C'est à l'occasion du 40e anniversaire de l'Association des journalistes de l'information sociale, le 18 septembre, que le président de la République a choisi de préciser ses orientations en matière de politique sociale. Revenant sur les réformes que le gouvernement est en train d'engager dans ce domaine, il a également annoncé l'ouverture de nouveaux chantiers et fixé aux acteurs concernés un calendrier serré. Une accélération que le chef de l'Etat a justifié par la nécessité d'élaborer sans tarder un « nouveau contrat social », rompant avec l'organisation actuelle qui produit, selon lui, « plus d'injustice que de justice ».
Premier des trois axes de sa stratégie : « remettre le travail et l'emploi au coeur [des] politiques sociales ». Ce qui suppose, d'abord, que le système social « incite à travailler plutôt qu'à rester inactif ». A cette fin, un certain nombre de minima sociaux et de prestations sociales, ainsi que la prime pour l'emploi, vont être réexaminés, a rappelé Nicolas Sarkozy, qui souhaite que ce chantier aboutisse en 2008. A ce jour, une première étape est déjà engagée avec l'expérimentation du revenu de solidarité active (1).
Le chef de l'Etat, par ailleurs, veut assouplir à nouveau les 35 heures, en donnant « une place plus importante à la négociation d'entreprise et de branche dans la détermination de la durée collective du travail » et en permettant éventuellement aux salariés de « préférer, s'ils le souhaitent, la rémunération au temps libre ».
Promouvoir le travail, c'est aussi, pour lui, mettre fin au « gâchis insensé » qu'est la mise à l'écart des travailleurs dès 50-55 ans. Il a donc demandé au gouvernement de « supprimer les verrous fiscaux, sociaux et réglementaires qui pénalisent ceux qui voudraient continuer à travailler et qui incitent les entreprises et les administrations à négliger les seniors dans leur gestion des ressources humaines ». En particulier, les mises à la retraite d'office avant 65 ans seront supprimées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. Par ailleurs, les préretraites seront plus lourdement taxées, et les dispenses de recherche d'emploi progressivement supprimées. Nicolas Sarkozy a en outre invité les partenaires sociaux à traiter la question de l'emploi des seniors dans le cadre de leurs négociations sur l'assurance chômage.
Deuxième axe stratégique, « la conciliation de la mobilité et de la sécurité, pour les salariés comme pour les entreprises ». Cela suppose, tout d'abord, de réformer le contrat de travail, un thème difficile dont se sont emparés les partenaires sociaux. Ils ont jusqu'à la fin de l'année pour conclure un accord dégageant des compromis en la matière, qui sera alors repris par la loi. A défaut, l'Etat reprendra la main et fera passer « les mesures appropriées », a rappelé le président de la République. Sans attendre, il a évoqué deux pistes : « la promotion de modes de rupture négociée » et « des procédures simplifiées devant les prud'hommes ». Selon lui, la réflexion engagée doit aussi porter sur la période d'essai, les indemnités de licenciement, la manière d'assurer une plus grande fluidité dans le passage d'un contrat à durée déterminée à un contrat à durée indéterminée, la transférabilité des droits à la formation...
Autre impératif : améliorer la performance du service public de l'emploi. Le chef de l'Etat souhaite « un opérateur qui offre un service public universel et intégré pour tous les demandeurs d'emploi, qu'ils soient indemnisés ou non ». C'est dans ce cadre que s'inscrit la fusion de l'ANPE et de l'Unedic, qui, a-t-il prévenu, se fera malgré les réticences que ce projet suscite. Il a d'ailleurs demandé à la ministre de l'Emploi de lui faire dans les 15 jours des propositions sur ce processus, sur la base desquelles des discussions s'engageront avec les partenaires sociaux. Pour le président de la République, il faut aussi pouvoir compter sur « une indemnisation du chômage plus juste et efficace ». C'est-à-dire une indemnisation qui, dans certains cas, se montre « plus généreuse qu'aujourd'hui » et couvre « une plus grande proportion de chômeurs, notamment les jeunes et les précaires », mais aussi une indemnisation qui soit « parfois de plus courte durée » et s'interrompe « quand le bénéficiaire refuse les offres valables d'emploi ou de formations qui lui sont proposées ». Les partenaires sociaux, saisis de la remise à plat du système, et le gouvernement devront veiller à la cohérence de l'ensemble. « Ce sera tout particulièrement le cas des sanctions à appliquer lorsqu'un demandeur d'emploi refuse deux offres valables d'emploi ou une formation », sanctions qui, « pour des raisons d'efficacité », devront être prononcées par le « nouvel organisme issu de la fusion ANPE/Unedic ».
Concilier mobilité et sécurité passe, enfin, par un système de formation professionnelle plus efficace. Il souhaite que, à l'occasion de leurs négociations sur la sécurisation des parcours professionnels, les partenaires sociaux s'emparent de ce sujet et que, avec eux et les régions, le gouvernement mène à bien cette réforme, qui « devra être engagée au cours des prochaines semaines ».
Troisième principe directeur du chef de l'Etat : « trouver un juste équilibre entre la responsabilité, qu'elle soit collective ou individuelle, et la solidarité ». Dans ce cadre, il a confirmé son intention d'intensifier la lutte contre la fraude, « qui n'a jamais été une politique réellement assumée et appliquée en France ». Il a ainsi proposé que « les fraudeurs aux prestations sociales perdent leurs droits pendant une ou plusieurs années selon la gravité de leur fraude ». Et, pour les entreprises, que soient mises en place des « peines planchers forfaitaires », dans la mesure où il est difficile de prouver à quel moment la fraude a commencé.
Le président de la République a par ailleurs confirmé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 - dont les grandes lignes doivent être présentées le 24 septembre (2) - prévoira l'instauration de franchises médicales (3). Ce texte devra aussi prolonger l'effort en vue du redressement des comptes de l'assurance maladie, notamment en prévoyant des réformes structurelles, telles que « la révision de tous les dispositifs sociaux qui favorisent le retrait du marché du travail », a expliqué Nicolas Sarkozy, qui s'appuie notamment sur la recommandation que fait la Cour des comptes sur le complément optionnel de libre choix d'activité dans un rapport présenté le 12 septembre (voir ce numéro, page 9). Le chef de l'Etat a également demandé à la ministre de la Santé de « rendre dès maintenant beaucoup plus efficace la démarche dite de «maîtrise médicalisée» [des dépenses], en concertation avec tous les acteurs de la santé ». Sont principalement visés les soins de ville, responsables en grande partie de l'aggravation du déficit de la branche maladie en 2006 ((4)). S'agissant des affections de longue durée, dont les dépenses « dérapent chaque année de manière incontrôlable », Roselyne Bachelot doit concentrer ses efforts sur la « prise en charge de ce qui est essentiel », à partir des travaux de la Haute Autorité de santé. Plus globalement, Nicolas Sarkozy demande à son gouvernement d'ouvrir un grand débat sur le financement de la santé, pour déterminer ce qui relève de la solidarité nationale et de la responsabilité individuelle à travers une couverture complémentaire. Il devra en tirer les conclusions au premier semestre 2008.
Parce que « la solidarité doit rester le fondement de l'assurance maladie [et que] le développement de la prise en charge par les régimes complémentaires ne doit pas se faire au détriment des plus fragiles », le président de la République entend à nouveau revaloriser le montant de l'aide à l'acquisition d'une couverture complémentaire santé. Il a aussi confirmé sa volonté de créer une « cinquième branche » de sécurité sociale, « nouveau droit à la protection sociale, commun à l'ensemble des personnes en situation de perte d'autonomie, handicapées et personnes âgées ». Parallèlement, en complément de la solidarité nationale, il prône le développement de l'assurance individuelle contre le risque dépendance, assurant que les produits d'épargne longue répondant à cette problématique seront « fiscalement avantagés ». Ils devront offrir une sortie en rente en cas de réalisation du risque, mais aussi en nature, sous la forme d'un panier de prestations de services, a précisé le chef de l'Etat. Ce chantier doit aboutir au premier semestre 2008.
Du côté des retraites, Nicolas Sarkozy a lancé la réforme des régimes spéciaux de retraite, l'objectif étant de les aligner sur celui de la fonction publique. Pour qu'elle soit prête avant la fin de l'année, Xavier Bertrand, ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité, a entamé, dès le 19 septembre, avec les acteurs concernés, des discussions qui « ne devront pas excéder deux semaines ». Au-delà, il faut aussi préparer le « rendez-vous » 2008 sur les retraites du régime général prévu par la loi Fillon de 2003. Dans ce cadre, une conférence tripartite (gouvernement, syndicats et patronat) sur la revalorisation des retraites devrait être organisée prochainement. La réforme devra être bouclée au cours du premier semestre 2008 et inclura la revalorisation des petites pensions de retraite et de réversion.
(2) Le texte devrait ensuite être présenté en conseil des ministres le 10 octobre et discuté à l'Assemblée nationale à compter du 23 octobre.