La loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté a été définitivement adoptée le 18 octobre après un vote conforme des sénateurs du texte déjà approuvé le mois dernier par les députés. Rappelons que cette initiative permet à la France de se conformer au protocole facultatif de la convention des Nations unies contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qu'elle a signé le 16 septembre 2005. Un décret précisera ultérieurement les conditions d'application de ces nouvelles dispositions, qui devraient entrer en vigueur en 2008.
« Sans préjudice des prérogatives que la loi attribue aux autorités judiciaires ou juridictionnelles », le contrôleur général est chargé de contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté afin de s'assurer du respect des droits fondamentaux dont elles demeurent titulaires. Il peut, par exemple, intervenir dans les établissements pénitentiaires, les centres hospitaliers spécialisés, les centres éducatifs fermés, les locaux de garde à vue, les centres de rétention administrative ou les zones d'attente.
Le contrôleur général est nommé pour six ans, non renouvelables, en raison de ses compétences et connaissances professionnelles, par un décret du président de la République. Afin d'assurer son indépendance, la loi précise que ses fonctions sont incompatibles avec tout autre emploi public, activité professionnelle ou mandat électif, et lui garantit l'immunité judiciaire. Il est assisté de contrôleurs, qui doivent, eux aussi, justifier de compétences dans les domaines se rapportant à leur mission mais aussi « présenter toutes les garanties d'indépendance pour éviter tout conflit d'intérêt », a souligné Philippe Goujon, rapporteur de la loi à l'Assemblée nationale. Dans ce cadre, la loi stipule que leurs fonctions sont incompatibles avec l'exercice d'activités en relation avec les lieux contrôlés. Quoi qu'il en soit, tous sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont connaissance, sous réserve des éléments nécessaires à l'établissement des rapports, recommandations et avis émis par le contrôleur général (1). Au-delà, il peut proposer au gouvernement toute modification législative ou réglementaire et, chaque année, il remettra un rapport d'activité au président de la République et au Parlement.
Peuvent saisir le contrôleur général les personnes physiques - y compris les personnes privées de liberté -, les personnes morales s'étant donné pour objet le respect des droits fondamentaux (2), le Premier ministre, les membres du gouvernement et du Parlement, le médiateur de la République, le défenseur des enfants, ainsi que les présidents de la Commission nationale de déontologie de la sécurité et de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Le contrôleur général peut aussi s'autosaisir.
Une enveloppe de 2,5 millions d'euros devrait être prévue dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008 (3) afin de permettre au contrôleur général, dans un premier temps, de « recruter [...] une vingtaine de contrôleurs et de bénéficier de locaux propres à les accueillir », avait alors indiqué la ministre de la Justice au Sénat.
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté peut visiter à tout moment tout lieu où des personnes sont privées de leur liberté. Le principe des visites inopinées a donc finalement été retenu afin de lui permettre « de se rendre à l'improviste dans les lieux de privation de liberté et de percevoir la réalité des conditions de détention sans suspicion de visite arrangée », explique Philippe Goujon. Les autorités responsables du lieu visité ne peuvent s'y opposer que pour des « motifs graves et impérieux » liés à à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles sérieux dans le lieu visité (4), sous réserve toutefois de fournir au contrôleur général les justifications de leur opposition. Elles proposent alors le report de la visite et informent le contrôleur dès que les circonstances exceptionnelles l'ayant motivé ont cessé.
Pour l'exercice de sa mission, le contrôleur général obtient des autorités responsables de ces lieux toute information ou pièce utile, leur caractère secret ne pouvant lui être opposé, sauf si leur divulgation est susceptible de porter atteinte au secret de la défense nationale, à la sûreté de l'Etat, au secret de l'enquête et de l'instruction, au secret médical ou au secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client. Lors de ses visites, il peut également s'entretenir, dans des conditions assurant la confidentialité des échanges, avec toute personne dont le concours lui paraît nécessaire. A l'issue de chaque visite, le contrôleur général fait connaître aux ministres intéressés ses observations concernant en particulier l'état, l'organisation ou le fonctionnement du lieu visité, ainsi que la condition des personnes privées de liberté. Les ministres formulent à leur tour des observations en réponse - annexées au rapport de visite établi par le contrôleur général - chaque fois qu'ils le jugent utile ou lorsque le contrôleur général l'a expressément demandé.
A noter : la loi a prévu une procédure d'urgence, permettant au contrôleur général de communiquer sans délai aux autorités compétentes ses observations s'il constate une violation grave des droits fondamentaux d'une personne privée de liberté. Il leur impartit alors un délai pour y répondre, à l'issue duquel il vérifie s'il a été mis fin à la violation signalée (5). Par ailleurs, si le contrôleur général a connaissance de faits laissant présumer l'existence d'une infraction pénale, il les porte sans délai à la connaissance du procureur de la République. De même, il informe sans attendre les autorités ou les personnes investies du pouvoir disciplinaire des faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.
(1) Après en avoir informé les autorités responsables, il peut rendre publics ces avis, recommandations ou propositions, ainsi que les observations de ces autorités.
(2) Cette catégorie doit être entendue largement et comprend notamment toutes les associations qui veillent au respect des droits des personnes et de leur dignité, les barreaux, ainsi que les syndicats.
(3) Le texte est actuellement en cours de discussion à l'Assemblée nationale.
(4) Tel serait le cas, par exemple, en cas de mutinerie ou de refus de retour de promenade dans les établissements pénitentiaires.
(5) S'il l'estime nécessaire, il rend alors immédiatement public le contenu de ses observations et des réponses reçues.