Un an après l'installation de leur campement sur les rives du canal Saint-Martin, l'association Les enfants de Don Quichotte a voulu réitérer l'initiative le 15 décembre, dans le Ve arrondissement de Paris. Mais le scénario a tourné court : les forces de l'ordre ont évacué manu militari les 250 tentes, corroborant les déclarations de la ministre du Logement qui, quelques jours plus tôt, avait affirmé que le gouvernement ne tolérerait plus de nouveaux campements. La sortie de crise a été rapide : le Premier ministre, qui a reçu le 18 décembre huit associations, les a invitées à se réunir de nouveau le 15 janvier pour signer avec l'Etat « un contrat d'objectifs et de résultats » sur l'hébergement et le logement. Le document, qui ne devrait pas se limiter à corriger le PARSA (plan d'action renforcé pour les sans-abri), devra être élaboré sous la houlette d'Etienne Pinte, député-maire (UMP) de Versailles. Le délai est très court, mais l'objectif est de s'appuyer à la fois sur les 37 recommandations du comité de suivi de la loi DALO (1) remises en octobre dernier au chef de l'Etat et sur celles du jury de la conférence de consensus, organisée les 29 et 30 novembre à l'initiative de la FNARS (Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale) (2).
Depuis 2006, le paysage a changé et les mêmes actions n'ont donc pas tout à fait produit les mêmes effets. A la différence de l'an dernier, où les acteurs traditionnels de la lutte pour l'accès au logement avaient d'abord été spectateurs de l'opération de trublions encore inconnus, le gouvernement a dû cette fois faire face à la fronde unie des associations. En effet, toutes - elles l'avaient souligné le 30 octobre dans un appel au chef de l'Etat (3) - constatent le manque d'engagement politique sur le sujet, et en particulier le bilan décevant du PARSA obtenu en janvier dernier à la suite des événements du canal Saint-Martin.
Les objectifs de ce dernier seront tenus quantitativement pour l'hébergement (6 000 places de stabilisation et 4 500 places de CHRS). Le volume de logements réservé par les collecteurs du 1 % et de ceux conventionnés par l'ANAH à destination des sortants de CHRS est en revanche très loin du compte. Tout comme celui des logements de transition : à la fin de l'année, moins de 150 logis-relais sur les 1 600 prévus dans le PARSA et environ 2 500 maisons-relais sur les 9 000 escomptées devraient être disponibles.
Alors, promesses tenues ou pas ? Sur l'hébergement, en partie seulement, car des progrès restent à faire en termes qualitatifs, mais certainement pas sur le logement, ce qui peine à dégripper le dispositif. Même si la ministre aime à rappeler qu'« on ne rattrapera pas le retard de dix ans en six mois ». Après la querelle de chiffres qui a opposé Christine Boutin et les Enfants de Don Quichotte sur le nombre de places disponibles pour les sans-abri, polémique qualifiée de « vaine » par Xavier Emmanuelli, président du SAMU social, les associations se sont employées à éclaircir le débat. Ce dernier « ne devrait plus porter aujourd'hui sur la simple mise à l'abri telle qu'elle est proposée ces derniers jours en ouvrant des gymnases, explique le Secours catholique. La question essentielle est bien le développement d'hébergements pérennes, stables et dignes. C'est à cette seule garantie que les personnes sans domicile accepteront en nombre un hébergement et un accompagnement qui leur offrent dignité et sécurité dans la durée. » Ce que soutient également le collectif « les Morts de la rue » dans une lettre ouverte à la ministre : « Peu a été fait jusqu'ici pour l'accompagnement de ces personnes pour une sortie vers le haut ».
Les différents acteurs entendent donc ne plus parler uniquement chiffres. L'objectif est désormais de définir des politiques publiques cohérentes pour remédier à la situation des sans-abri et rendre le droit au logement effectif. Ce dont se satisfait la FNARS, qui souligne néanmoins que le contrat d'objectifs qui sera signé entre l'Etat et les associations devra fixer « une méthode de travail, un calendrier, des obligations de résultats chiffrées et un pilotage précis ». « Main-tenant que le constat est partagé par toutes les associations, notre crainte était que les décisions soient reportées à plus tard, commente Christophe Robert, directeur des études à la Fondation Abbé-Pierre. Il faut à présent que le gouvernement s'approprie ce diagnostic, le traduise en mesures de politiques publiques, les finance et s'engage. » Alors que les Enfants de Don Quichotte avaient évalué le coût des mesures à mettre en oeuvre à un milliard d'euros, François Fillon a seulement précisé qu'il n'exclurait pas un correctif budgétaire en cours d'année 2008.
Christine Boutin a, par ailleurs, chargé Michel Pélissier, président d'Adoma (ex-Sonacotra) d'une mission visant à accélérer la réalisation des maisons-relais, en facilitant les coopérations entre associations, collectivités territoriales et financeurs.