Avec « un début de mandature mené au pas de charge, personne ne pourra dire qu'il ne s'est rien passé en France en 2007 ». En introduisant ainsi le document de « rentrée sociale 2007-2008 » présenté à la presse le 25 septembre, Hubert Allier, directeur général de l'Uniopss (Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux) (1), évoque d'emblée les interrogations suscitées par les politiques à l'oeuvre. Des préoccupations qui portent sur « les nouveaux fondements du «faire société», du «vivre ensemble» qui nous est proposé ».
Certes, parmi ces changements figurent « des avancées considérables, telle la décision de créer un nouveau risque de protection sociale, la création d'un droit au logement opposable (DALO), l'expérimentation du revenu de solidarité active ou du contrat unique d'insertion », souligne Jean-Michel Bloch-Lainé, président de l'Uniopss, qui passera officiellement la main à Dominique Balmary lors du congrès de l'organisation, prévu du 13 au 15 novembre 2007 à Nantes. « Mais reste à voir comment leur donner des assises suffisamment fortes, pertinentes, pas seulement durables mais vivables. »
L'Uniopss reste notamment vigilante sur l'application de la loi DALO. D'une part parce que l'opposabilité ne résoudra rien sans construction de logements accessibles en nombre suffisant. Le premier projet de décret d'application (voir ce numéro, page 16) la laisse, d'autre part, perplexe. Après avoir été fortement critiqué dans sa première version, il a finalement été approuvé par le comité de suivi de la loi. Le ministère, en effet, a réintroduit les deux catégories de demandeurs prioritaires qui manquaient dans le texte, et supprimé la notion de « circonstances locales » au regard desquelles l'urgence de la demande pouvait être appréciée. « Néanmoins, l'Uniopss s'est abstenue car le délai d'attente pour les hébergés et les personnes en logement de transition avant d'être considérés comme prioritaires est trop long : respectivement six et 18 mois », explique Bruno Grouès, responsable du pôle « lutte contre l'exclusion et la pauvreté ». Et l'organisation n'a pas été la seule à réserver sa voix : il y a eu dix abstentions lors du vote du comité de suivi le 24 septembre (contre 16 voix pour) et 15 abstentions (contre 14 voix pour) au vote du Conseil national de l'habitat qui s'est tenu le même jour.
Egalement considérée comme un progrès, l'expérimentation du revenu de solidarité active (RSA) embarrasse l'organisation sur plusieurs points : « La priorité politique doit-elle être de donner plus à ceux qui ont un travail ? », s'interroge Bruno Grouès. « Si on considère le RSA tel que défini dans le rapport de la commission «Familles, vulnérabilités, pauvretés» de 2005, dans une perspective de mise en oeuvre en 2008, il représente un coût de 8 à 10 milliards d'euros. L'ensemble des dépenses pour le social s'élève à 33 milliards. Faut-il mettre tout ça sur un seul dispositif alors que lutter contre l'exclusion nécessite une action multidimensionnelle ? »
De façon plus générale, les orientations en matière de financement inquiètent l'union. Il semble « y avoir un gouffre entre les annonces dont certaines sont coûteuses, les financements à trouver dans certains domaines aux niveaux national (santé, retraites) et départemental (aides sociales) et les produits que l'on peut affecter à ces dépenses voulues par le législateur », détaille Hubert Allier. La sous-dotation dont ont été victimes les contrats aidés illustre ce décalage. Au final, ce sont les réseaux de l'insertion par l'activité économique, les associations et les collectivités locales qui risquent maintenant d'en faire les frais : le gouvernement a annoncé pour 2008 une réduction de 25 % des contrats aidés, qui connaissent déjà une décélération en 2007. Face à cette décision, l'Uniopss, qui dénonce un grave recul, à l'instar d'une dizaine d'associations, de la CFDT et de l'Assemblée des départements de France, demande « le retour aux engagements de la loi de cohésion sociale ».
Autre inquiétude majeure : les modalités de financement du système français de santé. Un « paquet fiscal qui prive l'Etat de recettes correspondant au financement de l'objectif national de dépenses de l'assurance maladie médico-social » (12 milliards d'euros), une réflexion sur de nouvelles taxations en panne... Alors que les nouvelles franchises médicales risquent, selon elle, de mettre en cause les solidarités intergénérationnelles (voir ce numéro, page 50), l'Uniopss redoute « une rupture dans le financement de la protection sociale mise en place par touches successives, sans débat global de fond... »
Dans ce contexte, l'organisation place la reconnaissance de la double dimension économique et sociale des associations au rang de ses priorités. Ce qui doit passer, selon elle, par la mise en oeuvre de la charte de coopération que l'Uniopss avait signée avec le ministère de l'Emploi et de la Solidarité en 2002, par une meilleure représentation des associations au Conseil économique et social et dans les conseils économiques et sociaux régionaux et par l'installation du Conseil national de la vie associative, renouvelé cette année mais qui n'a toujours pas repris ses travaux. « Nous allons nous adresser à Roselyne Bachelot, annonce Séverine Demoustier, conseillère technique, pour défendre la spécificité des associations, aujourd'hui confrontées à plusieurs évolutions qui risquent de nier leur rôle politique » : la généralisation des logiques de concurrence, l'encadrement de la gouvernance et de la gestion associative et l'uniformisation des services dans le cadre de la mise en oeuvre de l'évaluation conformément à la loi 2002-2. « En effet, la conception de la mission de l'Agence nationale de l'évaluation sociale et médico-sociale telle qu'elle ressort de son programme de travail fait apparaître une logique encore fortement descendante, en opposition avec la loi et ce que préconisent les représentants associatifs. »
Un autre enjeu dans la reconnaissance de la spécificité des services sociaux d'intérêt général est la transposition à venir, dans un projet de loi en juin 2008, de la directive européenne sur les services dans le marché intérieur. La direction générale de l'action sociale devrait réunir un groupe de travail sur le sujet en octobre. L'Uniopss souhaite enfin se saisir de la présidence française de l'Union européenne, au deuxième semestre 2008, pour participer à la poursuite du débat communautaire sur le statut des services sociaux et de santé d'intérêt général, avec, à la clé, l'adoption d'un cadre juridique à même de sécuriser les missions d'intérêt général de ces services.
(1) « Rentrée sociale 2007-2008 des associations sanitaires, sociales et médico-sociales - Enjeux politiques, budgets prévisionnels 2008 » - Uniopss : 15-17, rue Albert - 75013 Paris - Tél. 01 53 36 35 00.