Alors que les années 1996-2002 ont été marquées par une tendance à la diminution de la pauvreté monétaire, la période 2002-2005 se caractérise par une stabilité du phénomène. « Le mouvement de baisse des inégalités de niveau de vie s'essouffle », note l'INSEE dans l'édition 2007 de son traditionnel « portrait social » de la France (1).
L'institut confirme l'augmentation du taux de pauvreté monétaire apparue dans les chiffres publiés discrètement l'été dernier pour l'année 2005 (2). Avec un seuil égal à 60 % de la médiane des niveaux de vie, ce taux passe en un an de 11,7 % à 12,1 %, et revient donc à peu près au niveau de 2002 (12 %). Avec un seuil à 50 %, il évolue de 6,2 % à 6,3 % (contre 5,9 % en 2002). Mais cette « hausse ponctuelle » par rapport à 2004 « ne saurait être interprétée comme une nouvelle tendance », compte tenu de la marge d'incertitude des statistiques, commentent les auteurs. Concrètement, cela représente quand même, selon les standards européens, 7,13 millions de personnes pauvres en France. Parmi les individus d'âge actif, le chômage multiplie par cinq le risque de pauvreté par rapport aux personnes occupées, indique l'institut, qui confirme néanmoins le chiffre de 1,7 million de travailleurs pauvres (3).
Une autre étude s'attache à l'effet des réformes du système de redistribution intervenues entre 1996 et 2006. Le jeu des prélèvements et des prestations réduit de 22 % en moyenne le niveau de vie des 20 % de personnes les plus aisées et fait grimper de 40 % celui des 20 % les plus modestes, calcule l'INSEE. Durant les dix dernières années, l'impact des prélèvements sur la réduction des inégalités a diminué, puisque ceux-ci n'y contribuent plus que pour 42,3 % en 2006, contre 45,8 % en 1996. Cette évolution est liée pour l'essentiel à l'allégement de l'impôt sur le revenu, « l'instrument le plus redistributif du système socio-fiscal », dont le poids dans le revenu disponible est passé de 9,9 % à 6,5 %.
En parallèle, l'effet des prestations s'accentue dans le système redistributif, leur part dans la réduction des inégalités étant passée de 54,2 % en 1996 à 57,7 % en 2006. Ce sont les prestations familiales qui jouent le rôle le plus important (28,2 %), devant les aides au logement locatif (16,1 %) et les minima sociaux (13,4 %). L'impact de ces derniers a grimpé de un point en dix ans. Mais au total, les minima sociaux ne représentent toujours que 1,1 % du revenu disponible.
Au final, la baisse globale des prélèvements a profité davantage aux plus aisés, confirme l'INSEE, alors que les prestations, qui bénéficient aux ménages plus modestes, ont peu évolué.
Au-delà des revenus, les inégalités de patrimoine se sont fortement accrues, du fait notamment de l'envolée de l'immobilier. Les 10 % de Français les plus riches ont vu leur patrimoine s'accroître de 40 % entre 1997 et 2003, tandis qu'il a stagné pour les 10 % les plus modestes.
Par ailleurs, répondant aux recomman-dations du Conseil national de l'information statistique (4), l'INSEE a commencé à rassembler les indicateurs disponibles pour les années 2002 à 2005, afin de mieux prendre la mesure des inégalités, en matière de revenus et de patrimoine, mais aussi d'emploi, d'éducation, de logement, de santé ou de participation à la vie sociale. Ces données sont désormais accessibles sur le site de l'institut (5).
(1) France, portrait social - Edition 2007 - INSEE références - 15 € .
(4) Voir l'interview de son président Jacques Freyssinet dans les ASH n° 2487 du 29-12-06, p. 27.
(5) A l'adresse