Alors qu'une poignée d'entre eux avait réussi tant bien que mal à fonctionner jusqu'ici, les comités de liaison et de coordination des services sociaux (Clicoss) n'auront bientôt plus d'existence juridique. Le décret du 7 janvier 1959, qui les avait rendus obligatoires dans chaque département, afin d'éviter le chevauchement des interventions sociales et favoriser le partenariat entre les professionnels au niveau d'un territoire, devrait être abrogé prochainement. Du coup, le Mouvement national pour la promotion de la coordination en travail social (MNPCTS) a décidé le 21 septembre sa dissolution, qui sera effective au 31 décembre prochain.
Une décision prise non sans regret. « Nous avons le sentiment d'un immense gâchis, souligne Christine Garcette, présidente du Mouvement. Comment expliquer, alors que chaque nouvelle loi sociale réinsiste sur la nécessité de la coordination, qu'on se prive de structures qui ont fait leurs preuves ? » Des structures qui, il est vrai, ont souffert de l'ambiguïté de leur positionnement. Instaurées après la guerre, ces instances partenariales, présidées par le préfet, sont dotées en effet de la capacité juridique et d'un budget propre financé par les employeurs publics et privés adhérents. Ce qui ne les met pas à l'abri du retrait éventuel d'un partenaire-financeur. C'est ainsi que les comités ont connu les affres des mouvements de décentralisation, exposés en première ligne aux rapports de force entre les conseils généraux et les directions départementales des affaires sanitaires et sociales. Conséquence : sur les quarante comités instaurés depuis 1959, seuls huit fonctionnaient encore cette année, tandis qu'une quinzaine sont en veille.
« Le Mouvement national pour la promotion de la coordination en travail social s'était créé en 1984, dès la première phase de décentralisation, pour que la fonction de coordination soit maintenue. Nous demandions, déjà à l'époque, que le décret de 1959 soit revu pour tenir compte de l'évolution de l'action sociale et des transferts de compétences », rappelle Christine Garcette, qui regrette que les comités, « ces petites structures de trois à cinq personnes, souples et très réactives », ne puissent pas continuer à exister sous une autre forme juridique. C'est au début de l'année 2006 que la DGAS (direction générale de l'action sociale) a annoncé la décision d'abroger le décret du 7 janvier 1959. « Une lettre du parquet de la Cour des comptes nous l'intimait car le fonctionnement des Clicoss - notamment leur système de cotisation obligatoire - ne correspondait plus aux normes budgétaires et comptables françaises », explique Maryse Chaix, sous-directrice de l'animation territoriale et du travail social à la DGAS. Une décision également justifiée, explique-t-elle, par la loi du 13 août 2004, qui confie aux conseils généraux le rôle de chef de file de l'action sociale et, à ce titre, la coordination des politiques sociales territoriales.
Prévu au départ pour paraître à la fin décembre 2006, mais retardé de nombreuses fois, en raison notamment de l'élection présidentielle, au point de devenir l'Arlésienne, le décret d'abrogation est passé finalement en mai dernier au Conseil d'Etat. Actuellement à la signature des ministres, il doit être publié de façon imminente.
L'année 2007 a donc été vécue dans un climat de grande incertitude. Certains Clicoss ont ainsi disparu en raison du retrait des financeurs : c'est le cas en Seine-et-Marne, prochainement en Indre-et-Loire et en Moselle et, probablement, dans le Gard. Le comité de l'Hérault négocie actuellement avec l'IRTS de Languedoc-Roussillon en vue de son rattachement éventuel sur une ligne budgétaire annexe. Dans l'Isère et le Bas-Rhin, des discussions sont en cours pour qu'une partie des activités soit reprise par le conseil général. « Finalement c'est dans la Seine-Saint-Denis que nous sommes les mieux lotis, affirme Christine Garcette, qui est aussi déléguée du Clicoss 93 (1). Depuis le 1er septembre, le personnel et notre activité sont repris par la direction de la prévention et de l'action sociale du conseil général. Et surtout, nos missions, qui visent à favoriser le partenariat entre tous les professionnels de l'action sociale et médico-sociale, ne changent pas. »
C'est donc un sentiment d'amertume qu'éprouvent aujourd'hui les déléguées des Clicoss. Amertume de constater que leurs nombreuses interpellations de la DGAS, et même de l'Assemblée des départements de France, pour réfléchir à l'avenir des comités sont restées lettre morte. Que toutes les activités qu'elles avaient mises en place dans leur département - information, animation, journées d'étude, groupes de travail thématiques permettant parfois de pointer certains dysfonctionnements, production d'écrits... - ne pèsent finalement pas bien lourd. Un jugement que tempère toutefois Maryse Chaix. « Prenant en compte le fait que les huit Clicoss donnaient toute satisfaction, nous avons recherché toutes les solutions possibles avant de décider l'abrogation du décret. Mais nous ne pouvions pas maintenir les comités. Par ailleurs, explique-t-elle, des mesures transitoires prévoient qu'il soit mis fin aux Clicoss au plus tard le 1er juillet 2008 pour permettre que les délibérations puissent avoir lieu, que la liquidation des actifs et passifs se passent au mieux et que la situation des agents soit examinée avec attention. En cas de licenciement si aucune solution n'est trouvée, les règles relatives aux contractuels de droit public s'appliqueront » (2).
Au-delà de l'avenir des Clicoss, c'est la question de la coordination de l'action sociale et médico-sociale qui est posée, estime Christine Garcette : « Avec la décentralisation et les nouvelles politiques sociales, il faut trouver des formes de coordination pour accompagner les professionnels. On les sent très démunis par rapport à tout ce qu'on leur demande de faire et il y a besoin de lieux pour mutualiser les expériences. » Un besoin ressenti également à la DGAS, qui estime, pour sa part, que la coordination s'est déjà développée sous d'autres formes, notamment dans les départements qui n'ont pas de comité.
Pas question, en tout cas, pour les déléguées des Clicoss, que leur action s'arrête avec l'abrogation du décret de 1959. « Même si les unes ou les autres, nous sommes appelées à d'autres fonctions, nous continuerons à travailler où que nous soyons pour que les travailleurs sociaux puissent se rencontrer et réfléchir ensemble. Une page d'histoire se tourne, mais l'objectif de la coordination perdure. »
(1) L'Assemblée générale de dissolution du Clicoss 93 devait se tenir le 27 septembre.
(2) Les contrats de travail des salariés de ces établissements publics administratifs dépendent du droit privé.