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Plusieurs mesures du projet de loi sur l'immigration « portent gravement atteinte à la dignité de la personne », selon la commission des droits de l'Homme

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Dans un avis également adopté le 20 septembre (1), les membres de la commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) ont ajouté leurs voix aux nombreuses critiques émises à l'encontre du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile (2), d'ores et déjà adopté en première lecture par l'Assemblée nationale et qui sera examiné par le Sénat à partir du 2 octobre.

Avant même toute critique sur le fond, la commission regrette de ne pas avoir été saisie une fois encore sur un projet de texte concernant pourtant au premier chef les droits de l'Homme et les libertés fondamentales. Elle déplore par ailleurs de voir la législation sur les étrangers de nouveau modifiée et se montre à cet égard « très préoccupée de sa complexification croissante ». « Il en résulte un droit extrêmement touffu, auquel, à l'exception de spécialistes, peu de personnes et surtout pas les principaux intéressés, c'est-à-dire les étrangers, ont la possibilité d'accéder », explique l'avis. Sans compter « qu'aucune évaluation des réformes successives n'a été réalisée et que des dispositions de la loi de 2006 n'ont pas encore toutes été accompagnées des nécessaires décrets d'application ».

S'agissant du texte en lui-même, nombreux sont les articles à ne pas trouver grâce aux yeux des membres de l'instance. Plusieurs dispositions portent en effet, selon eux, « gravement atteinte à la dignité de la personne et au respect de ses droits, et remettent en cause fondamentalement la doctrine française en matière de droits de l'Homme, notamment quant au respect du droit à la vie privée et familiale et du droit à un procès équitable ». Ils fustigent par exemple les restrictions apportées par le chapitre premier du projet de loi au droit de mener une vie familiale normale, qu'ils jugent incompatibles avec le principe d'égalité. Pour la commission, « la procédure de regroupement familial ainsi régulée est soumise à des conditions qui rendent son application aléatoire, voire discriminatoire ».

Dans le détail, la CNCDH se montre très critique notamment à l'égard des nouvelles exigences posées en matière de maîtrise de la langue française (3). Ainsi, indique l'avis, « si l'apprentissage du français dès le pays d'origine peut apparaître de prime abord comme une mesure favorisant l'intégration des familles, ce dispositif semble toutefois faire double emploi avec l'obligation qui sera imposée aux bénéficiaires du regroupement familial de conclure un contrat d'accueil et d'intégration une fois sur le territoire français, contrat qui prévoit lui aussi une formation linguistique et civique ». De plus, « il s'avère peu réaliste dans les faits et aurait au contraire pour conséquence d'exclure un nombre important de migrants ». L'instance consultative souligne encore le caractère contre-productif, selon elle, de ces dispositions. En effet, « il est illusoire de penser que les personnes concernées accepteront une séparation familiale pour ce motif ». Au contraire, il est « raisonnable d'anticiper qu'elles tenteront quand même de venir en France » et « viendront grossir les rangs des sans-papiers ».

La CNCDH s'indigne également de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement visant à introduire l'usage de tests ADN pour vérifier la réalité de la composition de la famille de l'étranger (4). Sur la méthode, elle exprime sa « très vive préoccupation » devant « l'introduction improvisée d'un amendement d'une telle importance, dont elle s'étonne qu'il n'ait pas figuré dans le projet de loi initial ». Par ailleurs, « au-delà des problèmes juridiques que soulève la mesure préconisée au regard notamment des principes posés par les lois «bioéthique» », elle rappelle la gravité de l'atteinte que l'usage des tests génétiques est susceptible de porter à la dignité des personnes, « ce qui explique que son champ d'application ait été jusqu'ici très étroitement circonscrit ». Et dénonce encore la « grave dérive » que constituerait, selon elle, « la banalisation de son usage par son application aux familles étrangères dans le seul but de vérifier la filiation de leurs membres ».

Notes

(1) Disponible sur www.cncdh.fr.

(2) Voir ASH n° 2523 du 21-09-07, p. 35.

(3) Rappelons que l'article 1er du projet de loi prévoit de soumettre les ressortissants étrangers âgés de plus de 16 ans qui sollicitent un regroupement familial à un test relatif à leur maîtrise de la langue française et à leurs connaissances des valeurs de la République. Si besoin, une formation dont le suivi conditionnerait l'autorisation de regroupement familial serait organisée dans le pays de résidence.

(4) Cet amendement a été supprimé, le 26 septembre, par la commission des lois du Sénat. Reste à savoir si les sénateurs entérineront cette décision lors de l'examen du texte en séance plénière.

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