Face à l'inflation des mesures de protection juridique et à la complexité des différents statuts des personnes qui interviennent auprès des majeurs protégés, la loi du 5 mars 2007 réformant la protection juridique des majeurs cherche à rationaliser le secteur intervenant auprès des majeurs vulnérables.
Pour ce faire, elle instaure tout d'abord, dans un souci d'harmonisation, un nouveau statut de « mandataire judiciaire à la protection des majeurs ». De fait, le secteur de la gestion des mesures de protection des majeurs est marqué par le caractère hétérogène des différents intervenants. En effet, « certains services tutélaires sont rattachés à des organismes de la sécurité sociale, d'autres relèvent de personnes morales (le plus souvent d'associations ou de fondations), d'établissements de santé ou d'hébergement social ; de même, la profession comporte des personnes physiques exerçant soit pour leur propre compte (notaires ou gérants de tutelle privée), soit pour celui d'établissements sanitaires ou sociaux dont elles sont les préposées » (Rap. A.N. n° 3557, janvier 2007, Blessig, page 57).
Puis, à compter du 1er janvier 2009, des exigences communes en matière de qualification et de profil de ces mandataires seront posées. Ces nouvelles règles ne s'appliqueront toutefois qu'aux professionnels, et non aux membres de la famille ou aux proches qui prennent en charge une mesure de protection juridique. Pour eux, la loi du 5 mars 2007 a prévu qu'ils pourront bénéficier, à leur demande, d'une information qui leur sera dispensée dans des conditions qui doivent encore être définies par décret (code de l'action sociale et des familles [CASF], art. L. 215-4 nouveau).
En outre, le secteur mettant en oeuvre des mesures juridiques, tant de protection (sauvegarde de justice avec mandat spécial, curatelle, tutelle, voire mandat de protection future) que d'accompagnement (accompagnement judiciaire), sera réorganisé à compter du 1er janvier 2009, un délai transitoire étant prévu après cette date pour les structures existantes. Les services mettant en oeuvre de telles mesures feront leur entrée dans le secteur social et médico-social avec, comme répercussion, la reconnaissance de nouveaux droits pour les usagers. Quant aux personnes physiques, elles devront être agréées si elles interviennent à titre individuel ou déclarées si elles agissent en qualité de préposé d'un établissement dans lequel la personne protégée est hébergée. En tout état de cause, pour exercer leurs missions, services comme personnes physiques devront figurer sur une liste établie au niveau départemental.
Pour finir, l'ensemble du dispositif est assorti d'un arsenal de sanctions en cas de non-respect des règles d'exercice de la profession.
Parallèlement, la loi du 5 mars 2007 renouvelle en profondeur le mode de financement de ce secteur, tant en ce qui concerne les mesures judiciaires ou conventionnelles de protection que la mesure d'accompagnement judiciaire. Ainsi, à compter du 1er janvier 2009, le principe de la participation des intéressés en fonction de leurs ressources sera généralisé. Actuellement, aucun prélèvement sur les ressources des majeurs protégés n'est prévu dans le cas de la tutelle aux prestations sociales adultes (TPSA) qui est à la charge des organismes débiteurs des prestations sociales en question (caisses d'allocations familiales...). Conséquence : les TPSA sont apparues parfois fortement attractives par rapport aux mesures de protection prévues par le code civil. « Cette situation peut conduire le juge à ordonner des «doubles-mesures» - pratique qui consiste à doubler une tutelle ou curatelle par une TPSA -, aboutissant ainsi à une prise en charge indue par les organismes débiteurs des prestations sociales concernées » (Rap. Sén. n° 212, février 2007, de Richemont, page 275). A l'avenir, il en ira autrement pour les mesures d'accompagnement social personnalisé et d'accompagnement judiciaire, qui succèdent à la TPSA (1) ainsi que pour toutes les mesures de protection juridique.
Par ailleurs, le principe de la subsidiarité du financement public est réaffirmé. Autrement dit, le prélèvement sur les ressources des majeurs protégés de tout ou partie du financement de leur protection juridique va devenir primordial, même si le niveau de leurs ressources est pris en considération pour apprécier concrètement la charge financière supportée à titre personnel.
Enfin, « la nouveauté la plus significative réside dans le passage d'un système de financement public indexé sur le nombre de mesures à un financement globalisé, dont le versement restera mensualisé mais dépendra d'indicateurs d'activité et de qualité de service rendu » (Rap. A.N. n° 3557, janvier 2007, Blessig, page 58). Cette démarche doit, selon le rapporteur de la loi à l'Assemblée nationale, Emile Blessig, favoriser le contrôle des fonds accordés tout en garantissant une meilleure allocation des moyens. Le législateur met ainsi fin, à compter du 1er janvier 2009, au mécanisme du « mois-mesure » fortement critiqué, notamment par le rapport Favard, en 2000, ou celui de la direction générale de l'action sociale sur le financement de la réforme du système, en 2003. Avec ce mécanisme, qui concerne les services ou personnes morales chargés des activités tutélaires, les « compensations financières [sont attribuées] en fonction du nombre de mesures de protection qu'ils gèrent ». Dès lors, ce dispositif privilégie « la quantité des dossiers suivis et non la manière selon laquelle ils sont traités. En cela, il incite à «faire du chiffre» au lieu de s'intéresser à l'accompagnement humain et juridique de personnes fragiles » (Rap. A.N. n° 3557, janvier 2007, Blessig, page 62).
La loi du 5 mars 2007 met en place, à compter du 1er janvier 2009, un nouveau statut de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, appellation qui recouvrira l'ensemble des opérateurs tutélaires actuels.
Parallèlement, elle encadre le secteur en intégrant, notamment, les services mettant en oeuvre des mesures de protection ou d'accompagnement des majeurs protégés dans le champ médico-social. Elle accorde toutefois un certain délai, à partir du 1er janvier 2009, aux opérateurs pour s'y conformer.
En outre, plusieurs dispositions tendent à assurer le respect, par le mandataire judiciaire, des droits de la personne protégée.
Enfin, la loi clarifie le régime de responsabilité civile des différents intervenants et prévoit un dispositif de sanctions pénales pour encadrer le secteur.
A compter du 1er janvier 2009, sera instaurée une profession unifiée, celle de « mandataire judiciaire à la protection des majeurs ». C'est en effet à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, qui pourra être une personne physique ou morale, voire un « service » non doté de la personnalité juridique, que le juge des tutelles devra confier l'exercice de la mesure de protection ou d'accompagnement judiciaire prononcée, lorsque aucun membre de la famille ou aucun proche du majeur ne pourra l'exercer (2).
La loi définit la mission de ces mandataires judiciaires à la protection des majeurs, que cette profession soit exercée par des services ou par des personnes physiques.
Selon le nouvel article L. 471-1 du code de l'action sociale et des familles, les mandataires judiciaires à la protection des majeurs sont les personnes qui exercent, « à titre habituel », les mesures de protection qui leur sont confiées par le juge dans le cadre :
de la sauvegarde de justice, dans la mesure seulement où le juge des tutelles aura estimé opportun de désigner un mandataire spécial à l'effet d'accomplir un ou plusieurs actes déterminés rendus nécessaires par la gestion du patrimoine de la personne protégée ;
de la curatelle ;
de la tutelle ;
de la mesure d'accompagnement judiciaire.
Ainsi, cette appellation exclut l'ensemble des membres de la famille ou des proches de la personne protégée qui exerceront, par priorité, les mesures de protection juridique.
En revanche, elle est suffisamment large pour permettre à des personnes exerçant par ailleurs une autre activité professionnelle d'être mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Selon les travaux parlementaires, « rien n'interdit donc qu'un avocat, un notaire ou un membre d'une profession médicale, par exemple, puisse exercer des mesures de protection », à condition de remplir toutefois les conditions d'exercice de cette profession (voir page 23). « En outre, en pratique, il y aura lieu de s'assurer que cette personne disposera bien, dans l'exercice de sa fonction de mandataire, de la disponibilité suffisante » (Rap. Sén. n° 212, février 2007, de Richemont, page 256).
Plusieurs conditions sont nécessaires pour exercer la fonction de mandataire judiciaire à la protection des majeurs.
Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs devront satisfaire d'abord à des conditions de moralité, d'âge, de formation certifiée par l'Etat et d'expérience professionnelle (CASF, art. L. 471-4 nouveau).
Si le mandat judiciaire est confié à un service, ces conditions seront exigées des personnes physiques appartenant à ce service qui ont reçu délégation de celui-ci pour assurer la mise en oeuvre de la mesure. Ce service devra en outre informer le représentant de l'Etat dans le département des méthodes de recrutement utilisées pour se conformer à ces exigences ainsi que des règles internes qu'il a fixées pour contrôler ses agents dans l'exercice de leur mission. Cette obligation nouvelle est destinée, selon le rapporteur Emile Blessig, à responsabiliser davantage les services tutélaires, et serait de nature à renforcer la surveillance du représentant de l'Etat dans le cadre du processus de désignation de l'agent de l'établissement.
Actuellement, aucune condition particulière n'est exigée des personnes chargées d'une curatelle ou tutelle d'Etat ou d'une mesure de gérance privée. Il existe seulement une formation d'adaptation aux fonctions, sanctionnée par une attestation prévue par un arrêté de 1988 relatif à la formation des tuteurs aux majeurs protégés. Seul le code de la sécurité sociale fixe des critères dans le cadre de la tutelle aux prestations sociales adultes. En effet, pour exercer cette mesure, les professionnels doivent remplir des conditions de compétence particulière fixées par un arrêté de 1976, qui sanctionne par la délivrance d'un certificat national de compétence les efforts d'actualisation des connaissances des délégués à la tutelle aux prestations sociales. Ce texte comporte également des exigences de diplômes : seuls les titulaires du diplôme d'Etat d'assistant de service social, d'éducateur spécialisé ou du diplôme de conseiller en économie sociale et familiale, âgés d'au moins 25 ans et justifiant de 3 années d'exercice dans la profession correspondant aux diplômes, peuvent prétendre à la délivrance de ce certificat. Il en est de même pour les titulaires du diplôme d'Etat de technicien de l'intervention sociale et familiale âgés d'au moins 30 ans et justifiant de 5 ans d'expérience professionnelle.
La conséquence de cette lacune est que la formation, voire, dans certaines hypothèses, la moralité, de certains professionnels sont souvent mises en cause par les associations de défense des personnes placées sous mesure de protection.
La loi du 5 mars 2007 et ses décrets d'application devraient donc remédier à ce problème. Toutefois, nombre d'associations ont regretté que la loi n'ait pas défini plus précisément les contours de cette formation, prévoyant seulement qu'elle sera certifiée par l'Etat. Selon les informations communiquées par le gouvernement, cette formation devrait être composée de plusieurs modules spécifiques. En fonction des diplômes et des formations dont justifieront les postulants, des allégements de formation pourront être accordés. Toutefois, certains modules ne pourront donner lieu à aucun allégement et devront donc être suivis par tous, quel que soit leur parcours antérieur. Une durée de stage est également envisagée, selon les mêmes principes.
Quant aux conditions de moralité, d'âge et d'expérience professionnelle auxquelles devront satisfaire les futurs mandataires judiciaires à la protection des majeurs et leurs délégués, elles devraient s'inspirer des critères fixés actuellement pour la tutelle aux prestations sociales adultes.
Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs devront être inscrits sur une liste dressée et tenue à jour par le représentant de l'Etat dans le département (CASF, art. L. 471-2 nouveau).
Cette liste comprendra :
les services soumis à autorisation mettant en oeuvre les mesures de protection des majeurs ordonnées par l'autorité judiciaire ;
les personnes physiques exerçant à titre habituel des mesures de protection des majeurs qui auront fait l'objet d'un agrément ;
les agents désignés par un établissement accueillant des personnes âgées ou des personnes adultes handicapées afin d'agir en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs.
Dès lors, le préfet de département va centraliser l'ensemble des informations. A l'heure actuelle, l'autorité chargée d'établir la liste varie selon la nature du financement de la mesure. Ainsi :
lorsqu'il s'agit d'une mesure de gérance privée, les personnes habilitées à l'exercer doivent figurer sur une liste établie par le procureur de la République ;
lorsque la mesure est une curatelle ou une tutelle d'Etat, la liste des personnes habilitées à l'exercer est fixée par le représentant de l'Etat, à la suite d'une instruction par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS).
L'effet pratique de cette unification des listes sera de permettre à la DDASS d'instruire les demandes de l'ensemble des personnes physiques ou morales sollicitant l'exercice de la fonction de mandataire judiciaire à la protection des majeurs.
Pour autant, le procureur de la République n'est pas évincé de la procédure d'établissement et de radiation des listes puisqu'il disposera d'un pouvoir d'avis conforme sur l'agrément des personnes physiques, agrément qui sera préalable à l'inscription sur la liste (voir page 23). De même, il intervient dans la procédure d'autorisation des services mettant en oeuvre des mesures de protection des majeurs (voir ci-contre) et dans la procédure d'opposition à la déclaration d'un préposé d'un établissement (voir page 27).
Les personnes inscrites sur cette liste devront prêter serment dans des conditions qui seront fixées par décret. Pour le rapporteur pour avis de la loi à l'Assemblée nationale, Laurent Wauquiez, il s'agit de faire bénéficier ces professionnels d'une reconnaissance officielle et d'une relation directe avec les juges des tutelles.
Les « services » mettant en oeuvre les mesures de protection des majeurs - ordonnées par l'autorité judiciaire dans le cadre de la sauvegarde de justice avec mandat spécial ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d'accompagnement judiciaire - font leur entrée dans la nomenclature des établissements et services sociaux et médico-sociaux fixée par l'article L. 312-1, I du code de l'action sociale et des familles.
L'autorisation de création, de transformation ou d'extension d'un service chargé d'exercer des mesures de protection des majeurs sera prise par l'autorité compétente de l'Etat, après avis conforme du procureur de la République (CASF, art. L. 313-3 modifié). L'autorité de l'Etat se trouvera donc liée par l'avis donné par le procureur de la République, « ce qui conférera aux services judiciaires - véritables prescripteurs de la mesure de protection - la possibilité d'exercer un droit de regard réel sur les services chargés de sa mise en oeuvre » (Rap. Sén. n° 212, février 2007, de Richemont, page 269).
Cette entrée dans le secteur social et médico-social sera effective au 1er janvier 2009. Toutefois, les personnes morales qui étaient précédemment habilitées pour exercer la tutelle ou la curatelle d'Etat, la gérance de tutelle en qualité d'administrateur spécial et la tutelle aux prestations sociales ont 2 ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi pour se conformer à ces nouvelles règles, soit jusqu'au 31 décembre 2010.
En leur qualité de service social et médico-social, ces services seront soumis aux procédures de contrôles et d'évaluation de droit commun instaurées par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, modifiées par la loi du 5 mars 2007 (3).
Si l'autorisation de fonctionner est retirée, le service sera répertorié sur une liste nationale tenue à jour. Outre le représentant de l'Etat dans le département, le procureur de la République pourra consulter cette liste (CASF, art. L. 471-3 nouveau). Rappelons que le représentant de l'Etat dans le département est tenu de mettre à jour la liste départementale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (CASF, art. L. 471-2 nouveau). Cette liste nationale sera un moyen pour lui de le faire.
Toute personne physique désireuse d'exercer à titre individuel et habituel des mesures de protection juridique doit obtenir un agrément administratif préalable à son inscription sur la liste départementale recensant les mandataires judiciaires à la protection des majeurs (voir page 23) (CASF, art. L. 472-1 nouveau).
C'est le représentant de l'Etat dans le département qui délivre cet agrément sous réserve d'avoir obtenu un avis conforme du procureur de la République, et après avoir vérifié :
que l'intéressé remplit les conditions d'âge, de moralité, de formation et d'expérience professionnelle ;
qu'il a souscrit une garantie des conséquences financières de sa responsabilité civile (voir page 26) ;
que l'agrément s'inscrit dans les objectifs et répond aux besoins fixés par le schéma régional d'organisation sociale et médico-sociale.
Selon le gouvernement, cet agrément préfectoral, dont la validité territoriale sera limitée au département, pourra porter sur l'exercice de la totalité des mesures judiciaires de protection et d'accompagnement - mandat spécial au titre de la sauvegarde de justice, curatelle, tutelle et mesure d'accompagnement judiciaire - ou seulement sur certaines d'entre elles, en fonction de la formation et de l'expérience professionnelle dont la personne justifie.
Un nouvel agrément de la personne physique devra intervenir en cas de changement affectant :
les conditions d'âge, de moralité, de formation, d'expérience professionnelle ou de garantie financière exigées du mandataire ;
la nature des mesures que les personnes physiques exercent à titre individuel en qualité de mandataire. « En effet, un mandataire qui était agréé pour exercer seulement des mesures judiciaires de protection juridique ou seulement des mesures d'accompagnement judiciaire peut, alors qu'il bénéficie déjà d'un agrément, remplir les conditions pour exercer l'autre catégorie de mesures de protection des majeurs parce qu'il a suivi le module de formation complémentaire » (Rap. Sén. n° 212, février 2007, de Richemont, page 289).
Un décret doit encore préciser ce dispositif d'agrément (CASF, art. L. 472-4 nouveau).
La procédure d'agrément entrera en vigueur au 1er janvier 2009. Les personnes physiques qui étaient précédemment habilitées pour exercer la tutelle ou la curatelle d'Etat, la gérance de tutelle en qualité d'administrateur spécial ou la tutelle aux prestations spéciales ont 2 ans à compter de la parution du décret qui doit préciser ce dispositif et, au plus tard jusqu'au 1er janvier 2011, pour se conformer à cette procédure d'agrément.
Les personnes physiques exerçant la fonction de mandataire judiciaire à la protection des majeurs auront l'obligation d'obtenir une garantie des conséquences pécuniaires de leur responsabilité civile, en raison des dommages subis par les personnes qu'elles prennent en charge (CASF, art. L. 472-2 nouveau).
En effet, en vertu du régime de responsabilité mis en place par la loi (4), le mandataire judiciaire sera responsable des dommages résultant d'une faute quelconque dans l'exercice de sa fonction. « L'institution d'une telle garantie est donc indispensable, dès lors que les mandataires gèrent les biens d'autrui et qu'ils peuvent dans l'exercice de leur mission, par une faute, une négligence de leur part, causer préjudice à la personne protégée » (Rap. Sén. n° 212, février 2007, de Richemont, page 289).
La loi du 5 mars 2007 ne définit pas la nature des garanties qui devront être présentées par le mandataire. « Il pourra donc s'agir d'une assurance souscrite par le mandataire pour couvrir les risques spécifiques liés à l'exercice de ses fonctions. Une caution ou une garantie pourront néanmoins également s'avérer en pratique des produits complémentaires pour permettre une couverture maximale des dommages occasionnés à la personne protégée » (Rap. Sén. n° 212, février 2007, de Richemont, page 290).
Le rapporteur de la loi au Sénat, Henri de Richemont, relève que cette garantie n'est obligatoire que pour les dommages subis par les personnes « qu'il prend en charge » et non pour ceux qui pourraient éventuellement être causés à des tiers dans le cadre de la mesure de protection juridique.
La personne physique peut aussi intervenir auprès d'un majeur protégé en qualité de préposé de l'établissement dans lequel il est accueilli.
Lorsqu'ils sont publics, les établissements sociaux et médico-sociaux qui hébergent des personnes adultes handicapées ou des personnes âgées et dont la capacité d'accueil sera supérieure à un seuil fixé par décret seront tenus de désigner un ou plusieurs agents comme mandataires judiciaire à la protection des majeurs pour exercer les mesures ordonnées par le juge (CASF, art. L. 472-5 nouveau).
Cette obligation s'impose donc si plusieurs conditions sont réunies. L'établissement doit :
relever du 6° ou du 7° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, c'est-à-dire être soit un établissement accueillant des personnes âgées ou leur apportant à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale, soit un établissement accueillant des personnes adultes handicapées ou des personnes atteintes de pathologies chroniques, leur apportant à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale ou leur assurant un accompagnement médico-social en milieu ouvert ;
héberger ces publics. Les établissements qui proposent un dispositif d'accompagnement ou d'accueil ne seront donc pas concernés par cette obligation ;
disposer d'une capacité d'accueil supérieure à un seuil fixé par décret. Ce dernier devrait être fixé à 80 lits. En deçà, l'établissement aura simplement la faculté de désigner un de ses agents en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs ;
être public. En conséquence, les établissements gérés par des associations ou des personnes morales de droit privé auront simplement la faculté de désigner un préposé.
Cette obligation faite à certains établissements sociaux ou médico-sociaux de désigner des préposés, avec lesquels ils ont un lien organique, a suscité, notamment dans le milieu associatif, de fortes critiques liées à la crainte de conflits entre l'intérêt de l'établissement et celui du majeur protégé. Pour ces associations, le préposé n'aurait pas suffisamment d'indépendance par rapport à l'établissement pour garantir au mieux les droits de la personne dont ils ont la charge, en particulier compte tenu du fait que l'établissement est le lieu de vie de la personne protégée. Pour le rapporteur de la loi au Sénat, Henri de Richemont, cette possibilité offre toutefois des avantages incontestables en termes de proximité, notamment dans les parties du territoire national où le maillage des associations tutélaires est plus distendu.
Selon les chiffres fournis par le gouvernement, en 2006, près de 27 633 mesures ont été exercées par des préposés dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
Même s'il a l'obligation de désigner un préposé, l'établissement public se voit reconnaître une certaine liberté d'appréciation.
En premier lieu, il lui sera possible d'« externaliser » cette mission en faisant appel à un service mandataire judiciaire à la protection des majeurs géré (CASF, art. L. 472-5 nouveau) :
soit par lui-même ;
soit par un syndicat inter-hospitalier, un groupement d'intérêt public, un groupement de coopération sanitaire ou un groupement de coopération sociale ou médico-sociale dont il est membre.
L'établissement pourra également recourir, par convention, aux prestations d'un autre établissement disposant soit d'un service mandataire à la protection des majeurs, soit d'un ou de plusieurs préposés désignés en qualité de mandataires judiciaires à la protection des majeurs et déclarés auprès du représentant de l'Etat.
Cette désignation pourra porter sur l'exercice de l'ensemble des mesures de protection ou sur certaines d'entre elles seulement, en fonction de la formation et de l'expérience professionnelle de l'agent.
Plusieurs règles encadrent la désignation du préposé. Ces règles s'appliquent tant aux établissements publics hébergeant des personnes âgées ou handicapées, obligés de procéder à cette désignation, qu'aux établissements gérés par des associations ou des personnes morales de droit privé qui choisissent volontairement de désigner un préposé.
L'établissement devra d'abord assurer de manière effective au préposé qu'il souhaite désigner un « exercice indépendant des mesures de protection qui lui sont confiées par le juge » (CASF, art. L. 472-6 nouveau).
En outre, le préposé devra remplir les conditions d'âge, de moralité, de formation et d'expérience professionnelle requise de tout mandataire.
Concrètement, la désignation est soumise à une déclaration préalable auprès du représentant de l'Etat dans le département. Celui-ci est ensuite chargé d'informer « sans délai » le procureur de la République des déclarations qu'il a reçues (CASF, art. L. 472-6 nouveau). Soulignons que, en retour, le procureur de la République aura la possibilité de saisir le représentant de l'Etat pour qu'il enjoigne au mandataire judiciaire de se conformer à ses obligations légales (voir ci-dessous).
Cette déclaration est indispensable dans la mesure où, pour exercer la mesure de protection, le mandataire devra avoir été inscrit par le représentant de l'Etat sur la liste départementale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.
Le contenu de la déclaration sera fixé par décret. Selon les travaux parlementaires, la déclaration devrait mentionner le nom de l'agent désigné par l'établissement, son âge, sa formation, son expérience professionnelle et la nature de l'activité envisagée.
Une nouvelle déclaration devra être faite dans les mêmes conditions en cas de changement affectant (CASF, art. L. 472-7 nouveau) :
les conditions de moralité, d'âge, de formation et de qualification professionnelle ;
la nature des mesures exercées ;
l'identité des préposés désignés.
Cette nouvelle procédure de déclaration entrera en vigueur au 1er janvier 2009. Toutefois, les établissements de santé et les établissements sociaux et médico-sociaux dont un préposé était précédemment désigné comme gérant de tutelle ont 2 ans à compter de l'entrée en vigueur du décret d'application attendu, et au plus tard jusqu'au 1er janvier 2011, pour se conformer à cette nouvelle procédure (art. 44, IV de la loi).
Un pouvoir d'opposition à la déclaration est créé au profit du représentant de l'Etat dans le département. Il est la contrepartie du régime déclaratif mis en place par la loi (CASF, art. L. 472-8 nouveau).
Ce droit d'opposition à la déclaration est reconnu au seul représentant de l'Etat. Il s'agit donc d'un contrôle exclusivement administratif, traditionnel dans le cadre de l'organisation sociale et médico-sociale.
Pour autant, l'intervention de l'autorité judiciaire est prévue, puisque le procureur de la République :
pourra être à l'initiative de la procédure d'opposition, en saisissant le représentant de l'Etat à cet effet. Cette saisine sera facilitée par le fait que le représentant de l'Etat aura informé le procureur des déclarations reçues ;
aura à donner un avis conforme à la décision d'opposition prise par le préfet si c'est ce dernier qui a pris les devants.
Cette intervention du procureur de la République constitue ainsi le pendant de la disposition prévoyant un avis conforme du procureur de la République avant toute délivrance de l'agrément pour les personnes physiques exerçant à titre individuel et de l'autorisation pour les services mandataires à la protection juridique des majeurs.
Seules 3 circonstances pourront justifier la décision d'opposition :
la personne déclarée en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs ne satisfait pas aux conditions de moralité, d'âge, de formation et d'expérience professionnelle requises ;
les conditions d'exercice du mandat ne permettent pas de garantir que le respect de la santé, de la sécurité et du bien-être physique et moral de la personne protégée est assuré ;
les conditions d'un exercice indépendant des mesures de protection qui lui sont confiées par le juge ne peuvent pas être assurées de manière effective.
L'exercice de ce droit d'opposition sera limité à 2 mois à compter de la date de réception de la déclaration.
Un contrôle administratif de l'activité des personnes physiques mandataires judiciaires à la protection des majeurs est instauré par la loi du 5 mars 2007. Il vaut pour les personnes physiques agissant à titre individuel ou en tant que préposé.
Il s'exercera en complément de la surveillance générale des mesures de protection exercées par le juge des tutelles et le procureur de la République, en application de l'article 416 du code civil et du pouvoir d'injonction et de dessaisissement reconnu au juge des tutelles (voir encadré ci-dessous).
Ce contrôle administratif sera assuré par le représentant de l'Etat dans le département qui disposera, à cet effet, d'une palette d'outils aux effets graduels (CASF, art. L. 472-10 nouveau).
Le préfet disposera d'un pouvoir d'injonction, auquel il pourra recourir d'office ou à la demande du procureur de la République :
soit en cas de violation par le mandataire judiciaire à la protection des majeurs des lois et règlements ;
soit lorsque la santé, la sécurité ou le bien-être physique ou moral de la personne protégée est menacé ou compromis par les conditions d'exercice de la mesure de protection judiciaire ;
soit lorsque l'indépendance du préposé de l'établissement dans l'exercice des mesures de protection qui lui sont confiées par le juge n'est pas effective.
L'injonction faite à l'intéressé devra être assortie d'un délai « circonstancié », fixé par le représentant de l'Etat. Elle devra être adressée à l'intéressé une fois qu'il aura été entendu par ce dernier.
Si le mandataire judiciaire à la protection des majeurs n'a pas satisfait à l'injonction qui lui a été adressée, le représentant de l'Etat dans le département, devra, selon le cas :
retirer l'agrément donné au mandataire personne physique ;
annuler les effets de la déclaration faite par l'établissement au représentant de l'Etat indiquant le préposé désigné.
Cette décision sera prise à la demande du procureur de la République ou, à défaut, donnera lieu à un avis conforme de ce dernier qui devra ensuite être effectivement informé de la décision de retrait ou d'annulation prononcée par le représentant de l'Etat.
En cas d'urgence, l'agrément ou la déclaration pourront être suspendus sans injonction préalable et, au besoin, d'office dans des conditions qui doivent être fixées par décret.
Là encore, le procureur de la République devra être informé de la décision de suspension.
Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs dont l'agrément ou, selon les cas, la déclaration est retiré, suspendu ou annulé sont répertoriés sur une liste nationale tenue à jour. Outre le représentant de l'Etat dans le département, le procureur de la République pourra consulter cette liste (CASF, art. L. 471-3 nouveau).
Rappelons que le représentant de l'Etat dans le département est tenu de mettre à jour la liste départementale des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (CASF, art. L. 471-2 nouveau). Cette liste nationale sera un moyen pour lui de le faire.
À SUIVRE...
Dans ce numéro :
I - La réorganisation du secteur
A - Un nouveau statut de mandataire judiciaire à la protection des majeurs
B - L'entrée des services mandataires dans le secteur social et médico-social
C - Les règles applicables au mandataire personne physique
Dans un prochain numéro :
I - La réorganisation du secteur (suite)
II - Le financement du secteur
La loi du 5 mars 2007 soumet en partie les agents des établissements hospitaliers qui exercent, à l'heure actuelle, des mandats tutélaires aux nouvelles dispositions applicables aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs. En effet, en vertu d'un décret du 15 février 1969, il est possible aux « établissements d'hospitalisation, de soins ou de cure publics ou privés [de choisir] parmi leurs préposés la personne la plus qualifiée désignée, le cas échéant, comme gérant de la tutelle ». En pratique, le nombre de tutelles hospitalières ordonnées par le juge est estimé à environ 60 000, ce qui représente près du double des gérances privées.
Certaines dispositions relatives au statut des mandataires judiciaires à la protection des majeurs leur seront applicables à compter du 1er janvier 2009 s'ils interviennent dans les établissements suivants (code de la santé publique, art. L. 6111-4 nouveau) :
les établissements de santé publics ou ceux qui sont privés à but non lucratif admis à participer au service public hospitalier ou qui ont opté pour la dotation globale de financement dès lors que ces établissements :
- dispensent des soins de longue durée, comportant un hébergement, à des personnes n'ayant pas leur autonomie de vie dont l'état nécessite une surveillance médicale constante et des traitements d'entretien ou des soins en matière de lutte contre les maladies mentales,
- et qu'ils hébergent dans ce cadre un nombre de personnes excédant un seuil à définir (qui pourrait être de 80 personnes) ;
les hôpitaux locaux qui dispensent des soins de longue durée, comportant un hébergement, à des personnes n'ayant pas leur autonomie de vie dont l'état nécessite une surveillance médicale constante et répondant à la même condition de seuil à définir.
Le dispositif exclut les établissements qui dispensent des soins de suite ou de réadaptation dans le cadre d'un traitement ou d'une surveillance médicale à des malades requérant des soins continus, dans un but de réinsertion. En effet, la durée moyenne de séjour dans ces établissements étant de 32 jours, la nomination d'un mandataire judiciaire à la protection des majeurs interne à l'établissement ne paraît pas devoir s'imposer.
Les établissements concernés seront assujettis aux dispositions du code de l'action sociale et des familles suivantes :
les dispositions communes à l'ensemble des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (condition d'âge, de moralité, d'expérience professionnelle, de formation et d'inscription sur une liste départementale) ;
les dispositions relatives aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs, personnes physiques, exerçant à titre de préposé d'établissement ainsi que les dispositions relatives au contrôle administratif exercé par le représentant de l'Etat ;
l'arsenal de sanctions pénales.
Des adaptations sont toutefois prévues pour tenir compte du caractère hospitalier de ces établissements. Ainsi, les droits des usagers accueillis dans ces établissements seront régis par les règles du code de la santé publique. Les dispositions de ce code concernant les droits de la personne, l'information des usagers et l'expression de la volonté des usagers du système de santé, les droits spécifiques des personnes accueillies dans des établissements de santé, la participation des usagers au système de santé seront de plein droit applicables en lieu et place des dispositions du code de l'action sociale et des familles ayant le même objet.
Le représentant de l'Etat dans la région devra arrêter les schémas régionaux d'organisation sociale et médico-sociale relatifs (CASF, art. L. 312-5, d, nouveau) :
aux services mettant en oeuvre des mesures de protection des majeurs ;
aux personnes physiques qui exercent des mesures de protection des majeurs à titre individuel ou en qualité de préposé d'un établissement hébergeant des personnes âgées ou des adultes handicapés.
Les personnes physiques exerçant à titre individuel les missions de mandataire judiciaire à la protection des majeurs et titulaires de l'agrément à cet effet seront soumises au régime social des indépendants au titre des assurances maladie, maternité et vieillesse (code de la sécurité sociale, art. L. 613-1 et L. 622-5 modifiés).
Dans l'attente de cet agrément, et au plus tard, le 1er janvier 2011, les personnes physiques habilitées pour exercer la tutelle ou curatelle d'Etat, la gérance de tutelle en qualité d'administrateur spécial ou la tutelle aux prestations sociales sont d'ores et déjà affiliées à ce régime.
Jusque-là, les personnes physiques exerçant à titre individuel des mesures de protection étaient, pour leur régime social, soumises au régime des collaborateurs occasionnels du service public.
Le juge des tutelles pourra prononcer à l'encontre des personnes chargées de la mesure de protection (membres de la famille, proches ou mandataire judiciaire à la protection des majeurs) des injonctions, assorties d'une amende civile si les intéressés n'y satisfont pas (C. civ., art. 417 nouveau).
Deux sanctions sont également ouvertes en cas de « manquement caractérisé » des personnes chargées d'une mesure de protection :
le dessaisissement de leur mission par le juge des tutelles, après les avoir entendues ou convoquées ;
si la mesure a été confiée à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, la radiation de celui-ci de la liste départementale établie par le préfet sur avis conforme du procureur de la République (voir page 23). A cet effet, le juge devra demander au procureur de la République de solliciter le préfet.
(3) Sur cette question du choix du tuteur ou du curateur, voir notre dossier sur « Les mesures de protection juridique », ASH n° 2514-2515 du 29-06-07, p. 23 et n° 2517 du 13-07-07, p. 23.
(4) Sur ce point, voir ASH n° 2521 du 7-09-07, p. 15.
(5) Ce régime sera étudié dans la seconde partie de notre dossier.