Toutes les études portant sur l'aide sociale des départements évoquent les fortes disparités qui existent entre les collectivités (1). Quelle est leur ampleur réelle ? Augmentent-elles ? Une nouvelle analyse livre des précisions à cet égard (2).
Première conclusion : les créateurs de l'APA (allocation personnalisée d'autonomie) peuvent se réjouir, ils ont atteint leur but. Ils voulaient étendre l'aide aux personnes âgées dépendantes tout en réduisant les disparités marquées qui existaient entre les départements du temps de la PSD (prestation spécifique dépendance). Le travail est en bonne voie. Le taux de bénéficiaires parmi les plus de 60 ans, qui était de 3 % en 1999, atteint 8,3 % en 2005, tandis que la dépense par personne concernée n'a que peu diminué (4 700 € en 2005). Certes le taux de bénéficiaires varie encore de un à trois selon les départements (de 43 à 141 pour mille habitants de 60 ans ou plus) et la dépense de un à deux (de 3 600 € à 7 500 € par an). Cependant, la dispersion entre groupes de départements (3) s'est réduite de 13 points pour le nombre de bénéficiaires et de 6 points pour la dépense moyenne depuis les années 1999-2001.
Mais ce mouvement de convergence reste unique en son genre. Les disparités se sont stabilisées ou accrues dans les autres domaines de l'aide sociale.
Ainsi, l'effort consacré aux allocataires du RMI reste très disparate. D'abord, parce que la répartition des bénéficiaires est très inégale selon la santé économique et sociale des départements et n'a que peu bougé entre 1999 et 2005. Mais aussi parce que la dispersion entre groupes de départements s'est accrue de 10 points pour les dépenses d'insertion depuis la période 1999-2001 (la moyenne étant de 700 € par an).
Pour les personnes handicapées, le nombre de bénéficiaires varie de un à trois (de trois à neuf pour mille habitants de moins de 60 ans). Cette différence reste stable, de même que les dépenses par bénéficiaire, qui vont de un à plus de quatre (de 5 400 € à 24 000 € en 2005, avec une moyenne de 15 100 € ).
C'est en matière d'aide sociale à l'enfance que les disparités sont les plus fortes. Elles sont proches de un à quatre pour les dépenses par bénéficiaire (de 7 800 € à 28 600 € par personne, avec une moyenne annuelle de 19 000 € ), et supérieures à un à quatre pour la proportion d'enfants pris en charge - de 9 à 38 pour mille jeunes de moins de 21 ans -, cette dispersion ayant crû de 8 points en cinq ans.
Pourquoi toutes ces variations ? Les facteurs économiques et démographiques y ont, bien sûr, leur part. L'étude rappelle que l'accès à l'aide sociale et le recours au minimum social s'adressant à la même population sont corrélés, en tout cas pour les personnes âgées et handicapées. Il en résulte que les départements comptant le plus de pauvres sont aussi les plus sollicités en matière d'aide sociale. Cette étude relève aussi qu'en moyenne, les départements dépensent d'autant plus par bénéficiaire qu'ils en ont peu. Cela se vérifie notamment pour l'aide sociale à l'enfance et pour les personnes handicapées. Le taux d'urbanisation de même que la richesse des départements (en termes de revenu fiscal et de proportion de foyers imposables) jouent également. Mais toutes ces variables combinées n'expliquent qu'une partie des disparités, calcule l'étude. Pour l'aide aux personnes âgées, les données socio-économiques et sociodémographiques rendent compte de 60 % des variations dans la proportion des bénéficiaires et de 40 % dans les dépenses moyennes. Bien moins encore en matière d'aide sociale à l'enfance, où elles n'entraînent que 27 % des écarts dans la population couverte et 40 % des variations de dépenses.
C'est dire que dans tous les domaines, même quand ils dispensent une prestation avec des barèmes nationaux comme l'APA, les départements disposent d'une marge de manoeuvre. Et plus encore pour l'aide sociale à l'enfance : d'une grande liberté d'action. Normal, diront-ils, dès lors que ce sont eux qui financent, en tout ou partie, et qu'ils sont autonomes et responsables de leur gestion. Le problème est que ce principe s'accommode difficilement d'un autre : celui de l'égalité de traitement des citoyens quand il s'agit de solidarité nationale.
(1) La dernière en date est celle de Dexia - Voir ASH n° 2525 du 5-10-07, p. 41.
(2) « Les disparités départementales en matière d'aide sociale » - DREES - Etude et résultats n° 602 - Octobre 2007 - Disponible sur
(3) Les statisticiens mesurent la « dispersion » entre départements en les répartissant en quatre groupes selon le montant de leurs dépenses et en observant l'évolution de l'intervalle entre le premier et le troisième quartile.