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Comptes sociaux : la Cour des comptes plaide pour une meilleure utilisation des deniers publics au sein des branches famille et maladie

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«Les solutions actuellement retenues ne sont pas à la hauteur de la gravité de la situation financière de la sécurité sociale et de l'importance de son endettement », estime la Cour des comptes dans son rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale rendu public le 12 septembre (1), quelques jours avant la présentation du projet de loi pour 2008, prévue le 24 septembre. Même si, en 2006, le déficit du régime général a été réduit à 8,7 milliards d'euros (contre 11,6 milliards en 2005), la situation reste grave. Sans revenir sur le détail des comptes sociaux présentés en juin par la commission des comptes de la sécurité sociale (2), qu'elle ne conteste pas, la Cour des comptes s'est, cette année, attachée à examiner de près les dépenses de chaque branche, notamment celles de la famille, ainsi que la politique plus globale d'aides publiques aux familles prise sous l'angle « du bon usage des deniers publics et de la cohérence de leur utilisation ». Et tire un premier bilan - très critique - de la réforme de l'assurance maladie. Dans l'ensemble, ce travail lui a permis d'identifier des pistes de réformes qui pourraient également constituer des sources d'économies.

La politique d'aides publiques aux familles, source d'économies potentielles

Depuis 2004, les comptes de la branche famille se dégradent, essentiellement du fait de la montée en charge de la prestation d'accueil du jeune enfant et de la croissance des dépenses d'action sociale. Les prestations versées par les caisses d'allocations familiales ont ainsi représenté près de 35 milliards d'euros en 2005 sur un total de dépenses de 52 milliards d'euros. Toutefois, selon le ministère de la Santé, les comptes devraient s'améliorer d'ici à 2010 pour afficher un excédent de deux à trois milliards d'euros. Même si c'est un « système relativement équilibré du point de vue de l'objectif de compensation du coût de l'enfant », « des insuffisances subsistent néanmoins, liées à la faible compensation du coût du premier enfant, voire du deuxième enfant, et au surcoût des adolescents par rapport aux enfants plus jeunes », constate la Cour des comptes.

Demandant une meilleure utilisation des deniers publics, elle suggère que « plusieurs dépenses fiscales [soient] remises en cause, de même que les majorations pour enfants ». Selon le ministère des Finances, les principales dépenses fiscales en faveur des familles (exonération des prestations familiales d'impôt sur le revenu, réduction d'impôt pour frais de garde des enfants âgés de moins de 6 ans, majoration pour enfants de la prime pour l'emploi...) peuvent être estimées entre trois et quatre milliards d'euros. Fiscaliser les allocations familiales pourrait s'avérer, selon la Cour des comptes, une piste à exploiter. Un inconvénient toutefois : cela rendrait imposable un grand nombre de familles qui ne le sont pas aujourd'hui et qui bénéficient à ce titre de divers avantages connexes. Autres mesures suggérées : supprimer, pour le calcul du quotient familial, la demi-part octroyée au contribuable vivant seul ayant élevé des enfants, qui n'a « aucune justification convaincante », selon l'instance. Ou encore revenir sur la possibilité laissée au jeune adulte percevant l'allocation de logement sociale d'être rattaché fiscalement au foyer de ses parents jusqu'à 21 ans ou, s'il est étudiant, 25 ans. Quoi qu'il en soit, les ministres chargés du travail, de la santé et du budget ont assuré que « la révision générale des politiques publiques d'une part, et le rendez-vous sur les retraites de 2008 d'autre part, seront l'occasion d'un réexamen global et cohérent destiné à en améliorer à la fois l'équité et l'efficacité ».

Du point de vue de l'objectif de conciliation entre la vie familiale et professionnelle, le rapport estime que « l'effort financier important réalisé ces dernières années n'a pas été aussi efficient qu'il aurait pu l'être, engendrant des effets d'aubaine ou se traduisant par une utilisation peu rationnelle ou sous-optimale des fonds » et que le « niveau de financement public des différents modes de garde mériterait d'être réexaminé à la lumière de plusieurs critères : la maîtrise des dépenses publiques, l'équité et la cohérence ». Pour illustrer son propos, la Cour des comptes pointe, par exemple, les taux d'effort « excessivement bas » (3) des familles ayant recours à une crèche « au regard du coût collectif de ce mode de garde et du privilège que peut représenter de fait une place de crèche dans un contexte de rareté de l'offre », et suggère de « relever le montant des participations familiales, afin que les familles acquittent une part plus substantielle du coût du fonctionnement des structures ». Il importe aussi, selon elle, que « le niveau de financement public des différents modes de garde soit modulé en fonction du niveau de revenu des ménages y recourant ». Car, de ce point de vue, explique-t-elle, « le niveau de financement public de la garde à domicile, toutes aides publiques confondues, peut sembler excessif », dès lors que ce mode de garde bénéficie pour une large part aux ménages les plus aisés : à partir d'un niveau de revenu égal à cinq fois le SMIC, le coût pour la collectivité d'un enfant gardé à domicile est supérieur à celui d'un enfant gardé en crèche. Autre volet étudié, les aides au retrait d'activité. Parmi elles, le complément optionnel de libre choix d'activité (4) n'emporte pas le succès escompté, explique l'instance, « notamment parce que le congé court à compter de la naissance et non de la fin du congé maternité, plus long pour le troisième enfant ». En outre, certaines familles y recourent seulement faute de solution d'accueil disponible ou financièrement abordable. Dans un tel contexte, le rapport préconise « un resserrement des conditions d'activité antérieure requises pour être éligible à l'aide » (5) afin « d'éviter qu'un enchaînement de congés ne conduise à éloigner durablement les femmes peu qualifiées du marché du travail » et, parallèlement, l'instauration d'« incitations financières à la reprise d'activité ciblées sur les publics les plus éloignés de l'emploi ».

La gouvernance de l'assurance maladie à revoir

La Cour des comptes se montre par ailleurs sévère à l'égard de la nouvelle gouvernance de l'assurance maladie mise en place par la loi du 13 août 2004. Elle s'attaque notamment à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie. Alors que sa mission consiste en la négociation et la signature d'accords ou de conventions concernant le fonctionnement et les orientations de l'assurance maladie, elle s'est vu confier des questions qui, par nature, relevaient davantage de la responsabilité de l'Etat, explique le rapport, ce qui a ensuite conduit à des ingérences politiques dans des sujets relevant de la négociation entre prestataires et assureurs. La cour considère donc que, « pour éviter le risque de confusion induite, les questions touchant notamment aux droits des malades, à l'accès aux soins et à la permanence des soins doivent rester de la compétence principale de l'Etat (bien entendu, en association avec tous les partenaires concernés) ». Et « les négociations conventionnelles entre l'assurance maladie et les syndicats de médecins [être recentrées] sur leur objet initial de tarifs et de revenus ».

La Cour des comptes se révèle également critique à l'égard du parcours de soins coordonné. Certes, sa mise en place s'est effectuée dans de courts délais, mais « la délégation de sa mise en oeuvre aux partenaires conventionnels a eu pour conséquence de faire prévaloir les préoccupations tarifaires des médecins ». Par exemple, pointe l'instance, le premier niveau de recours au médecin traitant est « insuffisamment défini » : le rôle du médecin traitant vis-à-vis des malades chroniques ou polypathologiques relevant notamment d'une affection de longue durée (6) n'est pas étudié de façon globale. « Il s'agit plutôt des pièces d'un puzzle qu'il serait souhaitable de corriger, compléter et assembler. » En outre, la négociation conventionnelle a conduit à un « dispositif tarifaire peu lisible et coûteux pour les assurés sociaux ».

Par ailleurs, l'instance s'inquiète des inégalités d'accès aux soins, qui pourraient se creuser davantage du fait de l'inégale répartition territoriale de l'offre de soins. Il existe une opposition très forte entre le nord et le sud du pays (hors Ile-de-France), les zones rurales isolées et les périphéries étant les plus touchées (7). Aussi recommande-t-elle de « mettre en place des mécanismes de pénalisation financière complétant les dispositifs incitatifs existants afin de mieux répartir l'offre de soins sur le territoire et de préserver l'égal accès aux soins ».

Notes

(1) Disponible sur www.ccomptes.fr

(2) Voir ASH n° 2517 du 13-07-07, p. 18.

(3) Le taux d'effort des familles recourant à une structure d'accueil collective serait descendu à 4,3 % pour une famille ayant un revenu d'un SMIC, et respectivement à 6,4 % et à 5,5 % pour un niveau de revenu de trois SMIC et de six SMIC.

(4) Voir ASH n° 2473 du 13-10-06, p. 13.

(5) Actuellement, le parent peut bénéficier de ce congé s'il justifie d'une activité antérieure de deux ans (ou huit trimestres consécutifs ou non) dans les cinq années précédant la naissance, l'adoption ou l'accueil de l'enfant.

(6) Regroupant 6,5 millions d'assurés, qui concentrent à eux seuls 60 % des dépenses.

(7) Selon la caisse nationale d'assurance maladie, sans parler de pénurie, 4 % de la population serait concernés par des difficultés d'accès aux soins de premier recours.

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