaucoup évolué, et nous rencontrons dans les services un écart assez important par rapport à ce que nous avons appris. Mais nous ressentons autour de nous un intérêt véritable pour le bagage théorique que nous possédons », raconte Séverine Server, étudiante en deuxième année de DEASS. Laquelle se souvient d'une réunion organisée par l'équipe de la structure qui l'accueillait « pour faire le point sur l'enseignement délivré en matière de dynamique de groupe ».

De la même manière, la réforme autorise les étudiants à effectuer la moitié de la durée de leurs stages sur des sites ne disposant pas forcément d'un référent assistant de service social. Une autre opportunité d'élargir le cercle. « Des stages ont pu être initiés dans des centres sociaux, ce qui a contribué à modifier l'image que leurs professionnels se faisaient des assistants sociaux. Ils ont découvert à cette occasion que ces derniers n'intervenaient pas uniquement dans un registre assistantiel, mais qu'ils possédaient aussi des compétences d'animation de groupe. Du coup, ça amène aussi les étudiants à s'interroger sur leur propre culture professionnelle », commente Claire Jouffray.

Même si les freins demeurent nombreux, à commencer par la crainte, chez les étudiants, de heurter le conservatisme des jurys aux examens du diplôme en effectuant leurs stages dans des institutions atypiques, les résultats de cet essaimage se révèlent fructueux. « Encore aujourd'hui, c'est très progressivement que les collègues sont au courant de la réforme du diplôme. Il faut affirmer cette manière de travailler en collectif qui s'installera dans la mesure où les étudiants en seront porteurs », assure Claire Jouffray.

Outil de recherche et de transmission, l'ancrage du « labo ISIC » dans un centre de formation permet aussi de croiser les regards sur le développement des pratiques d'intervention collective. A ce titre, la mobilisation de l'encadrement des services sociaux apparaît aux yeux de tous comme indispensable. « Car si les porteurs de projets enregistrent une intention bienveillante autour d'eux, on ne peut pas dire que les choses leur sont facilitées, explique Isabelle Giraud, assistante sociale, membre du laboratoire. Nous sommes encore dans le registre de la volonté personnelle, chacun faisant avec les moyens du bord et déterminant lui-même ses priorités. »

Méconnaissance, difficulté à mesurer la dimension de développement social de l'intervention collective, rationalisation des moyens, conduisent alors souvent les services à un resserrement des priorités. « C'est pourquoi nous insistons sur la mise en place d'une évaluation des résultats des actions d'intérêt collectif, insiste Sonia-Laure Panafieux, formatrice. L'évaluation peut produire des effets à plusieurs niveaux. D'abord, produire du sens pour les participants des actions. Ensuite, permettre de dégager la plus-value de ce travail auprès des employeurs et des élus. » Une plus-value qui peut se révéler très utile pour faciliter le financement de l'ISIC. Lequel se heurte aujourd'hui aux cloisonnements administratifs et budgétaires.

Par ailleurs, le laboratoire est à présent sollicité par différents services pour les aider à monter des projets d'intervention collective et mettre en place leur évaluation. Ce qui conforte une démarche qu'il convient désormais de mieux faire connaître. Dans cet esprit, le 22 novembre dernier, une journée d'information, organisée par le comité départemental de liaison et de coordination des services sociaux (Clicoss) (5), a permis aux membres du laboratoire de délivrer une première information élargie devant un public de travailleurs sociaux.

Mais l'IRTS veut encore aller plus loin. Afin de développer la culture de l'intervention sociale collective, il a demandé aux étudiants de sa filière DEIS (diplôme d'Etat d'ingénierie sociale) de travailler sur une évolution des statuts du laboratoire. Une question, notamment, leur est posée. Une charte de l'intervention collective est-elle envisageable et, à partir de là, est-il possible de labelliser des consultants issus du travail social qui interviendraient pour valider ce type de demande ? Parallèlement, d'autres étudiants achèvent la construction d'un site Internet qui recensera les actions collectives de la région et ouvrira un forum professionnel. « C'est une suite logique, car le point de départ était de nous dire que la profession possède une base de qualification, mais que, en dépit de cela, les interventions collectives étaient beaucoup moins développées que celles individuelles, explique Cathy Bousquet. Comment donc ce savoir professionnel, qui mixe des compétences disciplinaires, des références théoriques et des méthodologies d'intervention, peut-il être promu par la profession et non partir dans des universités ? »

Un apprentissage graduel

L'épreuve de passage du diplôme d'Etat d'assistant de service social doit vérifier la capacité du candidat à « penser et agir » une action sociale collective. Dans cette perspective, l'IRTS de Montpellier a contourné l'obstacle du manque de terrains de stage d'intervention sociale d'intérêt collectif (ISIC) en définissant avec les professionnels des sites qualifiants les étapes d'un possible apprentissage. Sur les trois années de leurs études, les étudiants vont devoir répondre à des commandes de plus en plus précises. En première année, il leur est demandé de repérer une problématique commune à plusieurs usagers, de poser un diagnostic social et d'imaginer une réponse. En deuxième année, lors du stage d'apprentissage professionnel, ils doivent faire une étude de faisabilité (repérage des ressources humaines et matérielles). Enfin, lors du stage d'approfondissement de fin d'études, et si le contexte s'y prête, il peut être proposé aux étudiants de mettre en oeuvre leur projet.

Notes

(1) IRTS Languedoc-Roussillon : 1011, rue du Pont-de-Lavérune - CS 70022 - 34077 Montpellier cedex 3 - Tél. 04 67 07 02 40.

(2) L'appellation « intervention sociale d'intérêt collectif » a été proposée en 1987 par le Conseil supérieur du travail social, pour lequel « une ISIC prend comme finalité de son action une population donnée » et vise « la promotion, le renforcement ou la restauration d'objectifs d'intérêt général et de bénéfices collectifs ».

(3) Voir ASH n° 2370 du 27-08-04, p. 29.

(4) Elle est jointe au dossier de stage remis aux professionnels des sites qualifiants.

(5) Qui sera dissout le 31 janvier 2008.

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