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Deux experts pointent les difficultés techniques que pose la mise en oeuvre du « bouclier sanitaire », qu'ils jugent irréalisable avant 2010

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Plafonner le reste à charge supporté par l'assuré en matière de soins en fonction de son revenu, de sorte que, comme l'explique la ministre de la Santé, « en dessous du seuil, les tickets modérateurs et les participations forfaitaires resteraient à [sa] charge ; au-delà, l'assurance maladie lui garantirait une couverture intégrale » (1). C'est le principe du bouclier sanitaire, qui vient de faire l'objet d'un rapport (2), remis le 28 septembre à Roselyne Bachelot et à Martin Hirsch, Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. « Compte tenu du délai serré qu'il nous était demandé de respecter, nous n'avons pas pu approfondir des aspects significatifs du dossier, expliquent cependant les auteurs, Raoul Briet, président de la commission « périmètres des biens et services remboursables » de la Haute Autorité de santé, et Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. « Nos données sur les participations financières en établissements de santé sont imparfaites. Nous n'avons pas approfondi l'analyse des conséquences concrètes que l'atteinte du plafond entraîne dans les relations entre les caisses d'assurance maladie et les organismes de couverture complémentaire. »

Le rapport balaie les objectifs de la réforme, sa portée, son impact et les difficultés de sa mise en oeuvre. Ainsi, s'agissant des assurés couverts par une mutuelle ou une assurance privée (environ 92 %), « l'institution d'un bouclier sanitaire ne modifie pas les charges qui pèsent sur eux : la couverture complémentaire «remplit» de facto la fonction de plafonnement. Par contre, elle est susceptible d'avoir une incidence sur la cotisation qui finance cette couverture », indiquent les auteurs. Néanmoins, ajoutent-ils, « le bouclier améliorera le niveau de prise en charge pour les assurés dont le contrat de complémentaire couvre mal le forfait journalier pour des séjours de longue durée, notamment en médecine, psychiatrie et soins de suite ». Mais, au final, « ce n'est que pour la petite minorité des ménages sans couverture complémentaire que le plafonnement du reste à charge modifie directement la donne ». En effet, ce dispositif - surtout si le plafond est modulé en fonction du revenu - constituerait une vraie protection contre les restes à charge élevés et pourrait réduire la renonciation aux soins. Cette fonction ne serait alors « pas négligeable », souligne le rapport. Toutefois, « le principe de la modulation [du plafonnement] avec le revenu ne fera pas l'unanimité » et « le niveau du plafond sera jugé trop élevé », prévient-il. Ces remarques doivent toutefois être « fortement relativisées et [...] n'invalident pas le schéma du bouclier sanitaire ». Ainsi, « sans être spectaculaires, les progrès liés au plafonnement - surtout s'il est modulé avec le revenu - sont bien réels », concluent les deux experts.

Ces derniers considèrent par ailleurs que l'instauration du bouclier sanitaire pourrait permettre un « ciblage plus équitable de la prise en charge à 100 % » sur les seuls assurés qui supportent effectivement des restes à charge élevés. Ce mécanisme, qui concerne principalement les personnes atteintes d'une affection de longue durée (ALD), pèse de façon croissante sur les finances publiques : selon les projections de la caisse nationale d'assurance maladie, la part des assurés sociaux en ALD passerait de 13,8 % actuellement à près de 19 % d'ici à 2015, entraînant un doublement des dépenses, qui passeraient de 10 à 20 milliards d'euros. « Une approche de l'effort maximal à demander aux assurés fondée sur le seul critère des dépenses constatées est donc pertinente », ce qui « passe logiquement par la suppression du régime des ALD ».

Raoul Briet et Bertrand Fragonard privilégient donc un schéma associant « la suppression de toutes les exonérations (notamment pour les assurés en ALD), la détermination d'un plafond uniforme de reste à charge et la fixation d'un taux de ticket modérateur «d'équilibre» - applicable à tous - qui gage le coût du plafonnement ». Quoi qu'il en soit, soulignent-ils, « la recherche de fortes économies conduirait soit à augmenter rapidement le taux du ticket modérateur soit, à taux de ticket modérateur donné, à augmenter le plafond ; mais on bute sur le fait qu'un plafond trop élevé décrédibilise le bouclier ». Une réforme en ce sens pourrait en outre conduire les organismes de couverture santé complémentaire à « ajuster leur propre tarification (puisque le risque maximal auquel ils sont exposés serait lié aux ressources de leurs adhérents) et donc à moduler les primes en fonction du revenu de leurs adhérents ».

Face aux difficultés de mise en oeuvre du bouclier sanitaire, il semble à ce stade « réaliste » de n'envisager une telle réforme qu'à compter du 1er janvier 2010, concluent les experts. Et d'ajouter que, « pour des raisons tant de principe (impossibilité juridique et politique de laisser coexister durablement deux régimes d'exonération applicables à des situations identiques) que pratiques (complexification de la gestion), il n'y aurait pas de régime transitoire qui viserait, par exemple, à maintenir dans l'ancien système les assurés entrés en ALD avant la date de mise en oeuvre du plafonnement des restes à charge ».

A signaler que le rapport propose des formules alternatives si l'option du bouclier n'était pas retenue, par exemple améliorer la couverture par les régimes complémentaires des assurés les plus modestes, notamment par le biais de l'aide à l'acquisition d'une couverture complémentaire santé, ou encore instaurer des plafonnements propres aux restes à charge hospitaliers.

Notes

(1) Le bouclier ne s'applique qu'à la dépense remboursable par l'assurance maladie, les restes à charge liés à des dépassements tarifaires ne rentrant donc pas dans son champ.

(2) Rapport disponible sur www.ladocumentationfrancaise.fr.

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