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« Les préoccupations économiques ont évacué l'usager du coeur des dispositifs »

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Le secteur social et médico-social est-il en train de basculer dans le modèle marchand ? C'est ce que craint la Fnades (1) qui, à l'occasion de ses « états généraux » des 6 et 7 décembre, invite les directeurs à dénoncer les dérives de la nouvelle « gouvernance » des établissements. Explication avec Jean-Marie Laurent, son président.
Pourquoi aborder vos débats sous la thématique de la « dirigeance » et de la « gouvernance », qui relève du langage de l'entreprise ?

Un peu par provocation. Parce que justement ces concepts de « dirigeance » et de « gouvernance », empruntés au monde marchand, envahissent sournoisement le champ social et médico-social, venant colorer les pratiques et les mentalités. Par exemple, sous couvert de « contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens », de « gestion consolidée de la masse salariale », de « masse critique », nous assistons à la transformation de nos modes de gestion sur le modèle de l'entreprise et à un nivellement par le bas des dispositifs d'action sociale. C'est d'autant plus inquiétant qu'avec la « convergence tarifaire », les petits établissements vont devoir, d'ici deux ou trois ans, s'aligner sur les tarifs les plus bas qu'auront pu mettre en place certaines grosses structures en tirant les coûts et la qualité à la baisse. Cette nouvelle terminologie nous fait passer d'une logique de réponse aux besoins de l'usager à une logique purement comptable. C'est cette fracture que nous voulons examiner à travers les états généraux.

Mais faut-il reprocher à l'Etat, dans le contexte actuel, de vouloir contrôler le secteur ?

Qui pourrait s'opposer au contrôle ? Mais faut-il pour autant rompre avec les pratiques de ces 50 dernières années ? Avec la prise en compte de l'usager dans son intégrité et le travail clinique ? On entend aujourd'hui des discours sur l'usager-citoyen, mais les préoccupations économiques l'ont évacué sans prévenir du coeur des dispositifs d'action sociale ! Les débats autour de l'intégration scolaire des enfants handicapés le montrent bien. Ce principe généreux, qui s'accompagne d'une réduction des places en instituts médico-éducatifs, risque de laisser les plus lourdement handicapés à la charge de leurs familles. De même avec les groupements de coopération sociale et médico-sociale. S'ils viennent formaliser le travail en réseau mené depuis dix ans par les associations, leur visée n'est pas l'amélioration du service rendu à l'usager, mais les économies d'échelle. Ils se font d'ailleurs de plus en plus à marche forcée, avec parfois des quasi-OPA d'associations sur d'autres, avec la bénédiction des autorités de tarification.

Ce serait donc la fin d'un âge d'or du travail social ?

Mais il n'y a pas d'âge d'or ! Le travail social se construit jour après jour. Notre propos n'est pas de dénoncer tout ce qui est mis en place aujourd'hui. Par exemple, la loi 2002-2 participe, à travers la mise en place des conseils de la vie sociale ou de l'évaluation, à l'amélioration des pratiques. Même s'il y a un peu d'hypocrisie au sens où améliorer les pratiques ne conduit qu'exceptionnellement à des gains de productivité. La loi 2002-2 ne serait-elle finalement qu'un écran de fumée venant cacher la réalité de la nouvelle « dirigeance » du secteur social et médico-social ?

Vous avez également des inquiétudes sur la fonction de direction...

Il suffit de voir les effets du décret sur la qualification des directeurs ! La majorité des offres d'emploi sont ouvertes à des diplômés de niveau II, et donc aux titulaires d'un diplôme de cadre intermédiaire comme le Caferuis [certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale], et non de dirigeant. Pour nous, ce décret n'est qu'une pièce du puzzle qui se met en place : un super-directeur managera des regroupements d'associations et ventilera une enveloppe globale entre des établissements dont les directeurs auront perdu une partie de leurs attributions. Avec une question : quel recours aura un directeur pour faire valoir les besoins financiers nécessaires à son projet d'établissement, qui est la traduction des besoins individuels des usagers ? Là encore, le service rendu à l'usager risque d'être sacrifié sur l'autel de la gestion financière.

Qu'allez-vous faire ?

Résister et dénoncer cette bascule. Dans cet esprit, nous voulons mobiliser les directeurs et les administrateurs des associations, adresser des courriers aux élus, des pétitions... Plus largement, nous voulons sensibiliser les responsables politiques, dont certains s'élèvent contre le désengagement de l'Etat dans la gestion des questions sociales.

Notes

(1) Fédération nationale des associations de directeurs d'établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux sans but lucratif : 10517, Chemin Bas - 30129 Manduel - Tél. 04 66 02 11 44 - Les « états généraux » sont intitulés : « Dirigeance ! Gouvernance ! Quel dessein, quel avenir pour l'intervention sociale ? » - http ://etatsgeneraux.fnades.fr.

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