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« Il faut démythifier le travail social communautaire »

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Dans une société de plus en plus métissée, le travail social doit retrouver la dimension communautaire, défend un collectif de professionnels, qui a décidé de sensibiliser les travailleurs sociaux et les institutions à cette méthode d'intervention. Entretien avec José Dhers, l'un des initiateurs de la démarche (1).
Pourquoi vouloir revisiter la question communautaire dans le travail social ?

Nous sommes plusieurs professionnels à constater les difficultés de notre modèle républicain d'intégration à appréhender une société de plus en plus diverse et métissée. La montée continue des violences nous amène à penser que la problématique communautaire, mettant en avant les communautés de vie et de quartier, peut être le lieu privilégié de l'intégration des différences, dès lors que les populations concernées sont accompagnées. Pourtant le travail social français, centré essentiellement sur la dimension individuelle et l'approche « psychologisante », a du mal à travailler avec les communautés territoriales, ethniques, culturelles ou religieuses.

Pour vous, les actions collectives n'intègrent pas suffisamment la dimension communautaire...

Regardez comme le terme « communautaire » suscite des réticences ! En 1988, le Conseil supérieur de travail social a préféré utiliser l'expression de « travail social d'intérêt collectif » pour désigner l'action collective et le travail social communautaire. Aujourd'hui, il est politiquement correct de parler de développement social local. Il faut crever l'abcès et démythifier le concept « communautaire », aussitôt assimilé à « communautariste » et perçu comme dangereux. La réforme du diplôme d'Etat d'assistant de service social en 2004 a renforcé l'enseignement de la pratique de l'intervention sociale d'intérêt collectif. C'est certes une avancée, mais trop de stages ne proposent qu'une gestion collective d'actions individuelles. Par ailleurs, sous le terme de développement social local, on monte souvent des actions collectives qui ne prennent en compte qu'une catégorie d'usagers et ne parviennent pas à une solution globale. Notre approche repose sur la prise en compte de l'individu dans son territoire, sa communauté de vie, et de sa capacité à se remettre en mouvement grâce à l'entraide du groupe et à la solidarité dans la communauté. Dans les quartiers en difficulté, cette pratique peut utilement compléter le travail social individuel en évitant une mise à l'écart de communautés, notamment ethniques, et donc les risques de repli communautaire.

Mais cette pratique n'est pas récente en France !

Effectivement, le travail social communautaire s'est développé à la fin du XIXe siècle avec la professionnalisation des assistants sociaux et le développement des centres sociaux. Malheureusement, toutes ces expériences, extrêmement riches, n'ont pas réussi à s'imposer en France alors qu'elles se sont développées en Grande-Bretagne, en Italie ou en Belgique. Paradoxalement, alors qu'il aurait pu faciliter la mise en oeuvre du concept d'« empowerment » (2), l'acte I de la décentralisation a conforté le travail social individuel, renforcé encore aujourd'hui par l'approche catégorielle des dispositifs et l'accroissement des tâches bureaucratiques. Même s'il y a une injonction à développer les actions collectives, les politiques ciblées, cloisonnées dans leur financement et calées sur des résultats chiffrés à court terme, vont à contre-courant de celles-ci ! Il faut réintégrer dans les politiques publiques et les savoir-faire des travailleurs sociaux l'approche communautaire.

Comment y parvenir ?

L'appel que nous avons lancé en décembre 2006 (3) a recueilli un écho important auprès des travailleurs sociaux, des professionnels du développement social local, des sociologues et des formateurs. Un séminaire de réflexion a été constitué et devrait se réunir à nouveau en assemblée plénière le 14 janvier 2008 au Cedias-Musée social. L'objectif est de lever les ambiguïtés de la notion de travail social communautaire, de repérer les pratiques et de valoriser une méthodologie d'intervention. Parallèlement, nous essayons d'inciter à la création de séminaires régionaux afin de ne pas rester enfermés dans nos murs parisiens. Nous avons également commencé à tisser des liens avec l'Assemblée des départements de France, l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée et l'Association des régions de France. C'est une réflexion de longue haleine, qui devrait aboutir à l'organisation d'un colloque au second semestre 2008. Nous voulons susciter un débat sur l'approche communautaire qui, même si elle doit être abordée avec prudence et compétence, ne peut plus être éludée.

Notes

(1) Et chargé de développement social à l'Association de développement des ressources humaines et sociales. Contact : jdhers@wanadoo.fr. ou consulter le site www.irdsu.net/-developpement-social-local-travail.

(2) Concept anglo-saxon désignant la capacité des personnes et des territoires à prendre en charge leur développement.

(3) Voir ASH n° 2487 du 29-12-06, p. 31 et n° 2498 du 16-03-07, p. 31.

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