«Appliquée de manière encore trop restrictive », la loi « Borloo » du 1er août 2003 - qui a réformé le traitement du surendettement des particuliers et a notamment instauré la procédure dite « de rétablissement personnel » (PRP) en vue d'offrir une « seconde chance » aux débiteurs les plus fragiles (1) n'a pas enrayé le phénomène du surendettement. Tel est le constat dressé par le Conseil économique et social (CES) dans un projet d'avis et un rapport qui devaient être adoptés le 24 octobre (2). Le nombre de dossiers déposés auprès des commissions de surendettement est ainsi passé de 165 500 en 2003 à 184 866 en 2006. Et la tendance se poursuit cette année. Une augmentation d'autant plus inquiétante qu'elle reflète « le plus souvent des situations de précarité et de pauvreté où le recours au crédit est devenu un moyen de combler l'insuffisance structurelle de ressources », explique Pierrette Crosemarie (CGT), rapporteure au nom de la section des finances. Face à cette situation, le CES avance un certain nombre de pistes pour renforcer la prévention mais aussi et surtout pour améliorer le traitement du surendettement.
L'instance souhaite ainsi que l'information des personnes qui déposent un dossier auprès de la Banque de France soit la plus complète possible, compréhensible par tout public et éclairante sur les droits et obligations de la personne, car le dépôt d'un dossier n'interrompt ni les paiements dus ni les poursuites. A cet égard, le CES préconise la suspension des procédures d'exécution dès la décision de recevabilité du dossier par la commission, afin de protéger la personne des créanciers indélicats. Il estime par ailleurs positif l'apport - prévu par la loi Borloo - d'un juriste et d'un conseiller en économie sociale et familiale à l'instruction des dossiers et à la participation aux réunions de la commission mais demande, pour que cette participation soit effective, que les moyens financiers soient dégagés par l'Etat pour assurer leur rémunération.
L'accès à la procédure de traitement du surendettement est conditionné à la bonne foi du débiteur. Problème : il existe des divergences sur le moment où la bonne foi doit être appréciée. Certains juges estiment qu'elle doit l'être lors de la conclusion des ou du contrat(s) de crédit, d'autres au moment du dépôt du dossier en commission, le CES soutenant cette seconde option.
L'instance rappelle encore quelques priorités à respecter dans le traitement des dossiers et notamment le maintien du débiteur dans son logement. Pour elle, « lorsqu'il est propriétaire, une étude complémentaire du dossier doit être menée afin de mieux cerner l'endettement ». Et la vente de la résidence principale ne doit être envisagée que si « elle n'entraîne pas une détérioration de la situation financière du débiteur » et « s'accompagne de mesures évitant la dégradation de la situation familiale ».
Le CES s'arrête aussi sur un des moments importants de l'instruction d'un dossier : la détermination du reste à vivre (3). L'instance met en garde contre un calcul trop strict de cette somme, pointant le risque que ce minimum vital s'avère ensuite insuffisant au moindre imprévu et remette en cause les modalités de règlement des dettes. Elle considère que « les minima sociaux ne peuvent constituer la seule référence pour des plans dont la durée peut atteindre dix années » et demande que les règles de calcul soient « adaptées aux différentes situations afin que les plans de redressement soient viables et pérennes ».
S'agissant plus spécifiquement de la procédure de rétablissement personnel (PRP), le CES rappelle que la personne éligible à cette procédure doit se trouver dans une « situation irrémédiablement compromise », situation correspondant à l'impossibilité manifeste de mettre en oeuvre les procédures de traitement classiques. Or « sont, de fait, orientées en PRP les personnes âgées de plus de 50 ans, les personnes présentant un handicap ou étant en congé de longue maladie sans capacité de remboursement, les personnes ayant déjà bénéficié de moratoires dont la situation n'a pas évolué favorablement et les re-dépôts de dossiers à capacité de remboursement négative », constate l'instance. « Cette pratique a conduit à refuser le plus souvent le bénéfice de la procédure aux personnes jeunes avec ou sans qualification, quelle que soit leur situation familiale », en contradiction avec l'esprit de la loi Borloo. Le CES souhaite par conséquent que la procédure soit davantage proposée en dehors de toute considération d'âge.
Il estime enfin indispensable que des réunions de concertation se tiennent régulièrement entre les responsables des secrétariats des commissions et les juges pour tendre à l'harmonisation des pratiques et permettre une information fiable des justiciables.
Au chapitre de la prévention, le projet d'avis propose notamment de remonter de 21 500 € à 50 000 € le seuil au-dessous duquel s'appliquent les dispositions protectrices en matière de crédit à la consommation ou encore de renforcer l'encadrement du crédit « revolving » (4), « dont la forme est inadaptée aux ménages fragiles ». Le CES fait l'éloge parallèlement du micro-crédit social, qui constitue selon lui une alternative à ce type de crédit. L'instance recommande donc la poursuite des expérimentations en la matière ainsi que l'étude d'une labellisation à partir des « bonnes pratiques » mises en oeuvre.
(2) Rapport disponible sur le site
(3) C'est-à-dire la somme qui va rester au demandeur pour faire face aux dépenses de la vie courante lorsque seront mises en place les mesures décidées.
(4) Facile d'accès, ce type de crédit à faibles mensualités mais à fort taux d'intérêt consiste dans la mise à disposition d'un compte permanent. L'emprunteur y est moins protégé que dans le cadre d'un crédit classique.