La communication qu'a adoptée, le 20 novembre, la Commission européenne sur les services d'intérêt général (SIG) et les services sociaux d'intérêt général (SSIG) paraît loin des ambitions affichées le 17 septembre à Lisbonne par Vladimir Spidla, commissaire européen pour l'Emploi, les Affaires sociales et l'Egalité des chances, lors de la conférence de la présidence portugaise sur les SSIG. D'où d'ailleurs la déception du collectif SSIG-FR (voir ce numéro, page 40).
Ce texte reprend les discussions déjà évoquées, notamment dans le Livre blanc de 2004 sur les SIG (1) ou dans sa communication sur les SSIG de 2006 (2), et rappelle les décisions entrées en vigueur, comme celle autorisant les aides publiques pour certains services sociaux, le logement social et les hôpitaux, dit « paquet Altmark » (3). Il met en lumière également les principes fixés dans le protocole sur les SIG du futur traité de Lisbonne (4), mais sans préciser ses modalités d'application.
La Commission abandonne, en fait, toute idée, du moins dans l'immédiat, de légiférer sur les SIG et les SSIG, contrairement à ce que demandait l'Etat français et les organisations du Collectif SSIG-FR (5). Elle préfère une approche plus pragmatique fondée sur trois axes : expliquer et clarifier les règles existantes ; au besoin, légiférer de manière sectorielle sur les services économiques ; assurer un suivi régulier des principes gouvernant les SIG.
Consciente que l'application des règles communautaires aux SIG, SSIG et services économiques d'intérêt général (SIEG) appelle des clarifications juridiques, la Commission a entamé un gros travail d'éclaircissement des règles communautaires de concurrence et du marché intérieur.
La communication détaille ainsi tous les avantages qui peuvent être tirés du Traité européen, et notamment de son article 86 § 2, qui permet de concilier les missions d'intérêt général et les règles communautaires de concurrence : ces dernières ne s'appliquent que dans la mesure où elles ne font pas échec à l'accomplissement de ces missions. Cela signifie, par exemple, « que l'octroi de droits exclusifs ou spéciaux reste possible lorsqu'ils sont justifiés par des objectifs d'intérêt public et proportionnés aux objectifs poursuivis » explique-t-elle. Dans le domaine des services sociaux, les Etats membres sont cependant moins sensibilisés aux dispositions spécifiques de cet article que dans d'autres secteurs. La Commission entend ainsi leur rappeler que, pour assurer la sécurité juridique, il est important d'attribuer « une mission d'intérêt général aux prestataires de services par le biais d'actes de mandatement ».
L'instance européenne a aussi publié, le même jour, deux « documents de travail », intéressants et détaillés, qui apportent des réponses précises sur l'application des règles communautaires en matière d'aides d'Etat et de marchés publics (6). Le premier donne des exemples concrets pour distinguer les services économiques et non économiques. Il explique aussi dans quelles conditions, le financement public des prestataires de services ne sera pas considéré comme une aide d'Etat. En particulier, il apporte des éclaircissements concernant deux conditions majeures : la nécessité pour les pouvoirs publics d'attribuer une mission d'intérêt général à un prestataire de services via un acte de mandatement et l'obligation de définir a priori des paramètres de coût afin d'assurer que les futures compensations accordées au titre de la mission de service public n'excèdent pas les coûts supportés par le prestataire de services. Le second document donne le cadre juridique applicable, lorsqu'une autorité publique décide d'externaliser la prestation de SSIG. Il précise notamment les conditions de passation de marchés publics : comment certaines exigences concernant la connaissance du contexte local sont admissibles, pour autant qu'elles soient justifiées par des particularités du service à fournir et strictement limitées à l'exécution du marché ; dans quelles circonstances particulières, les autorités publiques peuvent limiter la participation des organismes à but non lucratif aux adjudications de services sociaux.
D'autres documents devraient être publiés dans les mois qui viennent : une communication interprétative sur les partenariats public-privé et une explication des dernières directives sur les marchés publics, entrées en vigueur en 2006 ; « sur la base d'une étude d'impact », une clarification des règles applicables aux concessions ; enfin, « d'ici la fin 2009 », une évaluation et éventuellement une adaptation de la décision « Altmark » sur les aides d'Etat publiques aux services sociaux et de santé d'intérêt général.
La Commission annonce enfin la mise en place d'un service d'assistance « interactif » sur Internet pour répondre aux questions des citoyens, des fournisseurs de services, des autorités publiques et des autres parties prenantes.
L'instance européenne annonce son intention de suivre la mise en oeuvre d'une législation sur les services économiques d'intérêt général (SIEG), mais uniquement secteur par secteur et essentiellement des industries de réseau (énergie, transports, communications électroniques...).
Sur les services sociaux, elle entend surtout défendre la création d'un « cadre communautaire facultatif donnant des orientations quant à la méthodologie à adopter pour définir, suivre et évaluer des normes de qualité » et continuer à soutenir l'échange de bonnes pratiques, via la méthode ouverte de coordination.
Quant à la question des services d'intérêt général de santé, elle devrait être abordée, de façon indirecte, par une proposition de directive sur les soins de santé transfrontières, présentée début décembre par la Commission européenne.
Un rapport sur les SIEG tous les deux ans aura pour vocation d'assurer le suivi de cette communication et de vérifier l'application des principes fixés par le protocole sur les SIG du traité de Lisbonne, une fois celui-ci en vigueur.
(6) Documents SEC 2007/1515 et 1516 disponibles sur Internet uniquement en anglais pour l'instant (la traduction en français est en cours) :