Intervenant le 29 novembre à la télévision, le président de la République a annoncé une nouvelle série de mesures, après le « paquet fiscal » définitivement adopté le 1er août dernier par le Parlement (1), pour répondre à ce qui, selon les sondages, constitue la première préoccupation des Français : l'amélioration de leur pouvoir d'achat. Reconnaissant publiquement « qu'il n'y pas d'argent dans les caisses » de l'Etat, Nicolas Sarkozy est resté dans la logique de son slogan de campagne « travailler plus pour gagner plus » : selon lui, « la seule façon de donner du pouvoir d'achat, c'est de créer les conditions de la croissance » et de « réhabiliter le travail ».
En matière de temps du travail, le chef de l'Etat a ouvert la voie au démantèlement des 35 heures, même s'il s'est défendu de vouloir supprimer cet « acquis social ». Il a en effet annoncé que les entreprises pourront déroger aux accords de branche sur les 35 heures à condition d'octroyer des augmentations de salaire et sous réserve d'un accord majoritaire signé par les partenaires sociaux présents dans l'entreprise. A cette double condition, chaque entreprise pourra donc « s'exonérer des 35 heures » et, concrètement, augmenter sa propre durée du travail. Nicolas Sarkozy a par ailleurs annoncé la possibilité, pour les salariés disposant de jours de réduction du temps de travail (RTT), de négocier directement avec leur employeur, probablement à compter du 1er janvier 2008, le paiement de ces journées. « Le paiement par les employeurs des jours de congé ou de RTT stockés sur un compte épargne-temps (CET), assorti d'une exonération totale de charges salariales et patronales, pourrait également être ouvert », précise Matignon dans un communiqué. S'agissant des fonctionnaires, les heures supplémentaires devraient être payées, comme dans le privé, 25 % de plus que les heures normales et la monétisation des RTT rendue également possible. Le chef de l'Etat souhaite aussi une négociation pour régler le problème du stock d'heures supplémentaires non payées à l'hôpital et dans les administrations.
En matière de logement, le président de la République a annoncé que la révision annuelle du loyer en cours de bail dans le parc privé sera à l'avenir indexée sur l'indice des prix à la consommation et non plus sur l'indice de référence des loyers, composé à 60 % de l'indice des prix à la consommation, à 20 % de l'indice du coût de la construction et à 20 % de l'indice des prix des travaux d'entretien et d'amélioration du logement. Il veut également limiter le dépôt de garantie, lors de la location d'un logement, à un mois de loyer (au lieu de deux actuellement), et supprimer la caution en créant un système de mutualisation public.
Nicolas Sarkozy a en outre prévenu que, dans les branches où il n'y aurait pas de négociations salariales, les allégements de charges - 20 milliards d'euros environ par an - seraient remis en cause. Par ailleurs, il souhaite que le travail le dimanche soit développé sur la base du volontariat, et à condition que les salariés soient payés le double.
Le pensionnaire de l'Elysée a annoncé, d'autre part, le déblocage exceptionnel de la participation dans la limite probable de 10 000 € par salarié. La mesure sera temporaire et les montants ne seraient pas imposés. Dans les entreprises de moins de 50 salariés, qui n'ont pas l'obligation de verser de participation, les chefs d'entreprises pourront verser une prime de 1 000 € exonérée de charges sociales.
Il a aussi demandé « qu'on crée un indice du pouvoir d'achat qui corresponde enfin à la vie quotidienne des Français ».
Le gouvernement veut aller vite pour rendre applicables dans les plus brefs délais les mesures annoncées par le chef de l'Etat. S'exprimant le 4 décembre devant les députés, le Premier ministre a indiqué qu'un projet de loi sur le pouvoir d'achat sera examiné en conseil des ministres le 12 décembre et « aussitôt après » à l'Assemblée nationale. Ce texte, dont François Fillon « souhaite qu'il trouve à s'appliquer dès le début de janvier », comportera quatre dispositions évoquées par Nicolas Sarkozy : le déblocage de la participation ; dans les entreprises de moins de 50 salariés « qui le souhaitent », le versement de la prime de 1 000 € « défiscalisée et sans charges » au profit des salariés « qui n'ont accès ni à la participation ni à l'intéressement » ; le rachat des jours de RTT et la monétisation des CET ; l'indexation des loyers sur l'indice des prix à la consommation.
Parallèlement à la discussion de ce projet de loi, le ministre de la Fonction publique doit engager une négociation avec les organisations syndicales de la fonction publique « sur le rachat des jours de RTT et l'harmonisation progressive du régime des heures supplémentaires avec celui du secteur privé », a ajouté le pensionnaire de Matignon. De son côté, la ministre de la Santé entamera des discussions avec les partenaires sociaux « pour bâtir un plan de rattrapage des heures supplémentaires non payées dans la fonction publique hospitalière ». Tandis que la ministre du Logement engagera avec les professionnels du logement « une concertation visant à aboutir le plus vite possible à la réduction du dépôt de garantie à un mois et à la suppression des cautions, pour les remplacer par un système d'assurance loyer ».
Persuadé qu'on ne peut réformer qu'en « dialoguant », le chef de l'Etat a par ailleurs annoncé le 29 novembre qu'il réunirait tous les partenaires sociaux - syndicats et patronat -, à la mi-décembre, pour tenir une conférence définissant l'agenda social de 2008. Au menu de cette rencontre : l'assouplissement des 35 heures, la conditionnalité des allégements de charges, le travail dominical mais aussi le dialogue social, la représentativité des organisations syndicales et les règles des accords d'entreprise.