Pour la première fois depuis sa création en 2006, la Maison de la cohésion sociale - réunissant le Conseil national de l'insertion par l'activité économique (CNIAE), le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées et le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE) - a, le 26 octobre, ouvert ses portes à la presse. L'occasion pour ces trois conseils consultatifs de « rappeler l'intérêt de la Maison de la cohésion sociale et les règles à respecter à son égard », un message qui s'adresse tout particulièrement au gouvernement à qui ils reprochent de ne pas tenir compte de leur expertise. Ce qui conduit, selon eux, à une absence de « croisement entre les savoirs et les pratiques » dans l'élaboration des politiques publiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
Rattachés au Premier ministre, ces trois conseils ont en effet une mission de concertation, d'alerte, d'expertise, de proposition et de suivi des mesures adoptées en la matière. Ils peuvent ainsi, par exemple, être consultés par le Premier ministre sur tous les projets de textes législatifs ou réglementaires et sur les programmes d'action relatifs à l'insertion et à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Et c'est là que le bât blesse ! Ces derniers mois en effet, une myriade de textes ou d'engagements ont été pris, tels que la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (1), celle relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et l'asile (2), ou encore le programme de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale récemment présenté par Martin Hirsch, Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté (3). Des textes au sujet desquels les trois conseils n'ont pas été ou peu - voire tardivement - consultés.
« L'exclusion n'est pas conjoncturelle mais structurelle », ont rappelé les conseils, et est transversale, ce qui entraîne des difficultés en termes de gouvernance et de démocratie. De gouvernance d'une part, car « l'exclusion pose des problèmes spécialisés en termes de travail, de logement, d'éducation... Mais on ne peut pas rester dans la spécialisation », a expliqué Claude Alphandéry, président du CNIAE. De démocratie d'autre part, car il s'agit de prendre en compte « des besoins qu'il faut écouter, qui doivent s'exprimer à tout moment, dans des lieux différents, exprimés par des publics ou des institutions différents », ce qui pose des « problèmes de pilotage », a-t-il ajouté. Dans un tel contexte, les trois conseils estiment que leurs fonctions « sont indispensables au pilotage des politiques publiques » et à une plus grande cohérence de l'action du gouvernement.
L'existence de la Maison de la cohésion sociale se justifie donc, estiment les trois conseils, qui souhaitent que le gouvernement leur attache plus d'importance. Ils « ne prétendent en aucun cas à l'exclusivité » de l'exercice de leurs fonctions auprès de lui, a précisé Bernard Seillier, président du CNLE, mais « souhaitent que leur apport soit mieux utilisé, en particulier en matière de concertation ». L'absence de consultation en amont des experts en matière d'insertion et de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale est « nuisible » à l'efficacité des actions entreprises, au gouvernement et au public visé, ont déploré les conseils. Ces derniers attendent d'ailleurs de pied ferme le « Grenelle de l'insertion » - dont le coup d'envoi devrait avoir lieu les 23 et 24 novembre, à l'occasion des premières rencontres de l'expérimentation sociale -, auquel, à l'heure où nous bouclions ce numéro des ASH, ils n'avaient toujours pas été conviés, à leur grand étonnement... Bien que ce soit « une bonne idée sur le principe [...] il ne faut pas oublier que le CNIAE a déjà une expertise en la matière, un savoir-faire », a insisté Claude Alphandéry, rappelant qu'on ne peut pas se soucier de l'insertion professionnelle « sans la traiter en amont et en aval ». Là encore, ont regretté les trois conseils, il s'agit d'une « démarche ponctuelle » qui doit, pour plus de cohérence, « tenir compte de l'état des savoirs et des positionnements », ont-ils souligné. Elle devrait aussi, pour plus d'efficacité, être « [raccordée] aux travaux de réflexion des conseils et observatoires, selon le champ qui sera défini pour ce «Grenelle» » et faire l'objet d'un « suivi à travers ces organismes permanents de concertation et de mise en cohérence que sont les conseils ».
(1) Voir notamment ASH n° 2496 du 2-03-07, p. 21 et n° 2519 du 24-08-07, p. 22.
(2) Cette la loi a été adoptée par le Parlement le 23 octobre dernier mais fait l'objet d'un recours devant le Conseil constitutionnel - Voir ASH n° 2528 du 26-10-07, p. 5 et ce numéro, p. 14.