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Le détail du projet de loi relatif à la rétention de sûreté des pédophiles et aux irresponsables pénaux

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Le 28 novembre dernier, la ministre de la Justice, Rachida Dati, a présenté en conseil des ministres un projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental (1). Présentation détaillée de ce texte, qui sera débattu à l'Assemblée nationale à compter du 18 décembre. A noter que, au passage, le dispositif de l'injonction de soins est aménagé dans l'objectif d'une plus grande efficacité et d'une mise en oeuvre facilitée.

Création d'une peine de rétention de sûreté

Parce qu'« il n'est pas admissible que les auteurs des infractions les plus graves, commises sur les victimes les plus vulnérables que sont les enfants, ne fassent pas l'objet [...] de mesures de police ou de sûreté [...] indispensables au regard de leur dangerosité », le projet de loi crée une mesure de rétention de sûreté pour les criminels les plus dangereux, en particulier les « pédophiles, qui présentent des troubles graves de la personnalité ou du comportement ». Et ce, assure l'exposé des motifs du texte, « dans le respect des exigences constitutionnelles de nécessité, de proportionnalité et de garantie judiciaire des libertés individuelles » des personnes détenues.

Sont plus précisément visées par cette peine les personnes ayant été condamnées à 15 ans ou plus de réclusion criminelle pour meurtre ou assassinat, torture ou actes de barbarie, et viol commis sur mineurs de 15 ans, lorsqu'elles présentent un risque de récidive.

Au moins un an avant la date prévue de la libération du détenu, la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté doit examiner sa situation afin d'évaluer sa dangerosité. Une expertise médicale et, le cas échéant, des enquêtes sont à cette fin diligentées. Sur sa proposition, une commission régionale des mesures de sûreté saisie par le procureur général pourra prononcer une mesure de rétention de sûreté, immédiatement à l'issue de la peine (2). Durant la rétention, l'intéressé bénéficie, de façon permanente, d'une prise en charge médicale et sociale destinée à en permettre la fin. La décision de rétention peut être prononcée pour un an et est renouvelable selon les modalités initiales (3). Si elle n'est pas prolongée, ou s'il y est mis fin de façon anticipée à la demande du condamné mais que celui-ci présente toujours un risque de récidive, la commission régionale peut le soumettre, pendant un an renouvelable, aux obligations résultant du placement sous surveillance électronique mobile (établir sa résidence en un lieu déterminé, ne pas exercer d'activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec les mineurs...) ou sous surveillance judiciaire, notamment à l'injonction de soins. La durée totale de ces obligations n'est ici plus limitée dans le temps, conférant ainsi au placement sous surveillance judiciaire ou électronique mobile le caractère d'une « véritable alternative à la rétention de sûreté », souligne l'exposé des motifs. Enfin, si la méconnaissance de ces obligations démontre la particulière dangerosité du condamné, le président de la commission régionale peut ordonner en urgence son placement provisoire dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté.

Si la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté estime que les conditions de la rétention de sûreté ne sont pas remplies mais que le condamné paraît néanmoins dangereux, elle renvoie le dossier au juge de l'application des peines (JAP) pour qu'il apprécie s'il y a lieu de le placer sous surveillance judiciaire.

Pendant la rétention, les condamnés bénéficient de droits similaires à ceux des détenus, en matière notamment de visites, de correspondance, de permissions de sortir sous escorte ou sous surveillance électronique mobile.

L'ensemble de ces dispositions n'est pas applicable à la personne faisant l'objet d'une libération conditionnelle.

A noter, par ailleurs : si la personne condamnée pour crimes et délits commis sur mineurs de 15 ans, en particulier de nature sexuelle, refuse, pendant son incarcération, de suivre le traitement qui lui est proposé, le JAP peut ordonner le retrait d'une réduction de peine (4) dont elle a pu bénéficier.

Clarification de la procédure de déclaration d'irresponsabilité pénale

« Clarifier et [...] rendre plus cohérent, plus humain et plus compréhensible le traitement par l'autorité judiciaire de la situation des personnes pénalement irresponsables en raison d'un trouble mental », tel est l'objectif du second volet du projet de loi. A l'heure actuelle, la procédure judiciaire s'achève en effet par un non-lieu, un terme « mal vécu par les familles de victimes », qui leur « donne l'impression que les faits n'ont jamais eu lieu », a expliqué la garde des Sceaux.

Ainsi, si le juge d'instruction estime que, au moment des faits, l'auteur de l'infraction était atteint d'un trouble psychique ou neuro-psychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, il doit en aviser les parties et le procureur de la République (5). Le projet de loi donne à ces derniers la possibilité d'indiquer s'ils souhaitent ou non saisir la chambre de l'instruction afin qu'elle se prononce, après une audience publique et contradictoire, sur la question de l'existence du trouble mental. La chambre de l'instruction ordonne alors soit d'office, soit à la demande de la partie civile ou du ministère public, la comparution personnelle de la personne mise en examen - assistée de son avocat - si son état le lui permet. Les experts seront de nouveau entendus, ainsi que, le cas échéant, des témoins si leur audition permet de vérifier les faits ou d'établir l'existence du trouble mental.

Trois situations peuvent alors se présenter. La première : les charges sont insuffisantes et la chambre de l'instruction prononce un non-lieu. La deuxième : les charges sont suffisantes mais la personne n'était pas atteinte d'un trouble mental au moment des faits. Dans ce cas, l'affaire est renvoyée devant la juridiction de jugement compétente. Dans les autres cas, la chambre de l'instruction rend un arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental (6), qui met fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire, et par lequel :

elle déclare qu'il existe des charges suffisantes contre la personne pour établir qu'elle a commis les faits qui lui sont reprochés ;

elle déclare la personne irresponsable pénalement en raison d'un trouble mental au moment des faits ;

si la partie civile le demande, elle renvoie l'affaire devant le tribunal correctionnel compétent pour qu'il se prononce sur la responsabilité civile de la personne et statue sur les demandes de dommages et intérêts ;

elle prononce, s'il y a lieu et après expertise psychiatrique, une ou plusieurs des mesures de sûreté énoncées par le projet de loi (7). Leur méconnaissance entraîne une peine d'emprisonnement de deux ans et de 30 000 € d'amende.

Signalons que les décisions de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental seront inscrites au casier judiciaire.

Aménagement du dispositif de l'injonction de soins

Le projet de loi aménage le dispositif de l'injonction de soins notamment pour renforcer l'efficacité de la fonction de médecin coordonnateur chargé de l'interface entre les autorités judiciaires et les médecins traitants. Par exemple, le texte propose de réserver aux seuls médecins psychiatres la possibilité d'être médecin coordonnateur. Ce dernier voit en outre ses missions élargies, puisqu'il devra coopérer à la réalisation d'évaluations périodiques du dispositif, ainsi qu'à des actions de formation et d'étude.

Enfin, le texte permet de communiquer au médecin coordonnateur et au médecin traitant les informations médicales détenues par les praticiens dispensant des soins en milieu pénitentiaire.

Notes

(1) Voir ASH n° 2533 du 30-11-07, p. 17.

(2) Cette décision peut faire l'objet d'un recours devant la commission nationale des mesures de sûreté et, le cas échéant, devant la Cour de cassation.

(3) L'intéressé peut demander à la commission régionale des mesures de sûreté d'y mettre fin de façon anticipée.

(4) La réduction ne peut excéder deux mois par an ou quatre jours par mois ou, si le condamné est en état de récidive légale, un mois par an ou deux jours par mois dès lors qu'il refuse les soins qui lui sont proposés.

(5) L'ordonnance de transmission ne met pas fin à la détention provisoire, ni au contrôle judiciaire.

(6) Cet arrêt est susceptible de recours devant la Cour de cassation.

(7) A savoir : interdiction d'entrer en relation avec la victime de l'infraction ou certaines personnes spécialement désignées ; interdiction de paraître dans tout lieu spécialement désigné ; interdiction de détenir ou de porter une arme ; interdiction d'exercer une activité professionnelle ou sociale spécialement désignée, dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise.

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