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L'Etat doit se donner les moyens de tenir les échéances fixées par la loi, réclame le comité de suivi du DALO

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Si elle produira forcément des effets, la loi du 5 mars 2007 (1) « n'est pas, pour autant, l'aboutissement de la réforme que constitue le droit au logement opposable ». Dans son premier rapport remis le 15 octobre au président de la République (2), le comité de suivi de la mise en oeuvre du droit au logement opposable (DALO) ne se penche pas sur la mécanique de l'opposabilité, qui instaure pour l'Etat une obligation de résultat, mais sur les moyens à réunir pour relever ce défi. L'instance, pilotée par le président du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, Xavier Emmanuelli, formule 37 propositions articulées autour de « six enjeux majeurs pour l'action publique ». Les trois premiers sont liés aux échéances fixées par la loi, les trois autres, « transversaux », à l'ensemble de la politique du logement. « Nous avons 14 mois pour être créatifs, inventifs », a assuré Christine Boutin, ministre du Logement, après la remise du rapport, admettant « un petit bug » pour la mise en oeuvre de la première partie de la loi, selon laquelle 500 000 logements devraient être créés d'ici à la fin 2008.

Premier enjeu : « tenir l'échéance du 1er janvier 2008 », date à laquelle les commissions de médiation devront être installées, alors qu'elles sont encore inexistantes dans environ un quart des départements. Dans cette perspective, les services de l'Etat ont besoin de moyens : les commissions de médiation devraient disposer d'équipes ad hoc pour traiter, instruire et suivre les demandes dans les délais fixés, préconise le rapport, qui demande qu'un service dédié à la gestion du contingent préfectoral soit créé dans les préfectures. Au-delà de la rédaction des textes d'application, l'administration centrale « doit être en mesure d'exercer un rôle permanent d'animation et de soutien auprès de l'administration déconcentrée », estime par ailleurs le comité. D'où la proposition de créer une équipe nationale d'appui et d'établir un tableau de bord des commissions de médiation, qui serait une « source d'information privilégiée pour le pilotage du dispositif, tant au niveau local que national ».

Deuxième échéance : celle du 1er décembre 2008, date à laquelle le recours contentieux sera possible pour les ménages prioritaires. Leur nombre pouvant atteindre 600 000 - soit 1,7 million de personnes -, à comparer aux 60 000 à 65 000 logements attribués actuellement au titre du contingent préfectoral, il existe « un risque important, sur les territoires tendus, que les préfets ne puissent pas honorer toutes les demandes orientées par les commissions de médiation ». Pour l'éviter, « il importe d'abord que l'ensemble des outils permettant de prévenir les situations de non-logement ou de mal-logement, ou de les traiter autrement que par le relogement, soient correctement mobilisés ». Les dispositifs de traitement de l'habitat indigne en font partie : le maintien dans les lieux avec réalisation de travaux et le relogement à la charge du propriétaire dans les cas prévus par la loi devraient être privilégiés, ce qui nécessite d'y affecter les moyens budgétaires nécessaires. Pour tenir compte de la situation des propriétaires impécunieux qui ne sont pas en capacité de résoudre une situation d'insalubrité ou des locataires de logements indignes, le comité préconise de modifier la loi afin que ces ménages puissent être autorisés à exercer un recours auprès de la commission de médiation, sans faire de demande de logement social. Autre levier pour réduire la demande de relogement : assurer le bon fonctionnement des dispositifs de prévention des expulsions (environ 100 000 jugements chaque année). En la matière, les préconisations ne manquent pas : renforcer le pouvoir solvabilisateur des aides à la personne, mieux coordonner les actions de prévention des expulsions par la mise en place des commissions de concertation locales prévues par la loi « portant engagement national pour le logement », donner au préfet la possibilité de saisir un organisme tiers pour assurer le maintien dans les lieux de ménages expulsés ou menacés d'expulsion en reprenant à bail leur logement... Afin que le relogement des ménages prioritaires soit effectif, le rapport suggère plusieurs pistes pour mobiliser les logements privés conventionnés ouvrant droit à réservation. Il demande, notamment, une majoration du taux de déduction fiscale pour les logements très sociaux et l'ouverture de la garantie des risques locatifs aux organismes pratiquant la location/sous-location. Alors que le conventionnement permettant un bail direct au ménage n'est possible qu'avec les logements « PST » (très sociaux), le comité propose de l'élargir à tous les logements privés conventionnés à l'aide personnalisée au logement (APL).

Troisième échéance fixée par la loi : le 1er janvier 2012, date à laquelle les possibilités de recours contentieux seront étendues à tous les demandeurs n'ayant pas obtenu de proposition dans des délais anormalement longs. Ce qui implique pour l'Etat, préconise le comité, d'agir sur trois fronts. Pour commencer, « développer les outils de connaissance partagée des besoins », en accompagnant le développement d'observatoires des besoins de logement et d'hébergement. Un cahier des charges national des données minimales à recueillir à travers le numéro unique devrait être établi et la gestion commune de la demande, encouragée. L'Etat devrait également créer les conditions « d'une politique de l'offre adaptée aux besoins », ce qui renvoie à l'articulation de ses responsabilités avec celles des collectivités territoriales. Dans cette perspective, suggère le rapport, les plans départementaux d'action pour le relogement des personnes défavorisées (PDALPD) devraient être adaptés aux besoins révélés par le DALO. Le programme local de l'habitat (PLH) devrait, quant à lui, constituer « le document de référence intégrant les arbitrages qu'exige le droit au logement ». Autre proposition : permettre à l'Etat d'exercer un droit de préemption urbain sur les territoires en déficit de logements sociaux. Le comité émet aussi plusieurs préconisations pour lever les freins au développement quantitatif du parc social, parmi lesquelles la déclinaison des objectifs de la loi DALO (20 000 logements en 2007) au niveau départemental et la sécurisation financière des maîtres d'ouvrage sociaux spécialisés (associations et unions d'économie sociale).

S'agissant des enjeux « transversaux », le rapport suggère de mieux articuler les politiques d'hébergement, de logement et d'accompagnement. Les critères justifiant une orientation ou un maintien dans l'hébergement devraient être clarifiés et la décision des commissions de médiation devrait s'appuyer sur une « réelle expertise sociale », estime le rapport. Par ailleurs, le comité demande une clarification de la définition du logement de transition, qui s'est beaucoup développé et diversifié ces dernières années. Le secteur de l'hébergement social « doit être lui aussi adapté qualitativement et quantitativement et être utilisé comme un relais vers le logement et non comme un substitut », souligne encore le comité. Il propose à cet effet que soit réalisée, d'ici à la fin de l'année 2007 et sur l'ensemble du territoire, « une évaluation partagée des besoins d'hébergement prenant en compte les obligations définies par la loi DALO ». Les schémas départementaux de l'accueil et de l'hébergement et de l'insertion devraient, en outre, être « réactivés » et fondus avec les schémas départementaux de l'hébergement d'urgence, remis à l'ordre du jour par la loi DALO et rarement réalisés. Autre impératif : sécuriser le secteur par la contractualisation des objectifs entre l'Etat, les opérateurs et les collectivités territoriales. Les associations devraient quant à elles être sécurisées par des conventions pluriannuelles et le statut de centre d'hébergement et de réinsertion sociale devrait être appliqué à toutes les structures d'hébergement. De « petites structures médico-sociales pour accueillir les grands exclus » devraient par ailleurs être créées, recommande le rapport.

L'accompagnement social des ménages relogés sera en outre souvent « souhaitable, voire indispensable ». Mais les moyens de cet accompagnement n'incombant pas à l'Etat, le rapport préconise que ce dernier élabore avec l'Assemblée des départements de France un accord-cadre « qui renforcerait leurs efforts respectifs en matière de traitement social de l'accès et du maintien dans le logement ». L'Etat devrait, de son côté, rétablir dans son budget une ligne de financement de la médiation locative, de la gestion locative sociale et de l'accompagnement.

L'instance préconise par ailleurs de promouvoir la mixité sociale, qui pourrait être menacée par l'application de la loi DALO dans un contexte de pénurie. Pour éviter ce risque, elle propose que l'ensemble du parc locatif social - et pas seulement les logements financés en prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI), soit mobilisé - et suggère de mandater des organismes pour réaliser des logements sociaux sur le territoire des communes ayant fait l'objet d'un constat de carence dans l'application de l'article 55 de la loi SRU. Elle propose également de « prendre une mesure d'accompagnement financier en faveur des communes qui réalisent du logement social ».

Dernier enjeu : prendre en compte la spécificité de l'Ile-de-France. Une autorité organisatrice du logement et responsable de sa mise en oeuvre devrait, selon le comité, y être créée. Il lui incomberait d'arrêter des objectifs de construction dans un programme régional de l'habitat, territorialisé par commune. Elle disposerait d'un droit de préemption pour les mettre en oeuvre. Enfin, il faut surtout arrêter un « plan Marshall » assorti de moyens exceptionnels : nomination d'un « préfet logement », création d'un comité de pilotage du DALO sous l'autorité du ministère du Logement, lancement d'un plan d'urgence de production de logements sociaux pour les cinq ans à venir (de l'ordre de 30 000 par an), création d'une commission de médiation régionale et mise en place d'une coordination des numéros départementaux d'enregistrement des demandes de logements sociaux.

Notes

(1) Voir ASH n° 2496 du 2-03-07, p. 21.

(2) Franchir les étapes pour rendre effectif le droit au logement opposable . Premier rapport annuel du comité de suivi de la mise en oeuvre du droit au logement opposable - Octobre 2007 - Prochainement disponible sur www.hclpd.gouv.fr.

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