Le volet « personnes âgées » de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 (1) et les difficultés de signature des dernières conventions tripartites pour les EHPAD (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) alimentent, parmi d'autres éléments d'actualité, un constat alarmiste d'AVVEC (2). Les directeurs et les représentants des familles regroupés dans cette association sont d'autant plus critiques que les « engagements ambitieux » des hommes politiques pour récupérer « le retard accumulé depuis 30 ans » - pris, notamment, lors du lancement du plan de solidarité grand âge en 2006, visant à terme un taux d'encadrement de 0,8 salarié en maison de retraite pour un résident (3) - leur semblent contredits par les arbitrages financiers.
Pour 2008, les crédits d'assurance maladie accordés aux personnes âgées (4,8 milliards d'euros, soit 3 % de ce budget) sont annoncés en hausse de 11 %. C'est l'augmentation la plus faible depuis la canicule de 2003, note Pascal Champvert, co-président d'AVVEC, qui la juge également « fictive » car elle reprend pour partie des crédits antérieurs non dépensés. En réalité, calcule-t-il, elle n'est que de 8 % et doit couvrir à la fois les créations de places et les évolutions de fonctionnement (4). Ces dernières sont donc fortement contingentées et si certains établissements voient leurs moyens s'améliorer, d'autres sont appelés à « faire avec » une diminution.
Déjà, en 2007, les budgets soins de la plupart des établissements et services n'ont été augmentés que de 1,6 %, c'est-à-dire moins que la hausse des prix et des salaires, rappelle AVVEC. Deux circulaires du 17 octobre 2006 et du 6 avril 2007 - contre lesquelles l'association a déposé un recours au Conseil d'Etat - prévoient, directement ou indirectement, la possibilité de « revoir à la baisse » la dotation de certains établissements dans un délai de trois ans. Dans la même logique, la loi de finances pour 2008 ouvre la possibilité de fixer par arrêté des plafonds pour les établissements médico-sociaux. L'objectif est bien de ramener tout le monde vers une fourchette moyenne, fût-elle basse, compatible avec les budgets alloués. « On part des enveloppes prédéterminées et non pas des besoins des personnes reconnus par tous », proteste Joëlle Le Gall, l'autre co-présidente d'AVVEC.
Cette même logique explique que certains établissements n'ont toujours pas signé de convention tripartite, alors que la date limite ultime est fixée au 31 décembre 2007. Ils seraient 2 000 dans ce cas, estime Pascal Champvert - personne, même le cabinet de la ministre, n'ayant de chiffre exact... Pour 300 d'entre eux, « indignes et qu'il faut fermer », ce sont les pouvoirs publics qui ne souhaitent pas contracter. Pour les 1 700 autres, ce sont les établissements qui résistent et qui « ne veulent pas signer à n'importe quel prix ».
Laurent Pédelaborde, directeur d'une maison de retraite de 43 lits à Ustaritz (Pyrénées-Atlantiques), se voit ainsi proposer par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) 460 000 € pour son budget soins 2008, alors que ses résidents utilisent actuellement 625 000 € de crédits d'assu-rance maladie (dont 145 000 € pour l'intervention d'infirmières libérales). Pourtant, avec un GIR moyen pondéré de 780 (c'est-à-dire très élevé), ses demandes sont, poste par poste, jugées « raisonnables » par les inspecteurs de la DDASS. « Sans doute serais-je un meilleur gestionnaire si je n'appliquais pas de convention collective et si, comme d'autres, j'avais un turn over tel que l'établissement n'emploierait que des smicards », ironise ce directeur, en faisant allusion à des « suggestions en ce sens, entendues ici et là de la part des représentants des pouvoirs publics ». Mais il refuse un recul budgétaire qui le ferait rétrograder d'un taux d'encadrement de 0,7, « pas du tout luxueux », à 0,52. « Ce serait incompatible avec le projet d'établissement », juge aussi son conseil d'administration, qui le soutient dans le bras de fer engagé. Car s'il refuse toujours de signer après sept ans de palabres, il risque cette fois de se voir imposer un forfait encore inférieur...
De semblables pressions « à la signature à tout prix » sont actuellement exercées dans de nombreuses DDASS, assure Pascal Champvert, qui remarque que plusieurs directeurs d'établissements publics prêts à témoigner ont renoncé à le faire in extremis. Il est vrai qu'ils sont notés personnellement par le directeur de la DDASS...
En tout cas, AVVEC refuse d'autant plus la volonté d'alignement sur la moyenne que « des crédits existent ». A la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie), il restait 200 millions d'euros non dépensés sur le budget « personnes âgées » 2006 (« ceux qui sont recomptés dans l'augmentation de crédits pour 2008 et permettent d'afficher la hausse de 11 % »). Sur 2007, il va subsister environ 600 millions, estime Pascal Champvert, « ce qui montre au passage, contrairement à ce qu'affirme Eric Besson [voir ce numéro, page 7], que le produit de la journée de solidarité est certes budgété mais pas dépensé à 100 % pour son objet ».
« C'est inadmissible quand tant de besoins subsistent, estime Joëlle Le Gall, car cela veut dire qu'il faut faire les toilettes en dix minutes, sans le temps de la relation humaine. A ce rythme, les personnels s'épuisent, les familles culpabilisent », et « ce n'est pas mieux à domicile avec une aide plafonnée à 92 heures par mois » pour les moins valides. AVVEC demande donc qu'il n'y ait ni gel de crédits, ni recul des moyens des établissements et services, que les excédents soient utilisés dès le début 2008 et que les charges nouvelles imposées aux établissements soient compensées. Elle réclame surtout une concrétisation des promesses du président de la République sur la mise en place du cinquième risque, à l'occasion d'une grande conférence nationale qui devrait dégager des financements pour augmenter les personnels et le nombre de places à domicile et en établissement, et diminuer le coût payé par les résidents dans lesdits établissements. « Le plan Alzheimer devra être financé dans ce cadre », ajoute l'association, qui préférerait ne pas devoir compter sur les franchises médicales. Ni sur la récupération sur succession - « une idée remisée grâce au tir de barrage convergent des associations, mais qui peut réapparaître » -, ni sur l'assurance individuelle, « inaccessible à une bonne partie des Français ».
(1) Adoptée le 23 novembre - Voir ASH n° 2533 du 30-11-07, p. 7.
(2) AVVEC rassemble l'AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées) et la Fnapaef (Fédération nationale des associations de personnes âgées et de leurs familles) : c/o AD-PA - 3, impasse de l'Abbaye - 94100 Saint-Maur - Tél. 01 55 12 17 24.
(3) L'objectif à terme est de « un professionnel pour une personne très handicapée en établissement », ce qui donnerait un taux d'encadrement moyen de 0,8 - Voir ASH n° 2458 du 2-06-07, p. 5.
(4) La Fédération hospitalière de France a émis des constats du même ordre - Voir ASH n° 2533 du 30-11-07, p. 43.