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Loi « immigration » : le Conseil constitutionnel valide « sous certaines réserves » les tests ADN mais censure l'autorisation donnée aux statistiques ethniques

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Très attendue, la décision boucle la fin de la longue bataille qui s'est déroulée à l'Assemblée nationale et au Sénat sur fond de forte mobilisation : le Conseil constitutionnel a validé, le 15 novembre, « sous certaines réserves », l'article 13 de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, qui instaure les tests ADN comme élément de preuve de la filiation dans le cadre du regroupement familial (voir les réactions associatives dans ce numéro, page 41). Les neuf sages ont en revanche censuré sur le fond comme sur la forme l'article 63 de la loi, qui ouvrait la porte à la réalisation de statistiques ethniques.

Les juges constitutionnels ont exprimé plus précisément, à propos de l'article 13, deux réserves qui s'imposeront aux autorités administratives et judiciaires et dont l'avenir dira si, comme l'assurent les parlementaires de l'opposition, elles rendent le dispositif inopérant. Rappelons que cet article ouvre, à titre expérimental, la possibilité au demandeur d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois, ou à son représentant légal, de solliciter dans le cadre du regroupement familial qu'il soit procédé à son identification par ses empreintes génétiques pour apporter un élément de preuve d'une filiation déclarée avec sa mère lorsqu'il n'a pas été possible d'apporter cette preuve au moyen d'un acte de l'état civil, soit du fait de l'inexistence de ce dernier, soit en raison d'un doute sérieux sur son authenticité n'ayant pu être levé par la « possession d'état ». Cette faculté sera réservée aux ressortissants de pays « dans lesquels l'état civil présente des carences ». En outre, le consentement des personnes dont l'identification est ainsi recherchée devra être « préalablement et expressément recueilli » et « une information appropriée quant à la portée et aux conséquences d'une telle mesure » devra leur être délivrée.

Les neuf sages ont indiqué, en premier lieu, qu'il ressortait des travaux parlementaires que le législateur n'avait pas entendu appliquer aux étrangers le droit français de la filiation et, ce faisant, n'avait pas dérogé aux règles du droit international privé posées par le code civil. Ainsi, la filiation de l'enfant étranger reste soumise à la loi personnelle de la mère étrangère, ont-ils souligné. Tous les modes de preuve reconnus par celle-ci pourront donc être utilisés. En particulier, l'article 13 n'est pas applicable à la filiation adoptive qui continuera à se prouver par la production d'un jugement ou d'une décision équivalente, ont-ils encore tenu à préciser.

Autre réserve posée par le Conseil constitutionnel : l'article 13 ne dispense pas les autorités diplomatiques ou consulaires de vérifier au cas par cas la validité et l'authenticité des actes de l'état civil produits par les demandeurs. Saisies d'une demande de regroupement familial, ces autorités devront faire - et prouver qu'elles ont fait - un travail de vérification des pièces présentées et non pas proposer d'emblée le test ADN. Les sages ont voulu ainsi interdire « une application systématique du recours aux tests ADN dans les Etats où se déroulera cette expérimentation ».

Pour le reste, le Conseil constitutionnel n'a rien trouvé à redire à cet article 13. Il a ainsi jugé que, en limitant la nouvelle faculté de test ADN à l'établissement d'une filiation avec la mère, le législateur avait, comme il devait le faire, pris en compte d'autres principes de valeur constitutionnelle comme le droit à une vie familiale normale, le respect de la vie privée de l'enfant et du père ou encore la sauvegarde de l'ordre public, qui inclut la lutte contre la fraude. Le conseil a estimé que la conciliation entre ces différents principes n'était pas manifestement déséquilibrée par le nouveau dispositif, qui est subordonné à une demande de l'intéressé. Les autres restrictions posées par la loi ont été jugées également, dans le cadre d'une expérimentation, conformes à la Constitution, car elles se fondent sur la carence de l'état civil de l'Etat étranger.

Inspiré d'une recommandation de la commission nationale de l'informatique et des libertés, l'article 63 autorisant « les traitements de données à caractère personnel nécessaires à la conduite d'études sur la mesure de la diversité des personnes, de la discrimination et de l'intégration » n'aura, en revanche, pas trouvé grâce aux yeux des juges constitutionnels. Sur la forme, il est ainsi considéré comme un « cavalier législatif », appellation donnée à une disposition dépourvue de tout lien avec la loi à laquelle elle est rattachée. Sur le fond, les sages ont estimé qu'établir des statistiques ethniques était en contradiction avec l'article 1er de la Constitution. Lequel dispose que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale » et qu'elle « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion ». Ainsi, pour le conseil, si les traitements nécessaires à la conduite des études sur la mesure de la diversité des origines peuvent porter sur des « données objectives » (comme, par exemple, le lieu de naissance ou la nationalité), « ils ne sauraient reposer sur l'origine ethnique ou la race ».

(Loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 et décision du Conseil constitutionnel n° 2007-557 DC du 15 novembre 2007, J.O. du 21-11-07)

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