Afin, notamment, d'inciter les prostituées étrangères à dénoncer réseaux et proxénètes, la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration a ouvert la possibilité de délivrer une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » à l'étranger qui « dépose une plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions de proxénétisme et de traite des êtres humains ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions » (1). Le décret permettant la pleine application de cette mesure vient de paraître. Il fixe les règles d'admission au séjour, de protection, d'accueil et d'hébergement de cette catégorie d'étrangers.
Le service de police ou de gendarmerie qui « dispose d'éléments permettant de considérer qu'un étranger victime d'une des infractions constitutives de la traite des êtres humains ou du proxénétisme est susceptible de porter plainte contre les auteurs de cette infraction ou de témoigner dans une procédure pénale contre une personne poursuivie pour une infraction identique » doit dorénavant l'informer :
de la nouvelle possibilité d'admission au séjour prévue par la loi et du droit corrélatif à l'exercice d'une activité professionnelle ;
des mesures d'accueil, d'hébergement et de protection dont l'intéressé peut bénéficier en échange de sa coopération (voir ci-dessous) ;
des droits mentionnés à l'article 53-1 du code de procédure pénale dont il bénéficie, et notamment de la possibilité d'obtenir une aide juridique pour faire valoir ses droits.
Les forces de l'ordre doivent également informer l'intéressé qu'il dispose d'un délai de réflexion de 30 jours pour bénéficier ou non de la possibilité d'admission au séjour.
Toutes ces informations - qui doivent être données dans une langue que l'étranger comprend et « dans des conditions de confidentialité permettant de le mettre en confiance et d'assurer sa protection » - peuvent être « fournies, complétées ou développées » auprès des intéressés par des organismes de droit privé à but non lucratif, spécialisés dans le soutien aux personnes prostituées ou victimes de la traite des êtres humains, dans l'aide aux migrants ou dans l'action sociale, désignés à cet effet par le ministre chargé de l'action sociale.
L'étranger qui a choisi de bénéficier du délai de 30 jours reçoit du préfet (ou, à Paris, du préfet de police) un récépissé de même durée. Le délai court à compter de la remise de ce document. Pendant ces 30 jours, aucune mesure d'éloignement ne peut être prise à l'encontre de l'intéressé. Ce délai peut néanmoins être interrompu à tout moment et le récépissé retiré, si l'étranger a, de sa propre initiative, renoué un lien avec les personnes dénoncées ou si sa présence constitue une menace grave pour l'ordre public.
Pendant le délai de réflexion, l'étranger bénéficie :
du droit d'exercer une activité professionnelle et de suivre une formation professionnelle ;
de l'allocation temporaire d'attente (2) ;
d'un accompagnement social destiné à l'aider à accéder aux droits et à retrouver son autonomie, assuré par un des organismes de droit privé à but non lucratif précités ;
en cas de danger, d'une protection policière pendant la durée de la procédure pénale.
En outre, les soins qui lui sont délivrés sont pris en charge dans le cadre de l'aide médicale de l'Etat.
A noter : dans le cas particulier où la victime est mineure, le service de police ou de gendarmerie doit informer le procureur de la République de la situation, à charge pour ce dernier de déterminer les mesures de protection appropriées.
Les étrangers qui ont choisi la voie de la coopération avec les autorités judiciaires se voient délivrer une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » d'une durée minimale de six mois, sous réserve toutefois que leur présence ne constitue pas une menace à l'ordre public et qu'ils aient rompu tout lien avec les auteurs présumés des infractions dénoncées (3).
Ce titre de séjour leur ouvre les mêmes droits que ceux dont ils disposaient pendant le délai de réflexion accordé en début de procédure. Ils bénéficient toutefois, en plus, de l'ouverture des droits à une protection sociale, à condition de résider en France métropolitaine ou dans un département d'outre-mer de façon stable et régulière. S'ils ne remplissent pas cette condition, ils peuvent bénéficier de l'aide médicale de l'Etat.
Aussi et surtout, la carte de séjour « vie privée et familiale » ouvre à l'étranger victime des réseaux l'accès aux dispositifs d'accueil, d'hébergement, de logement temporaire et de veille sociale pour les personnes défavorisées, et notamment aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale. Si sa sécurité nécessite un changement de lieu de résidence, l'intéressé peut être orienté vers le dispositif national d'accueil des victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme, mis en oeuvre par voie de convention entre le ministre chargé de l'action sociale et l'association qui assure la coordination de ce dispositif.
Le titre de séjour peut lui être retiré si son titulaire a, de sa propre initiative, renoué un lien avec les personnes dénoncées, si sa présence constitue une menace pour l'ordre public ou encore si son dépôt de plainte ou son témoignage est mensonger ou non fondé. En revanche, en cas de condamnation définitive des personnes mises en cause, une carte de résident pourra lui être délivrée, comme la loi le prévoit.
A noter : l'étranger victime de la traite des êtres humains ou du proxénétisme qui est titulaire d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », peut, s'il souhaite retourner dans son pays d'origine ou se rendre dans un autre pays, bénéficier du dispositif d'aide au retour financé par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (4).
(3) Si la victime en question est un mineur âgé d'au moins 16 ans, il pourra, malgré sa minorité, se voir délivrer cette même carte, sous les mêmes conditions, s'il déclare vouloir exercer une activité professionnelle salariée ou suivre une formation professionnelle.