Une circulaire interministérielle adressée aux préfets apporte certains éclairages sur les modalités du partage d'informations confidentielles détenues par les professionnels de l'action sociale organisé par l'article 8 de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance (1). Ces dispositions avaient, on s'en souvient, soulevé de vives inquiétudes du côté des travailleurs sociaux. L'administration se veut à cet égard rassurante, affirmant que le dispositif mis en place - destiné avant tout, « dans l'intérêt des personnes et des familles » concernées, à « renforcer l'efficacité ou la continuité de l'action sociale dont elles bénéficient » - est respectueux des règles déontologiques des professionnels (sur la réaction - plutôt positive - de l'Association nationale des assistants de service social, voir ce numéro, page 46).
Qui sont les « professionnels de l'action sociale » visés par l'article 8 de la loi du 5 mars 2007 ? Les travailleurs sociaux chargés de l'accompagnement ou du suivi des personnes ou des familles en difficulté sont bien entendu les premiers concernés. En particulier, précise la circulaire, les assistants de service social, les éducateurs spécialisés, les conseillers en économie sociale familiale, les techniciens de l'intervention sociale et familiale, les aides à domicile et les assistants familiaux. Mais sont également visés les médiateurs sociaux en contact direct avec les personnes - agents locaux de médiation sociale, agents de médiation sociale et culturelle ou « femmes-relais », agents d'ambiance et correspondants de nuit - ainsi que tous les professionnels de l'action sociale qui interviennent au service des familles, « comme les assistants maternels dont le rôle n'est pas d'assurer l'accompagnement ou le suivi de familles en difficulté mais qui peuvent être amenés à connaître de situations difficiles ou à prendre en charge des enfants appartenant à ces familles, avec l'appui des services sociaux compétents ».
La circulaire rappelle que le dispositif prévu par l'article 8 de la loi du 5 mars 2007 comporte quatre volets. Premièrement, il prévoit que tout professionnel de l'action sociale intervenant auprès d'une personne ou d'une famille doit informer le maire de la commune de résidence et le président du conseil général de la situation lorsque l'aggravation des difficultés sociales, éducatives ou matérielles nécessite l'intervention de plusieurs professionnels. Deuxièmement, s'il le juge nécessaire, le maire peut désigner parmi eux un coordonnateur après consultation du président du conseil général et accord de l'autorité dont relève le professionnel pressenti. Troisièmement, les travailleurs sociaux concernés sont autorisés à échanger entre eux des informations à caractère secret aux seules fins d'accomplissement de la mission d'action sociale, laquelle consiste à « évaluer la situation, déterminer les mesures d'action sociale nécessaires et les mettre en oeuvre ». Enfin, quatrièmement, le coordonnateur - ou, en l'absence de celui-ci, le professionnel intervenant seul - est autorisé pour sa part à communiquer au maire et au président du conseil général des informations confidentielles strictement nécessaires à l'exercice de leurs compétences.
Pour l'administration, loin de dénaturer les missions traditionnelles des professionnels de l'action sociale, ce dispositif de partage « maîtrisé » des informations « prend appui » sur la déontologie et les modes d'intervention de ces derniers. Il « repose sur la compétence des professionnels chargés d'évaluer la situation d'une personne ou d'une famille, de vérifier si elle bénéficie de l'intervention de plusieurs professionnels et, le cas échéant, de prendre la responsabilité d'informer le maire et le président du conseil général de la situation ». La circulaire souligne, à cet égard, que la décision de transmettre ou non une information confidentielle à ces deux autorités relève de la seule appréciation du coordonnateur ou, en l'absence de celui-ci, du professionnel intervenant seul. De même, la décision de partager des informations à caractère secret avec les autres professionnels relève de l'appréciation de chacun des intéressés. Autre précision : dans le cas où un professionnel envisage d'échanger des informations avec le maire et le président du conseil général, il est libre d'en informer ou non au préalable la personne ou la famille en difficulté concernée.
Le partage de l'information organisé par la loi du 5 mars 2007 « concilie le respect de la vie privée et la recherche d'une meilleure efficacité de l'action sociale », estime l'administration. Le cadre légal du secret partagé institué par l'article 8 s'applique à tous les professionnels concernés, « quelles que soient les différentes règles auxquelles ils sont par ailleurs respectivement assujettis au titre de leur profession, de leur secteur d'activité ou de leurs missions », souligne la circulaire. Ainsi, la consécration législative de ce secret partagé « garantit la sécurité des échanges entre les professionnels de l'action sociale appelés à intervenir auprès d'une même personne ou famille en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire ». En outre, insiste l'administration, en dehors du maire et du président du conseil général, seuls les élus titulaires d'une délégation de fonction de ces autorités sont habilités à recevoir des informations confidentielles.
A noter : la circulaire commente également la possibilité offerte désormais aux maires de mettre en place un conseil pour les droits et les devoirs des familles, nouvelle instance facultative présentée comme un « cadre de dialogue » entre les édiles et les personnes rencontrant des problèmes dans l'exercice de leur fonction parentale.