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« Accepter de prendre en compte l'expertise des personnes en situation de pauvreté »

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Associer les usagers aux politiques de lutte contre la pauvreté, c'est possible et pertinent, défend Olivier Marguery, directeur des programmes de la Fondation de l'Armée du salut et président d'EAPN-France. Illustration avec la démarche d'échanges sur le Plan national d'action pour l'inclusion (PNAI) 2006-2008, engagée par la fondation (1).
Quelle est l'origine de cette action ?

Elle a été engagée au début de l'année, dans le cadre d'un appel à projets lancé en juillet 2006 par la Commission européenne sur la sensibilisation des personnes en situation de pauvreté au PNAI. La Fondation de l'Armée du salut a proposé d'organiser une lecture critique du document. Il s'agissait de permettre aux personnes concernées par les politiques d'inclusion de se l'approprier afin de pouvoir faire des propositions sur le plan en cours et celui à venir. Mais au-delà de cette démarche participative, nous avons voulu favoriser le « croisement des regards », une démarche de compréhension mutuelle. C'est pourquoi nous avons amené les personnes touchées par la précarité, les professionnels de l'action sociale et les institutions à se rencontrer autour du document. Ce texte d'orientation des politiques publiques reste en effet la propriété de quelques hauts fonctionnaires !

L'Europe ne semble-t-elle pas un peu trop lointaine pour les usagers ?

Le PNAI est un outil de mutualisation des politiques avec les autres pays de l'Union. En France, il reprend globalement les politiques gouvernementales à l'oeuvre et constitue un document de synthèse qui permet de mieux les faire connaître. Mais parler du PNAI, c'est aussi parler d'un outil des politiques sociales européennes qui vise à éradiquer la pauvreté. C'est donc montrer que l'Europe a du sens dans la réalisation de cette grande cause.

Comment l'action s'est-elle déroulée ?

Le PNAI a été lu et décrypté par un comité de pilotage, composé de trois personnes précaires et de trois acteurs sociaux, au cours de journées régionales organisées en Champagne-Ardenne, en Haute-Normandie et dans le Nord-Pas-de-Calais. Il a fallu d'abord comprendre son jargon technocratique et ses sigles - une centaine en 30 pages ! -, et le reformuler dans un texte validé par la direction générale de l'action sociale. Le document a fait l'objet d'une analyse critique sous forme de constats et de propositions. Nous avons créé un site Wiki [participatif] pour permettre au plus grand nombre de le compléter. En outre, dans les régions pilotes, trois groupes de travail ont été mis en place sur les objectifs prioritaires du PNAI : l'accès à l'emploi des personnes qui en sont le plus éloignées, l'insertion sociale et professionnelle des jeunes, le développement de l'offre de logement social et d'hébergement de qualité.

Quelles conclusions tirez-vous ?

La première est qu'un dispositif, dès lors qu'il est compris, peut être amendé de façon pertinente par les personnes auxquelles il s'adresse. La démarche de co-construction est possible, et c'est rassurant ! Les décideurs pourraient y gagner en rapidité et en simplicité, tandis que les bénéficiaires y trouvent un formidable outil de mobilisation. Quant à la lecture critique du document, les personnes en situation de pauvreté ne contestent pas tant son contenu que le mille-feuille des dispositifs et son manque de lisibilité. Outre de nombreuses mesures pour améliorer l'offre de logement et la solvabilité des locataires, le statut et l'accompagnement dans la durée des personnes en insertion, elles réclament plus d'information, de clarté et de cohérence. Mais cette attente générale n'empêche pas certaines discordances entre les usagers et les professionnels, qui parfois - on l'a vu dans les groupes de travail - tiennent un discours très technique. La présence d'usagers dans les lieux de décision est une autre grande revendication, ainsi que les moyens nécessaires pour faire vivre les instances de participation. Mais accepter de prendre en compte l'expertise des personnes concernées suppose des changements de pratiques qui rencontrent encore des résistances parmi les acteurs sociaux. Sans doute pour une question de pouvoir, cette réticence est d'ailleurs plus visible chez les « intermédiaires » que chez les décideurs.

Quelles suites attendez-vous ?

Les conclusions de cette démarche, qui s'est achevée le 6 décembre par une journée d'échanges, seront remises à la direction générale de l'action sociale et au Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE). Au-delà, nous souhaitons que des personnes en situation de pauvreté soient associées à l'élaboration du PNAI, fassent partie du CNLE et de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale. Elles devraient participer à toutes les instances d'élaboration des politiques publiques et à la mise en oeuvre des dispositifs dans les territoires.

Notes

(1) Avec l'Uniopss, trois Uriopss, EAPN-France et la DGAS - Fondation Armée du Salut : 60, rue des Frères-Flavien - 75020 Paris - Tél. 01 43 62 25 00.

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