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« Nous assistons à une invocation incantatoire de l'éducation »

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Y a-t-il encore une place pour l'action éducative ? Plusieurs recherches présentées les 29 et 30 novembre sur les professions éducatives de la protection judiciaire de la jeunesse et de l'éducation spécialisée, lors des journées organisées par le CNFE-PJJ (1), devaient permettre d'avancer sur cette question. Explications avec Marcel Jaeger, membre du comité d'organisation (2) .
Pourquoi ces journées ?

Nous avons voulu, en croisant les recherches sur les professions éducatives de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et de l'éducation spécialisée - dont plusieurs thèses d'éducateurs et de formateurs -, analyser les mutations et débattre de l'avenir de la question éducative. Il s'agit également, par ce croisement de connaissances, de permettre aux professionnels d'être dans une position offensive par rapport aux enjeux sociaux et politiques.

On a le sentiment d'une crise de légitimité des éducateurs spécialisés et de la PJJ...

Ils sont confrontés à des questionnements de la part des responsables politiques et des usagers sur le mandat qui leur est confié. Non pas qu'on leur dénie toute légitimité, ni que soient remis en cause les principes de base du travail éducatif. Mais l'ensemble des acteurs s'interroge sur un type de fonctionnement, qui leur paraît à certains égards opaque. On aurait tort néanmoins de penser que ces interpellations viennent seulement de l'extérieur et que les professionnels se trouvent dans une position défensive. Ces derniers se posent eux aussi des questions sur leur mandat et leurs pratiques dans un contexte de changement sociétal et politique.

Qui s'accompagne d'un renforcement des contraintes...

Les éducateurs, comme l'ensemble des travailleurs sociaux, doivent répondre à plusieurs injonctions : tenir compte d'impératifs gestionnaires dans la double dimension du contrôle et de l'évaluation, mais aussi appliquer les droits des usagers dans le cadre de relations plus contractuelles et plus formalisées. Non pour créer un rapport d'égalité qui n'existe pas, mais pour établir une relation plus symétrique avec des usagers, qui revendiquent d'être traités comme des citoyens à part entière. Il y a aussi des injonctions sécuritaires, mais qu'on aurait tort de réduire à la seule logique de répression. La dimension sécuritaire, c'est aussi la capacité à offrir aux jeunes un cadre sécurisant et structurant. Les éducateurs, à qui on a longtemps reproché de se cantonner dans la relation affective, doivent désormais en tenir compte. On voit bien d'ailleurs comment se joue une évolution culturelle au-delà du débat idéologique entre une conception de l'éducation plus contraignante, dont le modèle serait celui des éducateurs de la PJJ, et une autre qui privilégierait le « faire avec » et qui serait celle de l'éducation spécialisée. Ce débat est dépassé et les écarts de culture entre ces deux corps professionnels se réduisent.

Mais peut-on encore éduquer ?

Nous ne cessons d'assister à une invocation incantatoire de l'éducation. Toutes les politiques publiques s'accompagnent aujourd'hui de références à l'éducation. Parce que tout le monde se sent démuni face à la violence des jeunes, aux parents jugés « défaillants », on veut injecter de l'éducation assurée par des professionnels de l'Education nationale, de la PJJ, de l'éducation spécialisée. Les responsables voient bien que la seule répression ne marche pas et lancent des appels désespérés aux éducateurs. En même temps qu'on leur demande de clarifier leur discours et de mieux rendre compte de leurs pratiques dans une perspective gestionnaire, on a besoin de leurs compétences spécifiques. Du coup, ces professionnels - dont le nombre n'a cessé d'augmenter, notamment dans le champ de l'éducation spécialisée - sont confrontés à cette question : comment répondre à cette demande sans perdre leur âme, en se référant aux valeurs fondatrices de leur profession et en tenant compte des changements sociétaux, de l'évolution du profil des jeunes, etc. ?

Les centres de formation n'ont-ils pas aussi une responsabilité ?

Bien sûr. Ils doivent accompagner les professionnels dans l'ajustement de leurs pratiques. Cela signifie sortir d'une logique de transmission d'un savoir théorique pour construire des projets de formation mieux adaptés aux besoins, sans perdre de vue le lien entre les métiers. De ce point de vue, les référentiels sont un bon outil de pilotage. Toutefois, la formation demeure un travail d'équilibriste pour conjuguer les réalités de terrain, les connaissances théoriques, les valeurs professionnelles, la formalisation des actions.

Notes

(1) « La construction de la professionnalité éducative »- XIe session des journées de valorisation de la recherche du CNFE-PJJ (Centre national de formation et d'études de la protection judiciaire de la jeunesse) avec le Conservatoire national des arts et métiers, l'Aforts (Association française des organismes de formation et de recherche en travail social) et le GNI (Groupement national des IRTS) - CNFE-PJJ : 54, rue de Garches - 92420 Vaucresson - Tél. 01 47 95 98 98.

(2) Et secrétaire général adjoint du GNI.

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