Les recommandations du jury de la conférence de consensus sur la diversité sociale dans l'habitat (1), qui s'est tenue le 19 juin dernier sous l'égide de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et en liaison avec le Conseil national de l'habitat, ont été remises le 23 octobre à Christine Boutin (2). Elles s'articulent autour de quatre axes principaux.
Le jury propose tout d'abord d'augmenter l'offre de logements accessible en la diversifiant, ce qui passe, entre autres, par le « développement de politiques «acquisition-amélioration» [...], qui ne sont possibles que dans le cadre d'une volonté commune des bailleurs, des pouvoirs publics nationaux et locaux et des financeurs ». En outre, la construction de logements dans les secteurs urbains de forte attractivité pourrait être stimulée par le « développement de démarches tendant à conditionner l'implantation d'activités économiques à un effort immobilier tourné vers le logement social ». Par ailleurs, afin d'anticiper la croissance de nouveaux besoins, le jury estime qu'il faut « aider et promouvoir [...] le développement d'expérimentations qui prennent en compte le choix ou les contraintes individuelles dans l'accès au logement », telles que les problèmes de santé ou de dépendance, la prise en charge des personnes handicapées physiques ou mentales, ou encore des familles monoparentales.
Mais surtout, et contrairement à la volonté du gouvernement (3), « dans le contexte actuel de pénurie de logements, notamment sociaux, le développement de l'accession à la propriété du parc social - au-delà de ce qui est déjà permis par les textes - est contre-indiqué », insiste le jury. Cette accession n'est en effet souhaitable, selon lui, que « lorsqu'elle est elle-même créatrice de diversité sociale dans le quartier », la vente de logements sociaux devant donc être « réservée aux quartiers où la propriété est rare, pour y introduire de la diversité ». En outre, poursuit-il, si l'on réserve les logements sociaux existants aux locataires et aux demandeurs, il est aussi « nécessaire de favoriser l'accès à la propriété dans le privé des actuels occupants de logements sociaux qui sont en situation de le faire pour libérer des logements ». Il convient alors de « développer parallèlement à la construction de logements sociaux la vente de logements neufs en accession à la propriété ».
Autre recommandation : « mieux articuler les politiques sociales et économiques au service de la diversité ». Dans ce cadre, le jury suggère avant tout d'accorder le droit de vote aux élections municipales pour tous les étrangers installés en France depuis plusieurs années. Objectif : « renforcer le sentiment d'appartenance des habitants à la communauté que constitue leur ville ».
Au-delà, le jury préconise également de mobiliser le secteur privé : « plus qu'une incitation à la pierre, c'est une incitation à l'engagement du bailleur qu'il faut développer ». Ainsi, pourrait être envisagée la « défiscalisation d'une partie des revenus locatifs à destination de ceux qui pratiqueraient des loyers sensiblement inférieurs au prix du marché à destination de locataires sous plafond de ressources ».
Enfin, le jury propose d'améliorer la procédure d'attribution des logements sociaux et la gestion du parc. En effet, « clarifier et mieux encadrer la procédure d'attribution doit permettre de donner plus de souplesse à la commission [d'attribution de logements sociaux] et de mieux en faire accepter les décisions par les demandeurs ». Le rapport préconise ainsi d'« élargir la composition de la commission en donnant une voix délibérative - et non plus uniquement consultative - aux associations intermédiaires et relais, ainsi qu'au représentant de l'Etat ». Dans un souci de transparence de la procédure, le jury suggère aussi que les autorités publiques énoncent des « critères clairs et assumés de priorité d'affectation », à charge pour la commission de les mettre en oeuvre. A cet égard, pourraient être généralisées les chartes locales d'attribution, « qui expliciteraient - contrairement à la pratique actuelle - aux demandeurs, à qui elles seraient transmises en amont de la procédure [...], la politique de logement social telle qu'elle est énoncée au niveau national (rappel des lois et règlements) et déclinée localement en fonction de considérations clairement indiquées ». Pour améliorer la fluidité de la gestion des logements, le jury propose par ailleurs d'inciter « à l'échange dans des cas particuliers où l'adéquation du logement aux besoins des ménages fait défaut ». Il peut en effet être souhaitable, souligne le jury, de libérer ces logements pour les attribuer aux familles auxquelles ils seraient plus adaptés. Pourraient alors être envisagées en faveur de ces locataires « une aide au déménagement ou une prime de départ proportionnelle, par exemple au nombre de m2 ou de pièces libérées ». Quoi qu'il en soit, « il est impératif de limiter l'effet à la hausse des loyers de relocation », estime le jury.
A noter : d'une façon générale, le jury recommande aux pouvoirs publics de « se garder d'un trop grand activisme normatif » en matière de politique du logement, la stabilité des règles dans ce domaine étant ici « essentielle » et d'« améliorer la connaissance statistique des problèmes rencontrés dans les attributions de logement au regard de la lutte contre les discriminations ».
(1) Ce jury était composé notamment d'élus, d'associations, de représentants des agences immobilières, de la HALDE, du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées et de professionnels de l'habitat.
(2) Disponibles sur