Révoltes urbaines, incendies de voitures, rixes entre bandes... La violence juvénile n'est pas nouvelle. La réponse éducative développée pour tenter de l'enrayer ne date pas non plus d'hier : la prévention spécialisée est née au tournant de la Seconde Guerre mondiale. Depuis, cependant, l'esprit de solidarité qui soufflait sur la France de la reconstruction a été balayé par des bourrasques nettement plus sécuritaires, souligne Pascal Le Rest, conseiller technique dans le service de prévention spécialisée de l'Association départementale de sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence de Seine-et-Marne. Dernière illustration de ce changement d'orientation : la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Alors que la prévention spécialisée est de compétence départementale et que le respect de l'anonymat est l'un de ses principes de base, ce texte, qui affirme la place centrale du maire et énonce le principe du secret partagé, risque de poser des problèmes d'intervention aux équipes éducatives, analyse l'auteur. Néanmoins, si des stratégies politiques sont à l'oeuvre pour instrumentaliser la prévention spécialisée, explique-t-il, c'est bien parce qu'elle constitue un outil pertinent pour répondre aux difficultés des adolescents et des jeunes majeurs.
Au-delà de l'hommage qu'il rend aux « éducs de rue » - majoritairement issus des principales filières du travail social, à commencer par celle de l'éducation spécialisée -, Pascal Le Rest pointe leur manque de formation à l'observation sociale, ainsi qu'au diagnostic de territoire. Or, compte tenu de l'inflation des problématiques adolescentes et des besoins de conseil technique des élus, tant en milieu urbain que rurbain ou rural, il est indispensable qu'à l'avenir les professionnels de la prévention puissent, « pour le moins, participer à l'élaboration de documents diagnostiques, à défaut de les piloter ». Ce qui suppose qu'ils acquièrent un bagage théorique et méthodologique, que le spécialiste préconise de dispenser dans le cadre d'une formation supérieure sanctionnée par un diplôme universitaire. Ainsi les éducateurs de prévention seraient en mesure d'affiner leur regard et de donner plus de lisibilité à leurs pratiques - soit, aussi, de disposer des capacités d'expertise et de communication requises pour satisfaire aux exigences d'évaluation.
Le métier d'éducateur de prévention spécialisée - Pascal Le Rest - Ed. La Découverte - 25 € .
Quel jugement les travailleurs sociaux portent-ils sur la réduction du temps de travail (RTT) ? A partir d'une recherche menée auprès de délégués à la tutelle et d'assistantes sociales de secteur et de l'aide sociale à l'enfance (ASE) d'une agglomération de l'ouest de la France, le sociologue Jean-Philippe Melchior met en évidence l'ambivalence des travailleurs sociaux par rapport aux 35 heures. Quelles que soient ses modalités de mise en oeuvre, la RTT n'a pas été contrebalancée par un nombre suffisant d'embauches. Ainsi, selon son service - tutelle aux prestations sociales adultes ou service des majeurs protégés -, chaque délégué avait, en 2004, la responsabilité de 12 ou 25 dossiers de plus que ses collègues en 1990. Avec 10 % de temps de travail en moins. Cette intensification de la charge de travail n'est évidemment pas sans conséquences sur le contenu de celui-ci - voire sa « dénaturation ». Les professionnels à qui il est demandé de se recentrer sur l'exercice du mandat qui leur est confié, c'est-à-dire la gestion des problèmes patrimoniaux ou budgétaires de la personne protégée, et non son accompagnement, s'estiment niés en tant que travailleurs sociaux.
Pour les assistantes sociales départementales, le sentiment d'être submergées par les demandes d'usagers en détresse ne constitue pas une nouveauté résultant de la RTT, et celles qui ont opté pour la désectorisation (et qui interviennent principalement, mais pas exclusivement, sur une zone géographique) n'estiment pas que le passage aux 35 heures ait profondément modifié leur pratique : elles s'organisent pour pallier les absences de tel ou tel membre de leur équipe. Quand elles prennent leurs jours de RTT en revanche, les assistantes sociales non désectorisées et celles de l'ASE ont, à leur retour, une masse de travail en retard à absorber. D'où un malaise qui contamine aussi leur temps extra-professionnel. Néanmoins, même les délégués à la tutelle et les professionnelles de service social qui perçoivent négativement les effets de la RTT se disent très satisfaits du temps personnel dont elle leur permet de bénéficier. Qu'en font-ils ? A la différence des salariés de la métallurgie et de la grande distribution - auprès desquels le chercheur a également enquêté -, les travailleurs sociaux consacrent volontiers leur disponibilité, non à des loisirs, mais à se former. Les plus mécontents de leur environnement professionnel cherchent ainsi à se donner les moyens d'en changer. Cependant, d'une manière plus générale, la propension des travailleurs sociaux à participer à des actions de formation ou de recherche traduirait, selon l'auteur, leur désir de se réapproprier le sens d'un travail dans lequel ils engagent non seulement leurs compétences professionnelles, mais aussi leur identité.
35 heures chrono ! Les paradoxes de la RTT - Jean-Philippe Melchior - Ed. L'Harmattan - 27 € .
La supervision serait-elle en passe de trouver une nouvelle jeunesse ? Voici, en tout cas, le second ouvrage en quelques mois qui s'emploie à populariser cette méthodologie de soutien professionnel - et son appellation d'origine (voir ASH n° 2514-2515 du 29-06-07, page 47). Exit, donc, les pudeurs sémantiques et l'analyse de la (ou des) pratique(s). Même si avec son préfixe qui lui donne des airs supérieurs, le terme de supervision n'est pas très heureux, « je tiens à sa conservation, pour des raisons historiques », souligne Joseph Rouzel, directeur de l'Institut Psychasoc, qui dispense une formation spécifique à la supervision en travail social. Largement inspirée de la théorie et de la pratique analytiques, la conception clinique de la supervision développée par Joseph Rouzel est une forme de retour aux sources. Objet et objectif du dispositif élaboré par le psychanalyste et formateur, à partir de sa fréquentation des groupes Balint et des « cartels » de réflexion lacaniens : la question du transfert, « accrochage affectif et affecté, [qui] travaille au corps le travailleur social ». Celui-ci est touché, non par ce que l'usager transfère sur lui, mais par ce qui se joue et se noue en lui dans cette rencontre, explique l'auteur. Aussi les professionnels doivent-ils « faire le ménage » dans leurs relations avec les usagers pour entretenir leur « appareil à penser et à inventer ».
La supervision d'équipes en travail social - Joseph Rouzel - Ed. Dunod - 25 € .
Quand, en 1972, le psychanalyste René Roussillon est sorti de son cabinet pour se mettre « à l'écoute des souffrances muettes » de personnes habitant aux Minguettes, dans la région lyonnaise, rares étaient alors les thérapeutes à s'aventurer en dehors de leurs lieux d'exercice habituels. Aujourd'hui, fait observer ce pionnier, la situation a changé, et ce livre en témoigne. Plusieurs cliniciens y rendent compte de leur manière d'aller à la rencontre des sujets en difficulté psychique et sociale, qui ne formulent pas de demande explicite de soins. D'autres mettent indirectement leurs compétences au service de ces publics, en aidant les travailleurs sociaux à penser les enjeux sous-jacents à leur situation au travers de groupes d'analyse de la pratique.
Dispositifs de soins au défi des situations extrêmes - Sous la direction d'Annie Elisabeth Aubert et de Régine Scelles - Ed. érès - 25 € .
Ne formant un ensemble homogène qu'au plan de leur désignation administrative, les « gens du voyage » - dont nombre sont sédentarisés de longue date - constituent une mosaïque de populations aux histoires et réalités de vie fort différentes. Cependant, qu'ils soient Gitans, Manouches ou Roms, plus de 95 % des Tsiganes vivant en France ont la citoyenneté française - même si on les confond souvent avec les Roms récemment venus d'Europe de l'Est. Français ou pas, les enfants de ces familles tsiganes doivent être scolarisés sans que leur inscription dans un établissement scolaire soit subordonnée à la présentation d'un titre de séjour. Mais, comme le montre cet ouvrage collectif, il y a parfois loin des textes à la réalité, cependant que les préjugés assimilant itinérance et absence de scolarisation - ou, inversement, sédentarité et fréquentation scolaire assidue - sont loin de toujours se vérifier.
Les jeunes tsiganes : le droit au savoir - Coordonné par Marie-Pascale Baronnet - Ed. L'Harmattan - 17 € .
Indigné par la précarisation des vies ordinaires, Guillaume Le Blanc, professeur de philosophie à l'université Michel de Montaigne-Bordeaux-III, s'attache à rendre visible l'expérience des « sans-voix », dont l'inexistence est « le coeur noir de la question sociale ».
Vies ordinaires, vies précaires - Guillaume Le Blanc - Ed. du Seuil - 21 € .
Jusqu'à la création des zones franches, la politique de la ville avait peu pris en compte le développement économique. Même ensuite, il a fallu constater que l'implantation d'activités ne profitait pas toujours à la population locale. Comment redonner de l'attractivité aux territoires en difficulté et faire en sorte qu'elle profite aux acteurs locaux ? Tel était le sujet d'un cycle de qualification de Profession Banlieue tenu en mars 2006.
Les Cahiers de Profession Banlieue - Mars 2006 - Profession Banlieue-centre de ressources : 15, rue Catulienne - 93200 Saint-Denis - Tél. 01 48 09 26 36 - 13,50 € .
Comment penser la démarche et les enjeux de l'évaluation interne prévue par la loi 2002-2 ? Comment la conduire, avec quelle méthode, quels outils et à quelles conditions ? Autant de questions au programme de la journée d'étude et de formation organisée le 12 janvier 2007 par le Creahi d'Aquitaine, quatre exemples concrets à l'appui. Autant d'occasions, aussi, de s'interroger sur l'essentiel : le point de vue des usagers, la façon de le prendre en compte, de l'évaluer et d'aider à le traduire en projet de vie.
Creahi d'Aquitaine : Espace Rodesse - 103 ter, rue Belleville - 33063 Bordeaux cedex - Tél. 05 57 01 36 50 - 15 € (+ 3 € de frais d'envoi).
Si la notion de prévention fait bien évidemment consensus, reste à savoir quel type de prévention mettre en oeuvre pour éviter une intrusion publique sans limite dans la vie des personnes. Face aux injonctions des politiques publiques visant de plus en plus à la disparition du risque, comment les travailleurs sociaux peuvent-ils inscrire leur action dans une approche non prédictive et non discriminante des populations ? C'est la question qu'a posée la direction de la prévention et de l'action sociale du conseil général de la Seine-Saint-Denis, lors d'une journée de réflexion le 9 novembre 2006. L'occasion de déployer l'approche prédictive sous de multiples registres comme les libertés publiques, la question sociale, la santé publique ou la justice des mineurs.
Disponible auprès de Bernard Pelligrini, chargé d'études à la direction de la prévention et de l'action sociale du conseil général de Seine-Saint-Denis -