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Le difficile accès aux soins des sans-papiers : une incurie européenne, dénonce Médecins du monde

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On le savait déjà difficile sur notre territoire. Mais de façon générale en Europe, l'accès aux soins des personnes en situation irrégulière n'est qu'un parcours semé d'embûches : alors que 15 % des sans-papiers de moins de 25 ans et 69 % des plus de 60 ans déclarent un état de santé mauvais ou très mauvais, ces populations précaires n'ont généralement pas accès à une couverture santé. C'est ce que révèle le premier rapport de l'Observatoire européen de l'accès aux soins créé par Médecins du monde en 2005 (1), présenté par l'association comme un « témoignage statistique » sur des situations qui n'ont encore jamais fait l'objet de publications officielles. L'enquête, réalisée de juillet 2005 à février 2006 dans sept pays (2) auprès de 835 personnes étrangères en situation irrégulière, a été rendue publique à l'occasion de la conférence « Santé et Migration dans l'UE », organisée les 27 et 28 septembre à Lisbonne sous l'égide de la présidence portugaise.

Parmi les personnes interrogées - des sans-papiers en situation précaire résidant depuis deux ans en moyenne sur le territoire -, 78 % peuvent, en théorie, bénéficier d'une couverture santé au vu de la législation nationale, avec de fortes disparités entre pays. Reste qu'un tiers d'entre elles ignorent leurs droits faute d'information. En la matière, ce sont la Belgique (où cette proportion atteint 40 %) et la France (45 %) qui font figure de plus mauvais élèves. Au total, faute d'être bien informés ou accompagnés dans leurs démarches, près de la moitié (43,5 %) des bénéficiaires potentiels d'une couverture santé n'ont pas fait les démarches pour y accéder.

Une fois les démarches engagées, les personnes en situation irrégulière se heurtent encore aux complexités administratives : parmi les personnes ayant demandé une couverture santé, la moitié ne disposait pas au jour de l'enquête d'attestation leur permettant d'accéder effectivement à des soins gratuits. Cette proportion, encore une fois, varie fortement d'un pays à l'autre : la situation est notamment critique en France (18 % ont vu leurs démarches aboutir au jour de l'enquête), en raison de la durée d'instruction des dossiers et du temps nécessaire pour l'envoi de l'attestation par courrier. Au total, 24 % de l'ensemble de l'échantillon dans les sept pays enquêtés ont effectivement accès à une couverture santé. La situation des personnes âgées de 55 ans ou plus se révèle particulièrement sombre (seules 10 % ont décroché leur attestation), comme celle des personnes sans domicile (25 %). « Le temps passé dans le pays d'accueil sans autorisation de séjour apparaît également discriminant », ajoute le rapport : les personnes les moins couvertes sont celles arrivées récemment ou au contraire installées depuis longtemps.

Au final, le rapport livre un constat peu surprenant mais alarmant : près de la moitié des personnes enquêtées souffrant de problèmes chroniques ne sont, dans les faits, pas couvertes et près de la moitié des personnes ayant déclaré au moins un problème de santé ont souffert d'un retard d'accès aux soins. Alors que les mineurs ont normalement accès aux soins dans les pays enquêtés, ils en sont souvent exclus et « la couverture vaccinale n'est pas satisfaisante ». L'intérêt de cette étude comparée est aussi de dresser une typologie des pays en matière d'accès aux soins, et par là même des dysfonctionnements à lever. Se distinguent ainsi ceux où les droits théoriques sont étendus mais où, dans la pratique, seule une minorité des personnes en bénéficie (la Belgique et la France), et ceux où les droits sont étendus et où une proportion « notable » de personnes y accède (l'Italie, l'Espagne et le Portugal). Le Royaume-Uni, où les personnes en situation irrégulière n'ont accès qu'aux consultations de médecine générale, constitue un cas à part, tout comme la Grèce, où les droits sont à la fois les plus restrictifs et les moins accessibles.

Enfin, au manque d'information, au coût des traitements, aux difficultés administratives et aux barrières linguistiques et culturelles, s'ajoutent les refus de soins par certains professionnels de santé. Une réalité bien tangible : lors de leur dernier problème de santé, 11 % des personnes interrogées ont essuyé un refus de prise en charge, taux encore plus élevé en Belgique (15 %) mais inférieur en Espagne (6 %). Pourtant, note Médecins du monde, la littérature médicale sur les discriminations de soins chez les migrants « est étonnamment rare en Europe » : seulement trois articles depuis 1992...

Ce premier état des lieux réalisé, il importe désormais de l'utiliser pour améliorer les politiques de santé publique en Europe à l'égard des migrants, conclut Médecins du monde. Pour reconnaître un « droit à l'accès effectif aux soins et à la prévention opposable » pour chaque résident étranger, l'association demande que les institutions européennes s'accordent sur « des normes contraignantes qui obligent chaque pays membre à assurer concrètement l'accès aux soins des personnes vulnérables et en particulier migrantes, quel que soit leur statut ». Dans cet objectif, elle propose qu'« une charte pour la santé de toutes les personnes étrangères en Europe », incluant des dispositions sur les soins aux mineurs, sur l'accueil sanitaire des demandeurs d'asile, sur les centres de rétention ou encore sur le droit au séjour des personnes gravement malades, soit intégrée et appliquée dans la prochaine stratégie de santé de l'Union européenne.

Notes

(1) Enquête européenne sur l'accès aux soins des personnes en situation irrégulière - Médecins du monde : 62, rue Marcadet - 75018 Paris - Tél. 01 44 92 13 87 - www.mdm-international.org.

(2) La Belgique, l'Espagne, la France, la Grèce, l'Italie, le Portugal et le Royaume-Uni.

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