La journée de solidarité instaurée par loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées (1) est un « succès réel », se félicite Eric Besson, secrétaire d'Etat chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques. Dans son rapport remis au Premier ministre le 18 décembre faisant l'état des lieux du dispositif (2), il souligne « le caractère novateur du financement institué [...] : 2,1 milliards d'euros collectés en 2007 - effectivement utilisés pour les personnes âgées et dépendantes (3) - grâce au fait que 9 Français sur 10 travaillent une journée de plus dans l'année. » Toutefois, des difficultés, notamment liées à la garde d'enfants le lundi de Pentecôte (4), sont apparues. En vue d'améliorer le dispositif, Eric Besson propose donc trois scénarios dont aucun n'est idéal estime-t-il, entre lesquels François Fillon devrait « arbitrer en début d'année prochaine ».
Premier scénario avancé par le rapport : « revenir à une journée unique de solidarité fixée le lundi de Pentecôte », situation dans laquelle le problème de l'accueil des enfants serait résolu. Toutefois, explique le secrétaire d'Etat, « une telle hypothèse [qui nécessiterait une modification législative] ne correspond pas à l'esprit de souplesse, de responsabilisation des acteurs et de dialogue social de la loi du 30 juin 2004 ». En outre, le « «retour en arrière» comporte surtout le risque de faire renaître une situation conflictuelle » pour les entreprises qui ont pu négocier une journée alternative.
Dans le deuxième scénario, il s'agirait de « [réaffirmer] que tout Français doit une journée de solidarité accomplie, après négociation collective, selon des modalités autres que le travail du lundi de Pentecôte ». Dès lors, le lundi de Pentecôte redeviendrait un jour chômé et laisserait aux entreprises une « souplesse maximale » pour définir les modalités de la mise en oeuvre de la journée de solidarité, un mouvement d'assouplissement amorcé depuis 2005 à la suite des préconisations du Comité de suivi et d'évaluation de la journée de solidarité (5). En outre, « la faible productivité observée ce jour-là constitue un argument pour trouver d'autres modalités d'accomplissement de la journée de solidarité ». En effet, même si 86 % des salariés effectuent cette dernière, la situation sur l'organisation et le choix du jour est en revanche « très confuse et manque de lisibilité » : pour le secteur privé, 48 % des salariés effectuent leur journée de solidarité le lundi de Pentecôte, 38 % y contribuent sous une autre forme et 14 % n'y participent pas, et pour le secteur public, environ 70 % des salariés renonceraient à un jour de RTT. Là encore, une modification de la loi du 30 juin 2004 serait nécessaire, précédée d'une concertation préalable avec l'ensemble des partenaires sociaux. Cependant, précise Eric Besson, cette démarche « ne pourrait être envisagée que dans le cadre d'une réforme [en cours de discussion] de plus grande ampleur portant sur le temps de travail ou le financement de la dépendance (« cinquième risque ») ».
« Dans le cas où [cette dernière] modification ne pourrait pas être engagée rapidement », le secrétaire d'Etat propose, dans un dernier scénario, de « stabiliser les règles de la journée de solidarité et [d']améliorer sa mise en oeuvre ». Dans cet objectif, suggère-t-il, il conviendrait tout d'abord d'améliorer la visibilité du dispositif, en engageant un « effort pédagogique » auprès des salariés et des entreprises et services et de « populariser » l'utilisation des ressources dégagées par la contribution de solidarité pour l'autonomie. « Parallèlement, l'information des familles doit être renforcée, notamment sur les moyens de garde des enfants. Les autorités publiques locales, sous l'égide des préfets, [pourraient ainsi] diffuser un état fiable des services offerts aux parents de façon que ceux-ci puissent anticiper le lundi de Pentecôte. » Toujours dans cet esprit, le rapport préconise de « développer la sensibilisation aux problèmes de handicaps et de dépendance », une démarche qui doit s'intégrer « dans tous les actes éducatifs en direction des jeunes gens et dans les messages qu'il appartient aux pouvoirs publics et aux associations de diffuser à la population ». Enfin, Eric Besson recommande d'« accélérer le lancement des programmes en attente dans les établissements d'accueil par la signature des conventions tripartites établissements-directions départementales de l'action sanitaire et sociale-conseils généraux en souffrance ».
Sans modification législative, ce troisième scénario pourrait aussi, selon lui, évoluer vers une mobilisation du secteur public, afin de répondre à la demande de garde d'enfants. « Les contraintes portant sur [ce] secteur peuvent aller de la plus faible à la plus forte, se déclinant de la manière suivante : soit la journée de solidarité est organisée par les acteurs locaux de l'enseignement, mais assortie d'une obligation d'accueil des élèves ; soit les services publics sont ouverts le lundi de Pentecôte ; soit l'ensemble de la Fonction publique travaille [ce jour-là] ». Quoi qu'il en soit, le rapport recommande que, au minimum, une information soit donnée aux familles, « au cours du premier trimestre 2008 au plus tard », sur les dispositions relatives à l'accueil des enfants le lundi de Pentecôte et qu'une réflexion soit engagée par les gestionnaires des structures d'accueil de la petite enfance pour permettre à l'avenir l'accueil de tous les enfants des parents travaillant ce jour-là. Une démarche qui pourrait, selon Eric Besson, s'inscrire à l'ordre du jour de la prochaine conférence de la famille.
(1) Voir notamment ASH n° 2365 du 25-06-04, p. 5.
(2) Prochainement disponible sur
(3) Selon Eric Besson, 1,3 milliard d'euros a été utilisé pour financer des actions au profit des personnes âgées (soit 60 % de la contribution de solidarité pour l'autonomie) et 800 millions ont été dépensés en faveur des personnes handicapées (soit 40 % de la contribution). Les associations contestent la réalité de ces dépenses (voir notamment ce numéro, p. 41).
(4) Compte tenu des différents modes de garde, près de 3 500 000 familles regroupant près de cinq millions d'enfants de moins de 12 ans sont confrontées à ce problème d'accueil.