Recevoir la newsletter

« Permettre les continuités en placement familial »

Article réservé aux abonnés

Comment les jeunes vivent-ils leur placement en famille d'accueil et parviennent-ils à acquérir un sentiment de continuité ? Une recherche effectuée pour l'Association nationale des placements familiaux (ANPF) les a interrogés. Laure Ysos, psychologue et pilote de l'étude, commente ses conclusions.
Pourquoi cette recherche ?

Si les ruptures et discontinuités font partie du quotidien de chaque enfant, elles sont encore plus prégnantes chez ceux qui sont placés en famille d'accueil. Qu'est-ce qui fait qu'à un moment donné, elles peuvent être dépassées ou poser problème ? C'est ce que nous avons voulu examiner en partant, et c'est l'originalité de notre travail, du point de vue des personnes accueillies (1). Nous avons interrogé 11 garçons et filles, âgés de 10 à 21 ans, placés pour la majorité depuis plus de 10 ans en familles d'accueil.

Comment ces jeunes jugent-ils leur famille d'accueil ?

Tous s'estiment satisfaits. 25 % des jeunes éprouvent un sentiment d'affiliation à leur famille d'accueil, sachant que cinq des personnes interrogées n'en ont connu qu'une. Les autres évoquent des raisons extérieures : la personnalité de l'assistant familial, le contexte de vie, les méthodes éducatives ; ils sont, comme ils disent, « bien tombés ». On peut voir, dans ce sentiment de satisfaction générale, la qualité des projets de placement. Il apparaît aussi que les jeunes ont compris, avec le temps, qu'ils devaient s'adapter. Beaucoup disent ainsi préférer leur famille d'accueil actuelle, comme s'ils cherchaient à rationaliser pour ne pas aller à l'encontre de la situation présente et faciliter les choses. Cela ne les empêche pas néanmoins de vivre douloureusement tout changement de famille d'accueil, synonyme de perte de repères.

La question de leur place dans la famille d'accueil ne se pose donc pas ?

Elle ne se pose pas pour ceux qui n'ont connu qu'une famille d'accueil. En revanche, les autres ne sont pas assurés de cette place ou pensent qu'ils ne l'auront que s'ils font ce qu'il faut. En effet, la majorité des jeunes présentent l'accueil comme conditionnel. Ils craignent d'être rejetés s'ils ne satisfont pas à ses conditions, comme s'ils avaient un devoir par rapport aux accueillants. Cette représentation nous interroge quant à ses effets sur la construction identitaire, mais aussi sur le sens du placement familial : qu'est-ce qu'on rejoue de l'histoire personnelle du jeune, souvent culpabilisé à l'égard de ses parents maltraitants, lorsqu'il pense qu'il sera rejeté si ses comportements ne sont pas acceptables ?

Les jeunes manifestent une certaine distance avec leur éducateur...

Ils ont plusieurs représentations de leur éducateur référent. Ils le considèrent d'abord comme une personne censée les aider, mais avec laquelle ils ont un « devoir de parole ». Ce qui renvoie à la qualité de la relation éducative - et au fréquent manque de temps des éducateurs : ces adolescents, qui ont dû souvent confier leur histoire à des personnes différentes, ont pourtant besoin d'apprendre à faire la part entre ce qui peut être dit librement et ce qui relève de l'intime. L'éducateur est ensuite appréhendé dans sa fonction administrative : c'est celui vers qui l'on se tourne lorsqu'on a besoin d'avoir des autorisations. Un aspect fonctionnel, qui inscrit paradoxalement la relation éducative dans une continuité. Enfin, pour les jeunes en fin d'adolescence, l'éducateur est perçu comme quelqu'un qui les a aidés à élaborer leur histoire personnelle et familiale. Trois représentations qui montrent bien que ce professionnel ne se situe pas dans l'affectif mais dans la distanciation, et que son travail s'inscrit dans le long terme.

Que retenez-vous de la recherche ?

Elle met en évidence plusieurs processus transversaux. Notamment l'importance chez les jeunes du sentiment d'appartenance à un groupe. L'affiliation, qu'elle qu'en soit la source - familles naturelle ou d'accueil, amis -, leur permet de s'adapter. Il faut aussi prendre en compte le sentiment des jeunes de contrôler leur vie : le manque d'explication de certains changements ou leur non-adhésion au projet peut entraîner certains refoulements. Par ailleurs, ces publics ont des modes d'attachement insécures, qui les amènent à craindre le rejet de leur famille d'accueil. Mais ils sont aussi en mesure d'identifier un proche comme personne-ressource, ce qui est un effet direct du dispositif d'accueil familial. Il serait donc intéressant de réévaluer, en fonction des étapes du placement, les profils d'attachement de ces jeunes. Enfin, il ne faut pas sous-estimer l'importance de la durée des expériences - familles d'accueil, relais... - proposées aux adolescents car elle a un impact direct sur leurs modes d'adaptation. Ou encore l'intérêt pour les institutions de garder des traces exhaustives de l'histoire de ces jeunes, souvent seuls dépositaires du travail engagé ou d'un vécu parfois très lourd.

Notes

(1) « Qu'est-ce qui fait continuité en placement familial ? » - Recherche disponible à l'ANPF : 63, rue de Provence - 75009 Paris - Tél. 01 42 80 21 21 - anpf@anpf.net.

Questions à

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur