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Pour une nouvelle politique qui permette de « sortir de la rue »

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Le jury de la conférence de consensus portée depuis un an par la FNARS (Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale) a rendu publiques, le 5 décembre, ses propositions pour remettre à plat les politiques de prise en charge des sans-abri. Déjà connues ou plus innovantes, comme la remise en cause de l'« injonction au projet », elles présentent l'intérêt d'être issues d'un constat partagé. La balle est désormais dans le camp des décideurs.

Imaginée lors de la clôture de ses états généraux en novembre 2006, acceptée par Jean-Louis Borloo puis soutenue par Christine Boutin, ministre du Logement, la conférence de consensus sur la prise en charge des sans-abri, organisée par la FNARS (1), s'est déroulée les 29 et 30 novembre. L'aboutissement de six mois de travail avec une quarantaine d'experts - chercheurs, professionnels, représentants de l'Etat et des collectivités territoriales, médecins et militants associatifs français et étrangers - dont les contributions ont été débattues devant les 16 membres du jury et un auditoire de plus de 300 personnes. « Depuis quelques années, l'Etat n'a cessé d'accroître les moyens consacrés à l'hébergement, mais il y a toujours autant de personnes visiblement à la rue, a rappelé Nicole Maestracci, présidente de la FNARS. L'augmentation qualitative de l'offre ne suffit pas. Il faut que chacun - Etat, associations, collectivités territoriales - accepte de porter un regard critique sur ce qu'il fait. » Avec un objectif volontariste : sortir du consensus « compassionnel » pour remettre à plat le système actuel, en définissant les moyens et la méthode d'une « politique publique durable qui dépasse les alternances ».

Corriger les politiques nécessite de bien connaître le public auquel elles s'adressent. Ce postulat de départ met à lui seul en lumière une série de carences à combler. Si la FNARS a choisi dans sa démarche de s'intéresser aux personnes « privées de chez-soi », aucune nomenclature n'est actuellement satisfaisante pour quantifier la population dépourvue de logement. L'INSEE, qui retient la notion de « sans domicile », recense 86 000 personnes correspondant à cette définition. Mais dans les faits, l'organisme comptabilise les personnes à la rue et hébergées vivant dans les villes de plus de 40 000 habitants, sans inclure les personnes installées chez des tiers ou dans des habitats de fortune, qui amènent l'estimation de la population privée de logement à plus de 220 000 personnes. Les allers-retours entre les solutions transitoires de logement ne sont pas non plus pris en compte. Autre faille dans la recherche : l'absence d'études de cohortes nuit à la connaissance des facteurs de vulnérabilité qui conduisent à la rue, comme des logiques de sortie. La population des sans-domicile ne constitue pas un groupe social, souligne Jean-Marie Firdion, sociologue statisticien et chercheur associé au CNRS, puisque ces derniers sont hétérogènes, avec des parcours très divers. « Seuls un peu plus de 10 % correspondent à l'image du clochard. » Toutefois, précise-t-il, l'appartenance à un milieu social modeste, la faible qualification, les problèmes de santé, un état dépressif ou encore les épreuves connues pendant l'enfance sont autant de points communs dans leurs trajectoires, que des approches longitudinales permettraient de mieux étudier. « Aujourd'hui, on confond les effets et la cause, ajoute Patrick Bruneteaux, chargé de recherche au CNRS. Avec le concept de sans-abri, on s'intéresse à l'état présent de la personne, en obérant son parcours social. Je lui préfère la notion d'exclusion du logement [d'ailleurs retenue par la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri], qui renvoie, elle, aux politiques sociales et au rôle des bailleurs sociaux. » Observer les « logiques de décrochage » de catégories de populations qui appartiennent majoritairement aux couches populaires (pourquoi tel chômeur de longue durée a-t-il subi un processus de désaffiliation et tel autre demeure-t-il dans le droit commun ?), c'est-à-dire rattacher le phénomène des sans-abri à la question sociale, est selon lui un défi scientifique à relever. Et l'affaire n'est pas seulement celle des statisticiens : « Construire des programmes ciblés pour faire des économies est très à la mode. Mais ne peut-on pas créer en amont des programmes pour réduire le nombre de personnes à la rue ? », interroge à juste titre Pierre Gaudreau, coordonnateur du Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal et membre du jury de la conférence.

Cette question lie bien sûr le problème de l'hébergement à la politique du logement. Deux solutions s'imposent pour tarir la source de la file d'attente, expose Christophe Robert, chargé d'études à la Fondation Abbé-Pierre : prévenir les expulsions et construire une offre sociale abordable. Or en 2006, 24 % du parc seulement était accessible aux deux tiers des ménages dont les ressources sont les plus faibles. Combien de temps avant que la loi DALO ne change la donne ? « Une fois qu'on a fait voter ce droit, on n'a rien dit de la politique du logement. 600 000 ménages peuvent s'en prévaloir, et on n'a en face que 60 000 logements disponibles, qui sont ceux du contingent préfectoral. Ça ne marchera pas. » Par ailleurs, ajoute-t-il, il faudra veiller à la façon dont on orientera les demandeurs, vers le logement ou l'hébergement : « Ce n'est pas le même droit. Est-ce ce qu'on est prêt à accepter de ne pas se servir de l'hébergement comme amortisseur de la crise du logement ? » Il est même à craindre qu'en permettant des séjours plus longs, le plan d'action renforcé en faveur des sans-abri (PARSA) mis en place en janvier 2007 engorgera davantage le dispositif d'hébergement.

Cette volonté de raisonner d'abord en termes d'accès au droit commun, qui prévaut chez plusieurs de nos voisins européens, comme le Danemark et les Pays-Bas, ne vise pas seulement à assurer la fluidité des parcours résidentiels. C'est une question de focale politique, insiste Pierre Saglio, président d'ATD quart monde : « Depuis 20 ans, on assiste à une augmentation des réponses d'urgence et à un recul des droits. Garder le cap du droit commun, qui est la politique à mettre en oeuvre selon la loi de lutte contre les exclusions de 1998, est la seule clé pour ne pas diviser les pauvres, cloisonner les catégories et renforcer les violences. »

En attendant ce retournement de situation - objet de contestation pour les uns, utopie pour les autres -, les acteurs portent un regard critique sur les politiques menées depuis 20 ans. Et dénoncent la faillite de l'Etat providence. « Il n'y a pas eu dans le secteur de l'urgence de régulation ni de partenariat car l'Etat n'a pas rempli son rôle d'orchestration, estime Xavier Emmanuelli, président du SAMU social. Il a laissé s'auto-organiser un domaine qui nécessite au contraire une grande structuration. » Avec l'émergence de nouveaux besoins, les CHRS (centres d'hébergement et de réadaptation, puis de réinsertion sociale depuis la loi de lutte contre les exclusions de 1998), qui ont été longtemps les seuls à répondre aux missions d'urgence et d'insertion, ont vu se multiplier à leurs côtés d'autres types de réponses. La décentralisation est venue amplifier la complexité, l'empilement et le manque de pilotage des dispositifs aujourd'hui dénoncés dans plusieurs rapports. Si le PARSA puis la loi sur le droit au logement opposable du 5 mars 2007 ont restructuré le dispositif d'hébergement, ils ne résolvent en rien, objectent les professionnels, le manque de régulation des publics et l'incohérence des dispositifs. Les financements par prestation contredisent même l'objectif affiché de continuité. « Il faut laisser aux opérateurs du terrain la capacité de s'adapter aux besoins des hébergés à partir d'un diagnostic, avec un cadre unique, défend Bernard Quaretta, directeur de la Société dijonnaise d'assistance par le travail. Les CHRS peuvent faire de l'urgence, de la stabilisation, de l'insertion, or nos moyens sont trop précaires. » Autre incongruité : « Une résidence sociale bénéficie de 12 € par place. J'ai pris l'option d'une résidence de retraite pour anciens marginalisés et j'ai obtenu 60 € ! » Le témoignage d'Eric Lepage, directeur du Foyer d'accueil chartrain, qui a dû signer 18 conventions pour créer une offre d'« ensemblier », de l'urgence à l'insertion, illustre également l'incohérence des logiques administratives. Sans remettre en cause le système actuel, le directeur général de l'action sociale reconnaît lui-même la nécessité de le faire évoluer : « Il faut trouver des outils de gouvernance, comme la mutualisation des moyens, les conventions d'objectifs à cinq ans, pour assurer des parcours les plus fluides possibles », indique Jean-Jacques Trégoat, qui appelle à « partir du besoin des personnes pour mettre en réseau systémique les structures existantes ». Il admet en outre que les différents outils de pilotage - plans locaux d'habitat ou plans départementaux pour le logement des personnes défavorisées - devraient gagner en lisibilité : « Il faut dans les mois et les années qui viennent les rationaliser pour passer moins de temps à faire des schémas et plus de temps à les mettre en oeuvre. »

Mais cet accord général sur le principe d'une prise en charge non morcelée, individualisée, pluridisciplinaire, adaptée à un parcours qui est rarement linéaire, occulte un débat de fond : celui de la place laissée à l'offre immédiate, notamment pendant la journée. Le rapport de la Cour des comptes publié en mars 2007 n'estimait-il pas qu'« en focalisant les moyens sur l'urgence, on prend le problème à l'envers » ? Depuis, le PARSA a instauré la notion de continuité de la prise en charge, restaurant à l'urgence sa fonction d'orientation. Geneviève Decropt, sociologue et membre du « Collectif rhônalpin de travail et d'étude sur l'accueil des personnes confrontées à l'errance et à l'itinérance », pointe le risque d'un effet pervers : « Que fait-on de ceux qui sont exclus de la prise en charge ? » Faut-il renier ceux qui ne s'inscriraient pas d'emblée dans un projet, en estimant qu'ils ne relèvent pas du travail social ? Le collectif s'inquiète notamment de la menace qui pèse sur les accueils de jour et la fonction d'« hospitalité et hospitalière » qu'ils remplissent dans la cité. Ces derniers souffrent d'un déficit de reconnaissance, analyse-t-il, les financements publics étant liés à la nuitée et à des suivis sociaux dans le cadre de dispositifs. Or « dès qu'il y a intervention, il y a accompagnement », juge Geneviève Decropt, selon qui « il n'y a pas des besoins primaires auxquels on répondrait par un service minimal et des besoins secondaires qui seuls donneraient lieu à un travail social d'accompagnement ». D'autant que, face à des populations tombées au plus bas de la relégation, créer du lien, repérer la demande et susciter le désir d'être aidé sont des compétences de plus en plus sollicitées chez les travailleurs sociaux.

Quels référentiels de prise en charge ?

Ce qui amène également à reconsidérer le rôle des maraudes, dont les associations déplorent la trop faible professionnalisation. Plusieurs expériences commencent pourtant à les structurer dans le cadre d'équipes multidisciplinaires. Comme à Rouen, où l'Unité mobile d'action psychiatrique pour les personnes précarisées répond dans l'agglomération aux demandes des travailleurs sociaux confrontés aux personnes précaires présentant un problème « psy », qui peuvent être reçues dans la journée. L'équipe assure également des permanences dans les « lieux sociaux » de la ville. Ce travail partenarial s'avère indispensable, explique Alain Gouiffes, psychiatre au sein de cette unité, pour imaginer des formes de soins auprès des personnes pour qui l'accompagnement social ne suffira pas, mais qui ne sont pas pour autant des malades psychiatriques. La mise en place de cette intervention n'a d'ailleurs pas été sans susciter d'âpres débats au sein de la communauté médicale : « Est-ce qu'il ne s'agissait pas de «précarologie», de «sous-psychiatrie» ? Notre objectif est simplement de conduire ces personnes vers les dispositifs de soins en prenant le temps nécessaire à leur accompagnement. Seul un travail en réseau peut lever les malentendus entre les acteurs sociaux et les professionnels de santé. »

Ce principe de l'« aller vers » va de pair avec l'inconditionnalité de l'accueil qui, face à des personnes refusant d'être prises en charge, ayant des conduites addictives ou des problèmes psychiatriques, bouscule les référentiels de prise en charge. Aussi, la question de l'ouverture de structures « à bas seuil d'admission », mais à haut niveau de compétences, est de plus en plus prégnante, alors que les CHRS se voient reprocher un « nivellement par le haut » des publics. Un double défi, analyse Patrick Rouyer, directeur des missions sociales d'Emmaüs : « Dans l'idéal des deux projets, soigner et insérer, il y a une dimension de l'impossible qui est toujours attribuée à l'autre. » D'autant que le temps psychique n'est pas celui de l'insertion. D'où la nécessité, selon Patrick Rouyer, de mettre en oeuvre une conception de prise en charge des grands exclus - « toxicomanes et aliénés » - non pas autour de l'idéal de guérison ou d'insertion, mais autour d'un engagement éthique « à accueillir l'autre tel qu'il est ». Sur le même principe que l'asile politique, il faut, ajoute-t-il, « penser des lieux d'accueil décents, respectueux de la singularité des personnes, sans autre contrepartie et sans autre objectif que protéger ». Ce principe de « non-abandon » conditionne l'existence du lien social.

Comme les personnes en souffrance psychiatrique, les usagers de drogues sont victimes du « syndrome de la patate chaude » entre les dispositifs sanitaires et sociaux, sans d'ailleurs que le PARSA ait résolu leur situation, abonde François Hervé, vice-président de l'ANIT (Asso-ciation nationale des intervenants en toxicomanie). Déplorant la faible prise en compte des addictions dans les dispositifs d'hébergement, et la quasi-absence de solution pour les usagers « actifs », il propose que toutes les personnes concernées puissent être hébergées, « quel que soit leur rapport aux addictions ».

Cette acceptation des pathologies, des addictions, mais aussi des habitudes de vie, émerge comme une attente forte parmi les hébergés, témoigne Didier Giroud, consultant et animateur avec Catherine Etienne de trois forums locaux ayant réuni des usagers et des travailleurs sociaux, en Pays-de-la-Loire, en Ile-de-France et en Provence-Alpes-Côte d'Azur. « On ne peut pas préparer à l'autonomie en infantilisant les personnes par des horaires, un règlement intérieur contraignant et la négation de leur vie sociale et sexuelle », rapporte-t-il. C'est à partir de cette notion d'accueil sans condition - qui, selon Rina Beers, directrice adjointe de Federatie Opvang, aux Pays-Bas, devrait être inscrite dans les conventions internationales relatives aux droits fondamentaux - que le Collectif d'action des sans-abri (CASA) a fondé en 2003 la Villa Medicis, à Avignon. Ce CHRS, qui a pour vocation d'accueillir les publics non pris en charge par les autres structures, héberge sans procédure préalable d'admission et sans durée de séjour un effectif de 25 personnes, dont des couples, des personnes avec des animaux, et des usagers de drogues. Ce qui induit une possibilité de consommation dans les lieux, non encouragée, mais admise. Cette appro-che, qui permet de combler les interstices des prises en charge institutionnelles, n'est pas sans poser la question de la part de risque pour les professionnels, du haut niveau d'encadrement et de compétences nécessaires et, surtout, d'une nouvelle dimension pour l'intervention sociale. « Est-ce que poser d'emblée l'absence de terme n'est pas contradictoire avec la notion de contrat ? », interroge Michel Thierry, ancien directeur général de l'action sociale et membre du jury. Pour Pascal Fauvel, directeur du CASA, les résultats sont bien au rendez-vous quand les projets sont ceux des hébergés : « Ceux qui sont arrivées il y a quatre ans ne sont plus là. La plupart restent de un à deux ans. »

Remettre à plat les politiques publiques à l'égard des sans-domicile nécessitera donc de cesser de raisonner en termes de dispositifs et de réconcilier les logiques institutionnelles avec celles du sens. Jean-Marie Delarue, conseiller d'Etat et président du jury, pose ce premier diagnostic : « On a peut-être voulu un Etat trop parfait, avec des lois trop parfaites, qui nous empêche de réaliser un objectif très simple. » Qui de surcroît est à notre portée. S'il peut être dangereux de vouloir directement transposer des solutions issues d'un autre modèle social que le nôtre, l'exemple de l'Angleterre, qui a réussi à diminuer de deux tiers le nombre de ses sans-abri en cinq ans, montre que l'objectif de réduire le nombre de personnes à la rue est réaliste.

Le jury d'audition recommande « l'unité des politiques »

Après deux jours de réunion, les 1er et 2 décembre, qui ont suivi l'audition publique des experts, le jury (2) a livré son verdict. Nécessairement sévère, il est assorti de nombreuses propositions, pas forcément innovantes mais mettant en lumière les principes à ses yeux indispensables pour atteindre l'objectif de réduire le nombre de sans-abri. Il pose cinq conditions : le respect de la dignité des personnes, la diversification des réponses, l'unité des politiques, l'accueil inconditionnel et la complémentarité des dispositifs à l'échelle des bassins de vie.

Ce qui caractérise la politique française, condamne le jury, « c'est la confusion des rôles, la séparation des fonctions, l'absence de souplesse, l'obscurité des objectifs ». A l'empilement et au désordre des compétences doivent se substituer, ajoute-t-il, « la coordination, non seulement sur le terrain et dans les situations d'urgence, mais aussi au plan national et dans la continuité ». Outre la réforme de l'outil statistique (harmonisation des données au niveau européen, enquêtes qualitatives...), il plaide pour une nouvelle approche des politiques publiques, qui passerait notamment par des actions de prévention. Les institutions qui « alimentent le flux des personnes sans abri », comme les établissements sanitaires et les prisons, devraient ainsi définir avec les autorités de tutelle des actions d'accompagnement social, en lien avec les structures d'accueil. Les expulsions locatives devraient être mieux prévenues et des solutions trouvées pour les moins de 25 ans. Le contrat jeune majeur devrait être repensé pour répondre aux besoins des jeunes issus de l'aide sociale à l'enfance, qui représentent un tiers des 30 000 à 50 000 jeunes en errance. Reprenant une idée de Claude Roméo, directeur de l'enfance et de la famille du conseil général de Seine-Saint-Denis, le jury suggère de créer une « bourse nationale d'insertion » qui préparerait leur autonomie à partir de leur majorité. Le rapport préconise de façon plus générale une conduite interministérielle (emploi, santé, logement, justice, immigration) des politiques visant à réduire le nombre de personnes à la rue, avec la réunion d'un comité interministériel, épaulé par une mission interministérielle « dotée d'une autorité suffisante ». Comme le risque de dépendance, le risque de l'exclusion devrait être mutualisé, propose-t-il. Des solutions devraient donc être envisagées pour « combler le vide de notre protection sociale » et financer les dépenses publiques liées à l'insertion durable, en les faisant reposer sur la solidarité nationale. Sur le « point nodal » du logement, le jury préconise, outre bien sûr l'adaptation de l'offre à la demande, d'appliquer « un moratoire sur les loyers des ménages qui atteignent les limites de leur solvabilité ». Autres propositions sur ce volet : créer des appartements-relais dans les grands logements HLM, réquisitionner les logements vacants et développer des solutions de logement pour les jeunes de moins de 25 ans, jusqu'à expérimenter des « squats légaux » pour tenir compte de tous les modes de sociabilité. De la même manière, les institutions capables de prendre en compte les modes « d'auto-organisation » devraient être soutenues. En amont de la prise en charge, le rapport n'omet pas la tension sociale que représente la présence de sans-abri dans l'espace public et recommande de faire de la ville « un espace hospitalier pour tous » et de favoriser la citoyenneté des sans-abri, par l'exercice de la parole.

Autre stratégie : sortir de l'incohérence et des rigidités du dispositif d'aide, poursuit le jury, qui appelle à « poser un cadre méthodologique dans un dialogue avec les acteurs concernés » pour développer la diversité des réponses et « transmettre les bonnes pratiques ». Il faut encore « sortir des cloisonnements institutionnels » en visant la complémentarité des réponses sur un même territoire. Dans cette dynamique, les associations devraient « renforcer leur organisation interassociative, voire, dans certains cas, se regrouper et mutualiser les moyens et les compétences ». Elles devraient dans le même temps bénéficier d'une sécurité financière grâce à des conventions pluriannuelles d'objectifs et de moyens incluant, « au-delà des contrôles légitimes, les moyens concernant l'évaluation interne et externe ».

Adapter les dispositifs, poursuit le rapport, c'est aussi changer les pratiques de l'accueil, qui doit être « immédiat, inconditionnel, dans le respect de la dignité des personnes ». Ce qui induit de mettre « toute personne se trouvant dans un hébergement à l'abri de poursuites pénales en matière d'infraction au code de l'entrée et du séjour des étrangers et de consommation de stupéfiants », et de créer davantage de CHRS familiaux. La sexualité ne devant plus être un tabou, il devrait être mis fin aux « réglementations discriminantes à l'égard des couples homosexuels ». En outre, « l'accompagnement ne doit pas s'arrêter à l'accession à un logement », qui comporte encore des risques après des mois, voire des années d'errance. Le « droit au recommencement », que le jury préfère au concept de « non-abandon », devrait en outre être reconnu pour lutter contre la peur de l'échec et le délitement du lien de confiance.

Concernant les principes de prise en charge, le jury préconise de développer « l'écoute, le droit à l'expression individuelle et la participation des personnes » et de ne pas faire reposer la prise en charge sur « l'injonction au projet ». Les règles de fonctionnement et la modernisation du bâti devraient être adaptées au respect du droit à la vie privée, à l'intimité et à la sûreté.

Le rapport recommande une continuité, une mobilité et une pluridisciplinarité des dispositifs qui devraient se concrétiser, « pour tout bassin de vie », autour d'une « chaîne complète et intégrée de l'accueil », depuis l'urgence jusqu'à l'insertion durable. Pour asseoir la continuité de l'accompagnement, il suggère « la création d'une domiciliation électronique, qui rende possible le recours à toute une série de droits et facilite le suivi des personnes et de leur parcours ».

Le jury préconise enfin une « indispensable cohérence » des dispositifs, qui devrait à ses yeux reposer sur un pilotage local et un contrat territorial d'objectifs et de moyens. Mis en place à l'initiative de l'Etat, ce contrat devrait traduire des objectifs de résultat, mesurer les réalisations et permettre un financement pérenne des structures.

« On ne doit pas dissimuler que ces moyens requerront encore des efforts budgétaires », reconnaît le jury. Mais « il faut une volonté politique tant de l'Etat que des collectivités locales ». En ouverture des audiences publiques, Christine Boutin s'est engagée à « reprendre le maximum des propositions qui pourront être reprises »...

Notes

(1) FNARS : 76, rue du Faubourg-Saint-Denis - 75010 Paris - Tél. 01 48 01 82 00.

(2) Présidé par Jean-Marie Delarue, conseiller d'Etat, il comprend 16 membres, parmi lesquels des représentants du monde associatif, de l'Etat, des collectivités locales, de la justice, de la médecine, des chercheurs.

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