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La loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile

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La loi « Hortefeux » du 20 novembre 2007 encadre plus strictement le regroupement familial tout en apportant de profonds changements en matière d'asile, d'intégration, d'emploi et d'éloignement des étrangers. Présentation détaillée de ce texte dont la mesure la plus controversée restera celle permettant le recours aux tests ADN pour les candidats au regroupement familial.

Adoptée selon la procédure d'urgence après 45 heures de débats houleux au Parlement, la loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile - dont la version initiale ne comportait que 18 articles - aura été considérablement enrichie tant par les députés que par les sénateurs. Le texte porté par Brice Hortefeux ne comprend en effet pas moins de 65 articles au final. La question du recours aux tests ADN comme preuve de filiation dans la procédure de regroupement familial ainsi que, dans une moindre mesure, celle de l'hébergement d'urgence des sans-papiers, auront dominé la discussion générale et provoqué le premier gros « couac » avec les ministres d'ouverture.

En définitive, l'article 21 du projet de loi, dont la rédaction laissait penser que le droit des étrangers en situation irrégulière à être accueillis dans les structures d'hébergement d'urgence serait remis en cause (1), n'aura pas survécu à la commission mixte paritaire (2). Quant au très controversé article 13 relatif aux tests ADN, il aura été - bien que sa philosophie demeure - largement édulcoré au fil des débats. En outre, tout en validant la disposition, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 15 novembre, a tenu à l'assortir de deux réserves d'interprétation dont l'avenir dira si, comme l'assurent certains parlementaires de l'opposition, elles rendent le dispositif inopérant (3).

En concentrant les critiques, cet article en a presque fait oublier le reste de la loi, présentée par le ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Co-développement comme « une nouvelle étape vers une meilleure maîtrise de l'immigration ». Première réforme portée par le texte : un meilleur « encadrement » du regroupement familial, selon les mots de Brice Hortefeux. Concrètement, la loi du 20 novembre 2007 impose de nouvelles conditions aux personnes souhaitant rejoindre la France par cette voie. Elles seront ainsi soumises dans leurs pays de résidence à une évaluation de leur degré de connaissance de la langue française et des valeurs de la République. De son côté, l'étranger « regroupant » devra prouver qu'il dispose de revenus adaptés à la taille de sa famille. Par ailleurs, les parents dont les enfants sont entrés en France en suivant la procédure du regroupement familial devront dorénavant signer avec l'Etat un contrat d'accueil et d'intégration spécifique pour la famille. Ils recevront dans ce cadre une formation sur les droits et devoirs des parents en France et s'engageront notamment à respecter l'obligation d'instruction.

La loi comprend également un volet sur l'asile, lequel, a assuré Brice Hortefeux, « ne sera pas une variable d'ajustement de la politique d'immigration » (J.O.A.N. [C.R.] n° 54 du 23-10-07, page 3033). Mesure phare : l'étranger qui, arrivé aux frontières françaises pour demander l'asile, s'est vu refuser l'entrée en France pourra dorénavant déposer un recours à effet suspensif contre la décision de refus d'entrée. La loi « Hortefeux » tient compte par ailleurs de la nouvelle organisation gouvernementale, en confiant au ministre de l'Immigration - dorénavant chargé de l'asile - la tutelle de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Au passage, la commission des recours des réfugiés est rebaptisée Cour nationale du droit d'asile.

La loi procède, au surplus, à divers « ajustements » dans différents domaines, notamment en matière d'éloignement. Plusieurs mesures visent par ailleurs à faciliter l'immigration de travail. La disposition la plus spectaculaire, à cet égard, consiste dans la possibilité de régulariser, à titre exceptionnel, des sans-papiers qui trouvent un emploi dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement. A signaler également, parmi les rares mesures allant dans un sens favorable aux immigrés, la mise en place d'un accompagnement personnalisé pour l'accès à l'emploi et au logement au bénéfice des réfugiés.

Certaines dispositions de la loi nécessitent, pour entrer en vigueur, la parution de décrets d'application.

I - LES DISPOSITIONS RELATIVES À L'IMMIGRATION FAMILIALE

A - L'encadrement du regroupement familial

1 - UNE ÉVALUATION LINGUISTIQUE ET UN TEST DE CONNAISSANCES DANS LE PAYS D'ORIGINE (art. 1 de la loi)

Les étrangers âgés de plus de 16 ans et de moins de 65 ans pour lesquels le regroupement familial est sollicité devront dorénavant passer, dans leur pays de résidence, un test d'évaluation de leur degré de connaissance de la langue française et des valeurs de la République (code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile [Ceseda], art. L. 411-8). Un décret doit en fixer le contenu. Selon le rapporteur de la loi au Sénat, François-Noël Buffet, le test de langue devrait être le même que celui prévu dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration (CAI). Le test de connaissance des valeurs de la République sera en revanche inédit. « En effet, dans le cadre du CAI, la formation civique qui se compose d'une présentation des institutions françaises et des valeurs de la République est obligatoire pour tous les signataires mais il n'y a pas de test » (Rap. Sén. n° 470, septembre 2007, Buffet, page 37).

Dans une deuxième étape, si l'évaluation en établit le besoin - c'est-à-dire, a expliqué le rapporteur de la loi à l'Assemblée nationale, Thierry Mariani, si elle montre que les étrangers concernés ne disposent pas d'une « connaissance rudimentaire » de la langue française et des valeurs de la République (Rap. A.N. n° 160, septembre 2007, Mariani, page 33) -, les intéressés devront suivre, toujours dans leur pays, une formation d'une durée de 2 mois au maximum au terme de laquelle il sera procédé à une nouvelle évaluation.

Précision importante : l'obtention du visa de long séjour ne sera pas conditionnée par la réussite de ce second test. « Il n'est aucunement exigé [des étrangers concernés qu'ils atteignent] un niveau de connaissance déterminé du français » à l'issue de leur formation, a expliqué François-Noël Buffet. Le test n'a en effet pour seul objet que de « faire le point sur les besoins restant à combler en matière de formation lors de l'arrivée en France » (Rap. Sén. n° 470, septembre 2007, Buffet, page 37). En revanche, la délivrance du visa de long séjour par les autorités consulaires sera subordonnée à la production d'une attestation de suivi de la formation. Autrement dit, il pèsera sur les intéressés une obligation de moyens - se rendre à la formation - et non pas une obligation de résultat.

Au-delà du contenu de l'évaluation, le décret d'application fixera également non seulement celui de la formation, mais aussi, notamment, le délai maximum dans lequel l'évaluation et la formation doivent être proposées à compter du dépôt du dossier complet de la demande de regroupement familial, le nombre d'heures minimum que la formation devra compter ainsi que les « motifs légitimes » pour lesquels un étranger pourra en être dispensé.

Au plan pratique, a précisé Thierry Mariani, l'organisation de l'évaluation et de la formation reposera principalement sur l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM), qui sera ainsi « l'opérateur principal du dispositif ». Dans les 6 pays où celle-ci est présente (Algérie, Tunisie, Maroc, Turquie, Mali, Sénégal), l'agence procédera directement à l'évaluation. Ailleurs, « elle agréera un opérateur, sur la base des informations fournies par le ministère des Affaires étrangères ». « Cet opérateur sera majoritairement choisi dans le réseau culturel français » (établissements et centres culturels, Alliances françaises). Autre précision apportée par le rapporteur : la formation dispensée en cas d'échec au premier test sera « financée par l'ANAEM dans tous les cas » (Rap. A.N. n° 160, septembre 2007, Mariani, page 68).

2 - LE RECOURS, À TITRE EXPÉRIMENTAL, À DES TESTS DE FILIATION BIOLOGIQUE (art 13)

La disposition, prévue à l'article 13 de la loi Hortefeux, a été maintenue malgré la controverse qu'elle a suscitée : les demandeurs d'un visa de long séjour pour raisons familiales pourront bientôt prouver, au moyen d'un test ADN, leur filiation avec leur mère. Expérimental, le dispositif - issu, à l'origine, d'un amendement du député (UMP) Thierry Mariani - est au final très encadré. Les sénateurs, en particulier, ont introduit de nombreuses modifications dans ce sens. Aussi et surtout, le Conseil constitutionnel a assorti sa validation de l'article 13 de « réserves précises », qui s'imposeront aux autorités judiciaires et administratives.

a - Un dispositif très encadré

La loi « Hortefeux » ouvre donc la possibilité au demandeur d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à 3 mois, ou à son représentant légal, de demander, dans le cadre du regroupement familial, qu'il soit procédé à son identification par ses empreintes génétiques afin d'apporter un élément de preuve d'une filiation déclarée avec sa mère lorsqu'il n'a pas été possible d'apporter cette preuve au moyen d'un acte de l'état civil, soit du fait de l'inexistence de ce dernier, soit en raison d'un doute sérieux sur son authenticité n'ayant pu être levé par la « possession d'état » (4) (Ceseda, art. L. 111-6 modifié).

Cette faculté sera réservée aux ressortissants de pays « dans lesquels l'état civil présente des carences ». En outre, le consentement des personnes dont l'identification est ainsi recherchée devra être « préalablement et expressément recueilli » et « une information appropriée quant à la portée et aux conséquences d'une telle mesure » devra leur être délivrée.

Concrètement, lorsque le demandeur sollicitera le recours à un test ADN, les agents diplomatiques ou consulaires saisiront « sans délai » le tribunal de grande instance de Nantes - spécialisé, rappelons le, dans les aspects internationaux d'état civil - « pour qu'il statue, après toutes investigations utiles et un débat contradictoire, sur la nécessité de faire procéder à une telle identification ». S'il estime le test biologique nécessaire, il désignera une personne spécialement habilitée pour le mettre en oeuvre. La décision du tribunal et, le cas échéant, les conclusions des analyses d'identification autorisées par celui-ci, seront communiquées aux agents diplomatiques ou consulaires. Ces analyses seront réalisées aux frais de l'Etat.

Un décret, pris après avis du Comité consultatif national d'éthique, définira :

les conditions de mise en oeuvre des mesures d'identification des personnes par leurs empreintes génétiques préalablement à une demande de visa ;

la liste des pays dans lesquels ces mesures seront mises en oeuvre, à titre expérimental ;

la durée de cette expérimentation, qui ne pourra excéder 18 mois à compter de la publication de ce décret et qui s'achèvera au plus tard le 31 décembre 2009 ;

les modalités d'habilitation des personnes autorisées à procéder à ces mesures.

Une commission sera chargée d'évaluer annuellement les conditions de mise en oeuvre de ce dispositif. Elle devra « entendre » le président du tribunal de grande instance de Nantes et remettra son rapport au Premier ministre. Elle sera composé de 2 députés, 2 sénateurs, du vice-président du Conseil d'Etat, du premier président de la Cour de cassation, du président du Comité consultatif national d'éthique et de 2 personnalités qualifiées désignées par le Premier ministre. Il reviendra également à ce dernier de choisir, parmi les membres de la commission, le président de l'instance.

A noter : le législateur a prévu de punir de un an d'emprisonnement ou de 1 500 € d'amende le fait de rechercher l'identification par ses empreintes génétiques d'une personne en dehors d'une mesure de vérification d'un acte de l'état civil entreprise par les autorités diplomatiques ou consulaires dans le nouveau cadre fixé par la loi « Hortefeux » (code pénal, art. 226-28 modifié).

b - Les réserves du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a exprimé deux « réserves » à propos de l'article 13 de la loi.

En premier lieu, les neuf sages ont souligné que le législateur n'avait pas entendu appliquer aux étrangers le droit français de la filiation et, ce faisant, n'avait pas dérogé aux règles du droit international privé posées par le code civil. Ainsi, la filiation de l'enfant étranger reste soumise à la loi personnelle de la mère étrangère, ont-ils rappelé. Tous les modes de preuve reconnus par celle-ci pourront donc être utilisés. En particulier, l'article 13 n'est pas applicable à la filiation adoptive qui continuera à se prouver par la production d'un jugement, ont-ils encore tenu à préciser.

Autre réserve posée par le Conseil constitutionnel : l'article 13 ne dispense pas les autorités diplomatiques ou consulaires de vérifier au cas par cas la validité et l'authenticité des actes de l'état civil produits par les demandeurs. Saisies d'une demande de regroupement familial, ces autorités devront faire - et prouver qu'elles ont fait - un travail de vérification des pièces présentées et non pas proposer d'emblée le test ADN. Les sages ont voulu ainsi interdire « une application systématique du recours aux tests ADN dans les Etats où se déroulera cette expérimentation ».

Pour le reste, le Conseil constitutionnel n'a rien trouvé à redire sur l'article 13. Il a ainsi jugé que, en limitant la nouvelle faculté de « test ADN » à l'établissement d'une filiation avec la mère, le législateur avait, comme il devait le faire, pris en compte d'autres principes de valeur constitutionnelle comme le droit à une vie familiale normale, le respect de la vie privée de l'enfant et du père ou encore la sauvegarde de l'ordre public, qui inclut la lutte contre la fraude. Le conseil a estimé que la conciliation entre ces différents principes n'était pas manifestement déséquilibrée par le nouveau dispositif, qui est subordonné à une demande de l'intéressé. Les autres conditions posées par la loi ont été jugées également, dans le cadre d'une expérimentation, conformes à la Constitution, car elles se fondent sur la carence de l'état civil de l'Etat étranger.

3 - DES CONDITIONS SUPPLÉMENTAIRES IMPOSÉES AUX «REGROUPANTS» (art. 2)

Depuis la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, la demande de regroupement familial peut être refusée dans 3 hypothèses, dans lesquelles l'étranger « regroupant » ne répond pas à une des conditions exigées par le législateur : l'absence d'un logement considéré comme normal pour accueillir l'ensemble de la famille, l'absence de ressources stables et suffisantes et le non-respect des principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale normale en France. La loi du 20 novembre 2007 apporte des retouches à ces deux dernières conditions.

a - La condition de ressources

La prise en compte de la taille de la famille

Actuellement, le regroupement familial peut donc être refusé, entre autres, si le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Les seuls revenus du demandeur et de son conjoint provenant de leur activité ou de leur patrimoine sont pris en compte. A cet égard, la loi du 24 juillet 2006 a expressément exclu, outre les prestations familiales éventuellement versées aux intéressés, certains revenus de remplacement limitativement énumérées (5). Elle n'a pas touché, en revanche, à la détermination du niveau de ressources : ainsi, il est simplement exigé que celles-ci atteignent un montant au moins égal au SMIC. Il n'est donc pas tenu compte de la taille de la famille, contrairement à ce qui est pratiqué pour la condition relative au logement, la surface exigible variant en fonction du nombre de personnes composant le foyer.

La loi « Hortefeux » change la donne en posant le principe selon lequel les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Il reviendra à un décret de fixer ce montant, étant entendu qu'il devra être au moins égal au SMIC et au plus égal à ce dernier majoré d'un cinquième, soit 1,2 SMIC (Ceseda, art. L. 411-5 modifié). Précision importante apportée lors de l'examen en séance publique des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) : ce décret d'application ne devrait permettre la modulation des ressources jusqu'à 1,2 SMIC que pour les seules familles de 6 personnes ou plus. C'était en tout cas le souhait des parlementaires membres de la CMP, comme l'a rappelé devant les députés le rapporteur Thierry Mariani (J.O.A.N. [C.R.] n° 54 du 24-10-07, page 3031).

A noter : un étranger titulaire d'une carte de résident longue durée-CE obtenue dans un autre Etat membre de l'Union européenne et venant s'installer en France peut être rejoint par sa famille. Auquel cas, comme les autres étrangers bénéficiaires de la procédure de regroupement familial, il se verra appliquer la modulation de la condition de ressources en fonction de la taille de la famille (Ceseda, art. L. 313-11-1 III modifié).

Le cas particulier des personnes titulaires de l'AAH ou de l'ASI

Sous l'impulsion des députés, il a été décidé de ne pas rendre opposable la condition de ressources au demandeur qui, « en raison de troubles de la santé invalidants ou d'un handicap, rencontre des restrictions dans l'accès à une activité professionnelle rémunérée » (Rap. Sén. n° 470, septembre 2007, Buffet, page 45). Ainsi, plus précisément, la condition de ressources n'est dorénavant plus applicable lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ou de l'allocation supplémentaire invalidité (Ceseda, art. L. 411-5 modifié).

En adoptant cette disposition, les parlementaires ont voulu faire écho à une délibération de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) du 11 décembre 2005. Saisie du cas d'une personne handicapée demandant à bénéficier du regroupement familial, la HALDE a estimé que, eu égard au statut de travailleur handicapé en établissement et service d'aide par le travail et au régime de rémunération y afférent, d'une part, et aux conditions d'attribution de l'AAH, d'autre part, les ressources du réclamant ne pouvaient en aucun cas atteindre le montant du SMIC. En conséquence, la condition de ressources exigée pour bénéficier du regroupement familial créait, selon l'instance, une discrimination indirecte en raison du handicap.

b - La conformité aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République

La loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration a prévu que, pour bénéficier du regroupement familial, le demandeur doit se conformer « aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » (Ceseda, art. L. 411-5 3° modifié). Le Conseil constitutionnel avait validé cette mesure en indiquant toutefois, dans une réserve d'interprétation, que la référence aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République devait être entendue comme renvoyant « aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d'accueil » (6). Afin de tenir compte de cette réserve d'interprétation, la loi du 20 novembre 2007 reprend les termes choisis par les neuf sages dans une nouvelle rédaction de l'article L. 411-5 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4 - LA CONCLUSION D'UN CONTRAT D'ACCUEIL ET D'INTÉGRATION FAMILIAL (art. 6)

La loi « Hortefeux » crée un nouvel outil, le contrat d'accueil et d'intégration pour la famille (CAIF), qui s'ajoute au contrat d'accueil et d'intégration (CAI) individuel.

L'étranger admis au séjour en France et, le cas échéant, son conjoint devront ainsi dorénavant, si un ou plusieurs de leurs enfants ont bénéficié de la procédure de regroupement familial, conclure « conjointement » avec l'Etat un CAIF par lequel ils s'obligent à suivre une formation sur les droits et les devoirs des parents en France ainsi qu'à respecter l'obligation scolaire. Le président du conseil général sera informé de la conclusion du contrat.

En cas de non-respect du CAIF manifesté « par une volonté caractérisée » de l'étranger ou de son conjoint, le préfet pourra saisir le président du conseil général en vue de la mise en oeuvre d'un contrat de responsabilité parentale (7).

Enfin, lors du renouvellement de la carte de séjour des intéressés, il sera tenu compte du non-respect du CAIF ou, le cas échéant, du contrat de responsabilité parentale (Ceseda, art. L. 311-9-1 nouveau).

Un décret est attendu concernant les conditions d'application de ces dispositions.

A noter : la conclusion d'un CAIF ne dispensera pas de la conclusion simultanée d'un CAI classique. « Ainsi, a expliqué Thierry Mariani, dans le cas où un étranger solliciterait le regroupement familial de son conjoint et de ses enfants, ce conjoint devrait conclure un CAI classique et un CAI familial » (Rap. A.N. n° 160, septembre 2007, Mariani, page 48).

5 - LA PROTECTION DES BÉNÉFICIAIRES VICTIMES DEVIOLENCES CONJUGALES (art. 4 et 5)

La nouvelle loi renforce le dispositif mis en place par celle du 24 juillet 2006 pour protéger les étrangers victimes de violences conjugales et éviter que les conjoints violents n'exercent un chantage au titre de séjour.

En principe, en cas de rupture de la vie commune, le titre de séjour qui a été remis au conjoint d'un étranger admis au séjour au titre du regroupement familial peut, pendant les 3 années suivant cette autorisation de séjourner en France, faire l'objet d'un retrait ou d'un refus de renouvellement. Toutefois - et c'est là qu'intervient le dispositif mis en place en 2006 -, lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger admis au séjour au titre du regroupement familial en raison de violences conjugales, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait de son titre de séjour et peut en accorder le renouvellement.

La loi du 20 novembre 2007 va aujourd'hui plus loin, en prévoyant le maintien du titre de séjour malgré la rupture de la vie commune en cas de violences conjugales dans 2 nouvelles hypothèses (Ceseda, art. L. 431-2 modifié) :

lorsque la vie commune a été rompue à l'initiative de l'auteur des violences ;

lorsque l'intéressé a été victime de violences commises après son arrivée en France mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire.

B - Les nouvelles règles applicables aux étrangers conjoints de Français (art. 10)

1 - UNE ÉVALUATION LINGUISTIQUE ET UN TEST DE CONNAISSANCES DANS LE PAYS D'ORIGINE

La nouvelle procédure d'évaluation et de formation de la connaissance de la langue et des valeurs de la République mise en place dans le cadre du regroupement familial (voir page 24) est applicable aux étrangers mariés à un conjoint de nationalité française qui sollicitent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à 3 mois. « En effet, ces personnes doivent accomplir, au même titre que les personnes entrant en France par la voie du regroupement familial, un parcours d'intégration afin de faciliter leur insertion dans la société française », a expliqué Thierry Mariani. Pour le député, « il est donc également souhaitable qu'elles puissent commencer ce parcours d'intégration avant même de s'installer durablement en France » (Rap. A.N. n° 160, septembre 2007, Mariani, page 87). Quelques différences existent néanmoins, au vu du public visé.

Le dispositif prévoit ainsi que - précision importante - sous réserve des conventions internationales, le conjoint de Français âgé de moins de 65 ans bénéficie, dans le pays où il sollicite le visa, d'une évaluation de son degré de connaissance de la langue et des valeurs de la République. L'objectif est le même que pour les bénéficiaires du regroupement familial : lui permettre de préparer son intégration républicaine dans la société française. Si cette évaluation en établit le besoin, les autorités diplomatiques et consulaires organiseront à l'intention de l'intéressé, dans le pays où il sollicite le visa, une formation dont la durée ne pourra excéder 2 mois, au terme de laquelle il fera l'objet d'une nouvelle évaluation de sa connaissance de la langue et des valeurs de la République. La délivrance du visa sera subordonnée à la production d'une attestation de suivi de cette formation, délivrée immédiatement à l'issue de la formation.

Là encore, un décret fixera les conditions d'application de ces dispositions, notamment le délai maximum dans lequel l'évaluation et la formation doivent être proposées, le contenu de l'évaluation et de la formation, le nombre d'heures minimum que la formation doit compter ainsi que les motifs légitimes pour lesquels l'étranger pourra en être dispensé.

Certains conjoints seront dispensés de l'obligation de passer les tests de langue et de connaissance lors de la demande de visa. Il en est ainsi du mari ou de la femme de nationalité étrangère au sein d'un couple binational qui, vivant à l'étranger, décide de rejoindre la France pour des raisons professionnelles. Cette dispense ne leur sera toutefois pas appliquée si le mariage a été célébré à l'étranger par une autorité étrangère et n'a pas fait l'objet d'une transcription (Ceseda, art. L. 211-2-1 modifié).

2 - UN VISA DE LONG SÉJOUR QUIVAUT TITRE DE SÉJOUR ETAUTORISATION DE TRAVAIL

L'étranger entré régulièrement en France et marié en France avec un ressortissant de nationalité française peut toujours, s'il souhaite obtenir un visa de long séjour, déposer sa demande auprès de la préfecture, à condition de séjourner en France depuis plus de 6 mois avec son conjoint. C'est la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration qui a ouvert cette possibilité, afin d'éviter à ces étrangers de retourner dans leur pays pour y obtenir un visa et être ainsi séparé de leur conjoint pendant plusieurs mois (8).

Le texte initial de la loi « Hortefeux » tendait à supprimer cette facilité de procédure mais elle a finalement été maintenue. Dans le même temps, une innovation importante a été introduite : désormais, le visa de long séjour délivré au conjoint de Français vaudra en lui-même titre de séjour et autorisation de travail pour une durée de un an. L'intéressé n'aura donc pas à se présenter en préfecture lors de son arrivée en France pour obtenir une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ». Un décret doit préciser les conditions de cette disposition (Ceseda, art. L. 211-2-1 modifié). « Il s'agit à terme que tous les visas de long séjour valent en même temps titre de séjour, comme cela se pratique dans de très nombreux pays, aux Pays-Bas par exemple », a expliqué le rapporteur François-Noël Buffet. « Toutefois, avant de généraliser cette simplification administrative, il convient de l'expérimenter pour une partie seulement des visas de long séjour délivrés » (Rap. Sén. n° 470, septembre 2007, Buffet, page 55). C'est ce que fait la loi « Hortefeux ».

3 - LA PROTECTION DES CONJOINTS VICTIMES DE VIOLENCES CONJUGALES

Comme pour les bénéficiaires du regroupement familial (voir page 24), le législateur perfectionne le dispositif de protection des conjoints de Français titulaires de plein droit d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » et victimes de violences conjugales (Ceseda, art. L. 313-12 modifié).

L'article L. 314-5-1 du Ceseda prévoyait jusqu'à présent le retrait de la carte de résident délivrée au conjoint d'un Français en cas de rupture de la vie commune dans les 4 premières années du mariage, mais accordait une protection particulière dans le cas où la rupture de la vie commune se faisait à l'initiative d'un conjoint victime de violences conjugales. Cet article est modifié afin de protéger ce dernier dans le cas où c'est l'auteur des violences qui prend l'initiative de la rupture de la vie commune. Ainsi, dans cette situation, et comme dans le cas où la rupture de la vie commune est à l'initiative de la victime, la carte de résident ne pourra pas être retiré à cette dernière.

II - LES MODIFICATIONS CONCERNANT L'ASILE

A - Un recours suspensif contre les refus d'entrée au titre de l'asile à la frontière (art. 23 et 24)

L'étranger qui, arrivé aux frontières françaises pour demander l'asile, s'est vu refuser l'entrée en France, pourra dorénavant déposer un recours suspensif contre cette décision. Jusqu'à présent, aucun des recours à disposition de cette catégorie d'étrangers n'entraînait de plein droit la suspension de l'exécution de la décision prise par l'administration.

1 - LE DROIT ANTÉRIEUR

L'étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui, soit n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l'asile, peut être maintenu dans une zone d'attente pendant le temps strictement nécessaire à son départ et, s'il est demandeur d'asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n'est pas manifestement infondée. L'autorité administrative compétente pour prendre la décision de refuser l'entrée en France à un étranger demandant à bénéficier du droit d'asile est le ministre de l'Intérieur, après avis de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Signalons au passage qu'un projet de décret modifiant le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en cours d'élaboration, se propose de transférer l'actuelle compétence du ministre de l'Intérieur au ministre chargé de l'immigration.

Comme toutes les décisions administratives, les décisions de non-admission au titre de l'asile sont susceptibles d'un recours en annulation devant la juridiction administrative, recours qui, jusqu'à présent, n'était pas suspensif. Elles peuvent également faire l'objet du « référé suspension » ou du « référé liberté » - non suspensifs eux aussi - prévus respectivement aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative.

Autrement dit, l'étranger qui avait essuyé un refus dans le cadre de la procédure de l'asile à la frontière et entendait former un recours contre cette décision pouvait en principe être rapatrié dans son pays d'origine avant que le juge administratif ne se soit prononcé. Et ce, quelle que soit la nature de son recours.

Cet état de fait a valu à la France une condamnation cette année par la Cour européenne des droits de l'Homme. Dans l'arrêt Gebremedhin c/France rendu le 26 avril 2007, les juges européens ont en effet jugé que l'absence d'un recours juridictionnel de plein droit suspensif ouvert aux étrangers dont la demande d'asile à la frontière a été refusée méconnaissait les articles 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (9).Tirant les conséquences de cet arrêt, la loi du 20 novembre 2007 met en place une procédure de recours suspensif contre les décisions de refus d'entrée au titre de l'asile.

2 - LA NOUVELLE PROCÉDURE DERECOURS

L'étranger qui a fait l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile peut dorénavant, dans les 48 heures suivant la notification de cette décision, en demander l'annulation, par requête motivée, au président du tribunal administratif (Ceseda, art. L. 213-9 nouveau). Ce nouveau droit doit être mentionné dans la décision de refus d'entrée, qui doit également préciser les voies et délais de ce recours (Ceseda, art. L. 213-2 modifié).

Le juge chargé de statuer sur cette demande - le président lui même ou un magistrat qu'il désigne à cette fin - doit le faire dans un délai de 72 heures à compter de sa saisine (Ceseda, art. L. 213-9 nouveau).

Précision importante : aucun autre recours ne peut être introduit contre la décision de refus d'entrée au titre de l'asile. Le référé-liberté classique est donc exclu. « Il ne peut y avoir deux voies de droit concurrentes », a expliqué le rapporteur François-Noël Buffet (Rap. Sén. n° 470, septembre 2007, Buffet, page 68).

Afin de l'aider dans ses démarches, l'étranger peut demander au magistrat le concours d'un interprète. Il est assisté de son conseil s'il en a un. La loi lui offre aussi la possibilité de demander qu'il lui en soit désigné un d'office.

Le juge peut, par ordonnance motivée, donner acte des désistements, constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur un recours et rejeter les recours ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance ou manifestement mal fondés.

L'audience - qui, comme pour le référé-liberté, se déroule sans commissaire du gouvernement - se tient dans les locaux du tribunal administratif compétent. Toutefois, « sauf si l'étranger dûment informé dans une langue qu'il comprend s'y oppose », elle peut aussi se tenir par visio-conférence, le magistrat étant alors relié en direct par cette voie à la salle d'audience de la zone d'attente. Celle-ci, tout comme la salle d'audience du tribunal administratif, est ouverte au public et l'étranger y est assisté de son conseil s'il en a un.

La décision de refus d'entrée au titre de l'asile ne peut être exécutée avant l'expiration d'un délai de 48 heures suivant sa notification ou, en cas de saisine du président du tribunal administratif, avant que ce dernier ou le magistrat désigné à cette fin n'ait statué.

Le jugement du magistrat est susceptible d'appel dans un délai de 15 jours devant le président de la cour administrative d'appel territorialement compétente ou un magistrat désigné par ce dernier.Toutefois, cet appel n'est pas suspensif. Ainsi, si le refus d'entrée au titre de l'asile a été annulé, il est immédiatement mis fin au maintien en zone d'attente de l'étranger, qui est autorisé à entrer en France muni d'un visa de régularisation de 8 jours. Dans ce délai, l'autorité administrative compétente lui délivre, à sa demande, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de déposer sa demande d'asile auprès de l'OFPRA. Si, au contraire, la décision de refus d'entrée au titre de l'asile n'a pas fait l'objet d'une annulation, elle pourra « être exécutée d'office par l'administration ». Il en sera de même, du reste, si l'étranger n'a pas demandé l'annulation de cette décision dans les 48 heures qui lui sont désormais impartis par la loi.

B - Du changement du côté des institutions

1 - POUR L'OFPRA

a - Un nouveau ministère de tutelle (art. 28)

Conséquence logique de la création du ministère de Brice Hortefeux, dorénavant chargé de l'asile, la loi entérine le changement de tutelle de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui, depuis sa création en 1952, dépendait du ministère des Affaires étrangères (Ceseda, art. L. 721-1 modifié). Ses missions restent inchangées : octroyer la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire aux personnes qui en remplissent les conditions.

Conséquence de ce changement de tutelle : le président du conseil d'administration de l'office sera désormais nommé sur proposition du ministre chargé de l'asile - qui dans l'actuel gouvernement est donc le ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Codéveloppement - et non plus du ministre des Affaires étrangères (Ceseda, art. L. 722-1 modifié). Et le directeur général de l'office sera nommé sur proposition conjointe du Quai d'Orsay (sans changement) et du ministre chargé de l'asile, qui se substitue au ministre de l'Intérieur (Ceseda, art. L. 722-2 modifié). L'idée étant, a expliqué François-Noël Buffet, de maintenir un lien - jugé indispensable par les défenseurs de ce statu quo - entre l'office et le ministère des affaires étrangères. « Grâce à son réseau consulaire et diplomatique, le Quai d'Orsay est en effet le mieux placé pour nourrir l'expertise des officiers de l'OFPRA et leur connaissance de la situation dans les pays de provenance des demandeurs d'asile » (Rap. Sén. n° 470, septembre 2007, Buffet, page 74).

Autre conséquence du changement de tutelle : à l'expiration de leur période d'administration courante par l'OFPRA, les dossiers des demandeurs d'asile dont la demande aura été définitivement rejetée sont dorénavant confiés à la garde « des services du ministère chargé de l'asile » et non plus du ministère des Affaires étrangères. Comme auparavant, seules les personnes autorisées par le directeur général de l'office y ont accès (Ceseda, art. L. 722-4 modifié).

b - De nouvelles obligations (art. 31)

Il est dorénavant exigé de l'OFPRA qu'il notifie nécessairement par écrit sa décision au demandeur d'asile dont il a examiné la situation. En outre, toute décision de rejet doit être motivée en fait et en droit et les voies et délais de recours précisés. Enfin, un principe est affirmé : aucune décision ne peut naître du silence gardé par l'office (Ceseda, art. L. 723-3-1 nouveau). Un amendement gouvernemental est à l'origine de ces dispositions. Selon son exposé des motifs, elles parachèvent « la transposition au niveau législatif de la directive 2005/85/CE du Conseil [de l'Union Européenne] du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres ».

2 - LA CRR REBAPTISÉE «COUR NATIONALE DU DROIT D'ASILE» (art. 29)

La commission des recours des réfugiés (CRR), juridiction chargée de se prononcer en première instance sur les recours contre les décisions de l'OFPRA refusant de reconnaître la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, est rebaptisée « Cour nationale du droit d'asile » afin de « lui donner l'apparence de ce qu'elle est vraiment, [à savoir] une juridiction administrative ». Selon le rapporteur de la loi au Sénat, François-Noël Buffet, l'ancienne dénomination était en effet « à la fois ambiguë - l'utilisation du mot «commission» évoquant davantage un organe administratif qu'une juridiction indépendante - et inexacte - les requérants n'ont encore que la qualité de demandeur d'asile même s'ils peuvent espérer bénéficier soit du statut de réfugié, soit de la protection subsidiaire » (Rap. Sén. n° 470, septembre 2007, Buffet, page 75).

Les parlementaires à l'origine de cette modification voient aussi dans ce changement de nom le point de départ de la réforme de la CRR, indispensable à leurs yeux. Pour eux, l'instance « souffre » d'une apparence de non-indépendance « en raison de son fonctionnement et de son financement ». « L'établissement public OFPRA comporte deux entités, créées par la même loi : l'OFPRA proprement dit et la commission des recours des réfugiés », a expliqué François-Noël Buffet. « Le budget de la CRR est donc inclus dans la dotation budgétaire allouée à l'OFPRA. Le contrôlé finance le contrôleur. » En outre, « les rapporteurs de la CRR, qui présentent à la formation de jugement les dossiers sur lesquels elle doit statuer, appartiennent statutairement au même corps que les officiers de protection de l'OFPRA qui prennent la décision d'accorder ou pas le statut de réfugié. La procédure disciplinaire est également commune. » Pour le sénateur, cette apparence de non-indépendance de la CRR « pourrait conduire à la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'Homme » (Rap. Sén. n° 470, septembre 2007, Buffet, page 29).

Les parlementaires entendent ainsi, avec ce changement de nom, « adresser un signal fort au gouvernement » afin « qu'il mette en oeuvre rapidement [...] l'autonomie budgétaire et administrative de la juridiction » (Rap. Sén. n° 470, septembre 2007, Buffet, page 75).

A noter : sous l'impulsion du rapporteur Thierry Mariani, l'Assemblée nationale a proposé de réduire de un mois à 15 jours le délai de recours devant la CRR. Pour mémoire, le principe de cette réduction avait été acté par le comité interministériel de contrôle de l'immigration en novembre 2005 (10). Mais les sénateurs s'y sont opposés et le délai de un mois - fixé par la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration - a finalement été maintenu.

À SUIVRE...

Plan du dossier

Dans ce numéro :

I - Les dispositions relatives à l'immigration familiale

A - L'encadrement du regroupement familial

B - Les nouvelles règles applicables aux étrangers conjoints de Français

II - Les modifications concernant l'asile

A - Un recours suspensif contre les refus d'entrée au titre de l'asile à la frontière

B - Du changement du côté des institutions

Dans un prochain numéro :

III - Les mesures concernant le maintien en zone d'attente ou en rétention administrative

IV - Des « ajustements » en matière d'éloignement

V - Les dispositions relatives à l'immigration pour motifs professionnels

VI - Les autres mesures

Des ajustements autour du contrat d'accueil et d'intégration individuel (art. 7 à 9)

La signature d'un contrat d'accueil et d'intégration individuel est, rappelons-le, obligatoire depuis le 1er janvier 2007 pour tous les primo-arrivants. Dans le cadre de ce dispositif, l'étranger signataire peut bénéficier d'un bilan de compétences professionnelles, dont l'objet est de lui permettre de définir, après analyse de ses compétences, de ses aptitudes et de ses motivations, un projet professionnel et, le cas échéant, un projet de formation. Jusqu'à présent, ce bilan était facultatif. La loi « Hortefeux » le rend obligatoire. Explications du ministre de l'Immigration : « puisque nous nous efforçons de rééquilibrer les flux migratoires en augmentant la part de l'immigration de travail, il est logique que, dans le même temps, l'ensemble des immigrés s'installant en France - y compris les migrants familiaux - bénéficient d'un bilan de compétences pour les orienter vers le marché du travail » (J.O.A.N. [C.R.] n° 54 du 24-10-07, page 3034). Un décret déterminera toutefois les situations dans lesquelles le bilan ne sera pas proposé (Ceseda, art. L. 311- 9 modifié). Selon le rapporteur François-Noël Buffet, les salariés en mission devraient, par exemple, en être dispensés (Rap. Sén. n° 470, septembre 2007, Buffet, page 51).

Le législateur a voulu par ailleurs lier plus fortement la compétence du préfet en cas de non-respect du CAI manifesté par une volonté caractérisée. Jusqu'à présent, la loi disposait seulement que le préfet « pouvait » tenir compte de ce non-respect au moment du premier renouvellement du titre de séjour. La loi du 20 novembre 2007 change la donne : en cas de non-respect du contrat, le préfet en « tient compte » lors du renouvellement du titre (Ceseda, art. L. 311- 9 modifié). Toutefois, selon François-Noël Buffet, avec cette formulation, « la compétence [n'est] pas totalement liée ». « Le préfet conservera une marge d'appréciation pour les cas exceptionnels », a-t-il assuré (Rap. Sén. n° 470, septembre 2007, Buffet, page 51).

Autre nouveauté : alors que, en principe, un test de langue est prévu dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration individuel, la loi « Hortefeux » dispose que les bénéficiaires du regroupement familial qui ont été dispensés de suivre une formation linguistique dans le pays où ils ont sollicité le visa (voir page 24) sont réputés ne pas avoir besoin d'une formation linguistique dans le cadre du CAI. Les autres continueront, par contre, de relever du droit commun du contrat d'accueil et d'intégration et devront donc se soumettre à une nouvelle évaluation en France (Ceseda, art. L. 311-9 modifié). Malgré la formation linguistique suivie dans le pays d'origine... et les éventuels bons résultats obtenus lors de l'évaluation à laquelle il est procédé à l'issue de cette formation.

Enfin, dernier ajustement autour du CAI individuel : l'étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle et détaché par un employeur établi hors de France dans les conditions prévues par l'article L. 313-10 du Ceseda ou bien encore l'étranger titulaire d'une carte de séjour « compétences et talents » sont dispensés de la signature de ce contrat. Il en est de même de son conjoint et de ses enfants âgés de plus de 16 ans (Ceseda, art. L. 311-9 modifié).

« Liens personnels et familiaux en France » et insertion dans la société française (art. 12)

La carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit à l'étranger qui n'entre dans aucune des catégories ouvrant droit à une carte de séjour temporaire ou au bénéfice du regroupement familial, mais dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. La loi du 24 juillet 2006 a précisé la notion de « liens personnels et familiaux en France », en retenant plusieurs critères, non exhaustifs : l'intensité, l'ancienneté et la stabilité de ces liens, les conditions d'existence de l'intéressé, la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et, enfin, l'insertion de l'étranger dans la société française.

La loi « Hortefeux » apporte une précision s'agissant de ce dernier critère. Ainsi, l'insertion de l'intéressé dans la société française est « évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République » (Ceseda, art. L. 313-11 7° modifié). Cet élément d'évaluation ne sera pas le seul, comme le démontre l'emploi du terme « notamment ».

Des compétences transférées de la Place Beauvau au ministère de l'Immigration (art. 50)

La loi du 20 novembre 2007 transfère aussi au ministre de l'Immigration des compétences confiées jusqu'alors par le législateur au ministre de l'Intérieur, à savoir la faculté :

de saisir la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour en cas de recours hiérarchique contre un refus d'admission exceptionnelle au séjour (Ceseda, art. L. 313-14 modifié) ;

de délivrer la carte de séjour « compétences et talents » (Ceseda, art. L. 315-3 modifié) ;

d'autoriser les étrangers assignés à résidence à quitter leur lieu de résidence (Ceseda, art. L. 624-4 modifié) ;

de prononcer l'amende due par une entreprise de transport qui débarque un étranger non muni des documents de voyage requis (Ceseda, art. L. 625-4 modifié).

Notes

(1) Voir ASH n° 2527 du 19-10-07, p. 45.

(2) Composée de 7 députés et de 7 sénateurs, la commission mixte paritaire a pour mission, en cas de désaccord persistant entre les 2 assemblées, d'aboutir à leur conciliation sur un texte commun.

(3) Rappelons que le Conseil constitutionnel a censuré une seule disposition de la loi « Hortefeux » : l'article 63, qui ouvrait la porte à la réalisation de statistiques ethniques - Voir ASH n° 2532 du 23-11-07, p. 16.

(4) Etablie par voie d'enquête, la possession d'état désigne une présomption légale permettant d'établir la filiation d'une personne sur la base de certains faits constatés par sa famille et par son entourage.

(5) Revenu minimum d'insertion, allocation de solidarité aux personnes âgées, allocation temporaire d'attente, allocation de solidarité spécifique, allocation équivalent retraite - Voir ASH n° 2477-2478 du 10-11-06, p. 22.

(6) Voir ASH n° 2466 du 25-08-06, p. 25.

(7) Voir ASH n° 2531 du 16-11-07, p. 17.

(8) Voir ASH n° 2477-2478 du 10-11-07, p. 23.

(9) Voir ASH n° 2506 du 4-05-07, p. 12.

(10) Voir ASH n° 2432 du 2-12-05, p. 5.

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