Le professeur Joël Ménard, qui préside la commission « Alzheimer » chargée d'élaborer des propositions pour un plan national de lutte couvrant la période 2008-2012, a remis le 8 novembre au président de la République un rapport dans lequel il propose des mesures en faveur de la prise en charge des malades et du soutien aux aidants (1). Les 28 recommandations serviront de base à la concertation avec les professionnels concernés, qui s'achèvera par l'annonce du plan avant la fin de l'année (2). Sans se prononcer sur la question du financement (sur les réactions associatives, voir ce numéro, page 36), la commission évoque « la nécessité d'un choix clair de financement public ». Après avoir remis son rapport, le professeur Ménard a déclaré que le président de la République était d'accord pour débloquer chaque année 50 à 60 millions d'euros pour la recherche.
En matière de prise en charge médicale, la commission recommande la création de consultations mémoire supplémentaires et d'une nouvelle tarification externe hospitalière « bilan Alzheimer » prenant en compte le caractère multiprofessionnel des prestations. Elle se prononce également pour un « forfait Alzheimer » annuel comprenant notamment des jours de formation continue pour le médecin traitant, la participation aux actions de coordination lors de l'évaluation pluridisciplinaire du malade et le remplissage d'un carnet de suivi par tous les professionnels appelés à accompagner le malade à domicile (3).
Autre recommandation : assurer la continuité des soins et répondre aux situations de crise en facilitant l'accès à la filière hospitalière dans tous les cas où une hospitalisation est nécessaire. Mais l'hospitalisation, le plus souvent dans les services d'urgence, étant susceptible d'« entraîner un amoindrissement futur de l'autonomie de la personne », la commission préconise le recours à un service de soins de suite et de réadaptation (SSR) ou une admission en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Jugeant que la plupart des SSR sont aujourd'hui inadaptés pour accueillir des malades d'Alzheimer, la commission se prononce pour une distinction entre SSR polyvalents et SRR spécialisés, tout en réservant des unités spécifiques pour les malades jeunes. Elle suggère par ailleurs la création au sein des EHPAD d'unités de soins et d'activités spécifiques offrant pendant la journée « des activités sociales et thérapeutiques au sein d'un espace de vie spécialement aménagé et bénéficiant d'un environnement rassurant et permettant la déambulation ».
Liant ses travaux à ceux de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, qui évoque la création d'un « droit universel de compensation pour l'autonomie » au 1er janvier 2010 (4), la commission en appelle à une expérimentation dans les départements du droit universel à l'autonomie sans attendre la loi car « le délai nécessaire à la création d'un nouveau droit social ne doit pas être un temps d'attente pour les malades ». Aussi, pour « anticiper l'application du droit universel d'aide à l'autonomie » et pour « mettre fin au désarroi des familles qui ne savent à qui s'adresser », elle recommande la mise en place d'une porte d'entrée unique au niveau départemental par l'expérimentation d'un espace identifié d'accueil, d'écoute et d'évaluation pluridisciplinaire du malade. Elle se dit également favorable à un référent - interlocuteur direct du malade et du médecin traitant - qui coordonne sur le long terme les interventions médicales et sociales, qui exerce sa mission à la fois sur les champs sanitaire et social et dont l'action est continue dans le temps, y compris lors des hospitalisations. Autre proposition : l'« élaboration d'un plan individualisé de soins et de services sur la base d'une évaluation multidisciplinaire et multidimensionnelle » qu'elle envisage comme un « véritable projet de vie ». Réalisée au domicile du patient, si possible en liaison avec le médecin traitant et dans le mois de l'annonce du diagnostic, cette évaluation a pour objectif de faire un bilan des besoins de la personne, dans toutes leurs dimensions, médicale, sociale, au regard de l'habitat, des habitudes de vie, des souhaits de l'entourage... Un volet d'évaluation des besoins des aidants familiaux pourrait également être intégré dans les différents plans d'aide personnalisée.
Rappelant que « rester à domicile est le souhait que les malades expriment dans leur grande majorité », la commission identifie les éléments qui conditionnent son succès : « un accompagnement médico-social par des services adaptés, l'aménagement des logements, la mise à disposition de personnels formés, enfin l'offre de formules de répit pour les aidants ». A ce titre, elle propose de créer une nouvelle compétence d'assistant de soin en gérontologie mais aussi de faciliter et d'encourager l'aménagement et l'adaptation des logements (diagnostic par un psychomotricien ou un ergothérapeute, extension du crédit d'impôt pour des travaux d'équipement de sécurité et de protection...).
La commission relève par ailleurs la nécessité d'apporter un soutien accru aux aidants, dont plus de 70 % passent plus de six heures par jour à prendre en charge le malade, en leur offrant tout d'abord « une palette diversifiée de structures de répit », adaptées aux situations évolutives de la maladie, notamment dans les moments de crise. Au-delà de l'objectif de création de places en accueil de jour et en hébergement temporaire, la commission souhaite l'expérimentation de formules de répit innovantes qui correspondent aux besoins des familles (accueil de nuit, garde à domicile, groupes de parole, gardes itinérantes de nuit...). A l'issue de l'expérimentation seraient créées des plates-formes d'accompagnement et de répit coordonnant et mutualisant les différentes prestations possibles sur un territoire. La commission aborde également les droits et la formation des aidants. « Deux jours de formation par an pourraient être proposés à chaque aidant familial », plaide-t-elle. Elle réclame de surcroît la création d'un statut de l'aidant familial de la personne âgée dépendante qui leur ouvrirait droit aux mesures de soutien destinées aux aidants familiaux.
Enfin, la commission formule des préconisations sur la prise en charge des patients jeunes ainsi que sur la valorisation des compétences et des formations des professionnels de santé. Elle recommande notamment la prise en compte de la technicité des compétences dans les rémunérations et insiste pour une revalorisation salariale indispensable pour attirer et fidéliser des personnels au service de la personne âgée. S'agissant de la recherche, le rapport appelle à « fournir un effort sans précédent ». Il propose notamment la création d'une Fondation de coopération scientifique, « dont l'Inserm serait un élément essentiel », l'inscription de la lutte contre la maladie d'Alzheimer comme priorité de l'Union européenne lors de la présidence française à partir de juillet 2008 et la tenue d'une conférence européenne à l'automne 2008.
(1) Disponible sur
(2) Depuis le 12 novembre, les internautes peuvent également donner leur avis sur un forum Internet, accessible depuis les sites
(3) D'autres configurations, telles que la prise en compte de toute consultation ou acte pour d'autres pathologies que la maladie d'Alzheimer ou la rémunération d'un référent médico-social accompagnant le médecin traitant, n'ont pas été retenues pour des questions de coût, explique la commission.