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Autisme : les dix recommandations du Comité national d'éthique pour mettre fin à la « maltraitance par défaut »

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«L'absence de diagnostic précoce, d'accès à l'éducation, de socialisation et de prise en charge précoce adaptée conduit [...] à une perte de chances pour l'enfant qui constitue une «maltraitance» par défaut. » Dans un avis rendu le 6 décembre (1), le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) prononce un sévère réquisitoire contre « la situation dramatique en France des personnes atteintes d'autisme et de leurs familles » caractérisée par un diagnostic souvent tardif, de grandes difficultés d'accès à un accompagnement éducatif précoce et adapté, un manque de places dans des structures d'accueil adaptées, l'impossibilité pour les familles de choisir les modalités de prise en charge des enfants, la carence d'accompagnement, de soins et d'insertion sociale des personnes adultes et âgées atteintes de ce handicap...

Entre déni des besoins et reconnaissance de droits fictifs

« La France connaît, par rapport à de nombreux pays, en particulier anglo-saxons et d'Europe du Nord, un déficit majeur. » Pourtant, depuis plus de dix ans, rapports, recommandations, circulaires et lois se sont succédé, notamment : la loi du 11 décembre 1996 relative à la prise en charge de l'autisme, le rapport Chossy en octobre 2003 (2), la circulaire du 8 mars 2005 visant à relancer l'action en faveur des personnes atteintes d'autisme et de leurs familles (3). Aussi le comité d'éthique s'insurge-t-il contre « une tendance dans notre pays à penser que la reconnaissance symbolique d'un droit peut tenir lieu de substitut à un accès réel à ce droit ». Un exemple récent : la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées qui rend obligatoire l'inscription à l'école des enfants souffrant de handicap. Malgré les classes d'intégration scolaire, les unités pédagogiques d'intégration et les auxiliaires de vie scolaire, « cette inscription à l'école demeure encore trop souvent, en raison d'un manque d'enseignants et d'auxiliaires de vie scolaire formés, la seule manifestation d'une scolarisation fictive ». Le droit à l'éducation des enfants handicapés n'est pas ancré dans la réalité, reproche le CCNE (4).

Par ailleurs, le manque d'études épidémiologiques concernant la prévalence des syndromes autistiques en France, en particulier chez les adultes, pose « un problème éthique majeur dans la mesure où cette absence de données participe au déni des besoins d'accompagnement et de prise en charge adaptée ». Seule une minorité des 60 000 à 100 000 enfants atteints de syndromes autistiques peut être accueillie dans les structures spécialisées, une situation « encore plus dramatique » pour les 300 000 à 500 000 personnes adultes concernées (5).

Changer le regard que la société porte sur les personnes handicapées

Sans renier l'utilité des mesures et des plans ciblés sur un handicap ou une maladie particulière (6), le comité considère néanmoins que seule une volonté claire et affirmée de changer en profondeur le comportement de la société à l'égard des personnes les plus vulnérables peut permettre à ces personnes, au-delà des spécificités d'accompagnement que requiert leur état, d'être reconnues dans leur droit de vivre avec les autres, parmi les autres, sans être stigmatisées ni discriminées. Il en appelle à une « remise en cause des conduites qui ajoutent de la souffrance à la souffrance ». Selon lui, il relève d'un « impératif éthique » de « refuser une fois pour toutes de faire un lien a priori entre la recherche ou la découverte de la cause d'un handicap ou d'une maladie et la recherche automatique d'un «coupable» qui conduit à la stigmatisation », « le coupable n'[étant] ni le gène, ni la filiation, ni la société. »

Vers un accès effectif aux droits

Le CCNE formule dix recommandations concrètes pour remédier aux carences de la prise en charge. L'une d'elles concerne l'augmentation du nombre de centres de diagnostic, jugé « actuellement très insuffisant », afin d'éviter les retards en la matière. Il réclame également un « effort de formation majeur pour les enseignants et les auxiliaires de vie scolaire » et avertit qu'« une prise en charge par des personnes n'ayant pas reçu de formation appropriée constitue une prise en charge inadaptée qui peut souvent conduire à une maltraitance ».

Autre priorité : l'accompagnement des familles, non seulement des parents mais aussi des frères et soeurs. Face à la stigmatisation de l'enfant autiste par la société, ses frères et soeurs non atteints « sont souvent les victimes les plus vulnérables de la détresse familiale ». C'est pourquoi, le comité réclame « un travail en profondeur sur la réticence ou le refus des parents d'élèves ou des enseignants à accepter l'intégration d'enfants différents [...] afin d'aboutir à un véritable changement culturel dans ce domaine ». Il plaide également pour que les familles puissent accéder aux différentes modalités de prise en charge éducative et thérapeutique au terme d'un « choix libre et informé ».

Enfin, le comité juge essentiel de soutenir les initiatives permettant de créer des structures d'accueil véritablement adaptées, légères et à taille humaine, proches du domicile de la famille, centrées sur la prise en charge éducative et accueillant à la fois des enseignants, des soignants, des orthophonistes, des psychologues, les parents et des bénévoles ayant reçu une formation appropriée. De même, la création d'appartements, à proximité de la famille, et la formation d'accompagnateurs sont indispensables pour permettre l'insertion sociale des autistes adultes.

Notes

(1) Sur la situation en France des personnes, enfants et adultes, atteintes d'autisme - Avis 102 - Disponible sur www.ccne-ethique.fr.

(2) Rapport dans lequel était déjà dénoncée la carence de prise en charge de l'autisme et l'insuffisante application des textes - Voir ASH n° 2327 du 3-10-03, p. 9.

(3) Voir ASH n° 2400 du 25-03-05, p. 20.

(4) Une réalité que le comité illustre à travers un exemple : en Italie, lorsqu'un enfant souffrant d'un handicap intellectuel ou de communication est inscrit et accueilli dans une classe, l'effectif de la classe est automatiquement divisé par deux, et l'enseignant se voit adjoindre un deuxième enseignant spécialisé.

(5) Sur les créations de places prévues en 2008, voir ASH n° 2527 du 19-10-07, p. 33.

(6) Les grands axes du plan « autisme » 2008-2010 ont récemment été dévoilés - Voir ASH n° 2532 du 23-11-07, p. 8.

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