Tandis que l'augmentation du nom bre des bénéficiaires de l'aide sociale départementale s'est ralentie en 2006 avec une évolution de 2,5 % sur un an (1), la croissance des dépenses s'est poursuivie au rythme élevé de 7,3 %. La dépense nette restant à la charge des conseils généraux est, elle, en hausse de 6,8 %, selon les estimations de l'ODAS (Observatoire national de l'action sociale décentralisée) (2).
En 2006, 2 796 000 personnes ont bénéficié d'une prestation d'aide sociale de leur département, soit 2,5 % de plus en un an et 24,8 % de plus en cinq ans (3). La forte progression de ces dernières années est donc freinée sous l'effet de mouvements contraires : le nombre de titulaires du RMI (revenu minimum d'insertion) diminue pour la première fois depuis longtemps tandis que celui des personnes âgées percevant l'APA (allocation personnalisée d'autonomie) continue de progresser au rythme de 6 %.
En revanche, les dépenses d'aide sociale continuent de croître à un rythme nettement plus rapide que le nombre de bénéficiaires et que l'inflation (1,6 % en 2006). La charge brute représente 25 milliards d'euros, en hausse de 7,3 % sur un an et de 112 % sur cinq ans. Une fois déduites les 25 % de recettes versées aux départements par l'Etat et par la CNSA (caisse nationale de solidarité pour l'autonomie), la charge nette atteint 18,46 milliards et progresse encore de 6,8 % sur un an et de 56,6 % sur cinq ans. Tous les postes sont en augmentation, mais les hausses les plus fortes sont celles qui ont trait aux personnes âgées (400 millions) et au RMI (330 millions).
Le budget de l'aide sociale à l'enfance reste néanmoins, avec 5,27 milliards d'euros, le premier poste de dépense nette (29 % du total) et le troisième en dépense brute. Après un léger infléchissement en 2005, il retrouve un rythme de hausse de 5,8 %, tandis que le nombre de bénéficiaires augmente de 2 %. Parmi ces derniers, 137 000 (49 %) relèvent d'une mesure éducative à domicile ou en milieu ouvert et 140 000 (51 %) font l'objet d'une mesure de placement. Une répartition qui n'évolue guère.
L'hébergement en établissement ou en famille d'accueil absorbe 80 % des dépenses, lesquelles augmentent de 6 %. Parmi les facteurs de hausse, outre l'augmentation du nombre d'enfants accueillis et la progression du SMIC, les départements citent les premières incidences de l'amélioration du statut des assistants familiaux (dont les effets se feront surtout sentir sur les budgets 2007) et le contrecoup des restrictions budgétaires intervenues à la protection judiciaire de la jeunesse.
Le soutien aux personnes âgées représente désormais le deuxième poste d'aide sociale des départements, avec 5,29 milliards d'euros de dépenses brutes (+ 9,5 %) et 3,94 milliards de charges nettes (+ 11,3 %). Sous l'effet de la démographie, le nombre de bénéficiaires - 1 152 000 - continue d'augmenter de 6 %. Parmi eux, 55 % vivent à domicile et 45 % en établissement. L'APA représente à elle seule plus des quatre cinquièmes de l'aide aux personnes âgées. La compensation apportée par la CNSA continue de progresser, mais moins vite que les charges. Elle ne couvre plus que 32 % de la dépense brute d'APA en 2006, contre 38 % en 2002. Par ailleurs, pour la première fois depuis plusieurs années, l'aide sociale à l'hébergement des personnes en maison de retraite repart à la hausse (+ 10,6 %).
Troisième poste : l'aide aux personnes handicapées. Avec 3,68 milliards d'euros, la dépense nette a augmenté à peine plus que l'inflation (+2,2 %). En revanche, en cette année de démarrage des MDPH (maisons départementales des personnes handicapées), la dépense réelle (4,14 milliards) a crû de 13,1 %, la différence venant des recettes nouvelles apportées par la CNSA. 242 000 personnes sont concernées, dont 112 000 vivent à domicile et 130 000 en établissement.
77 % des dépenses sont consacrées au placement et à l'accueil, poste qui augmente de 8 % en un an, notamment du fait des créations de places nouvelles. Les autres dépenses sont générées par les aides à la personne, parmi lesquelles la prestation de compensation n'a encore qu'une place modeste. 7 700 personnes en bénéficiaient à la fin décembre 2006, contre plus de 88 000 qui continuaient de percevoir l'ACTP (allocation compensatrice pour tierce personne). Cette transition plus lente qu'on aurait pu l'imaginer tient pour partie aux difficultés de mise en place des MDPH, mais aussi aux craintes des intéressés quant au montant de la prestation de compensation et au contrôle de l'effectivité des dépenses.
Enfin, avec 5,96 milliards d'euros de dépenses brutes (+ 7,4 % sur un an), le budget consacré au RMI est toujours au premier rang. Là-dessus, 1,25 milliard (+ 35,9 %) reste à la charge des départements. Avec la diminution du nombre de bénéficiaires (1 124 600 à la fin décembre 2006) (4), la dépense d'allocation ne progresse que de 4,5 %, tandis que les crédits d'insertion (770 millions) croissent de 32,7 %, du fait notamment du développement des contrats aidés.
Les départements continuent de protester contre l'évolution de ce poste depuis 2004, alors qu'une compensation « à l'euro près » leur avait été promise. Le déficit cumulé dépasse 2,3 milliards d'euros, vient une nouvelle fois de rappeler Claudy Lebreton, président de l'Assem-blée des départements de France. Le mécontentement s'exprime d'autant plus que l'abondement apporté via le Fonds départemental de modernisation de l'insertion pour les années 2005 à 2007 n'est pas pérennisé à ce jour.
Les conseils généraux continuent à s'interroger également sur l'impact final qu'auront la loi « handicap » du 11 février 2005, la réforme de la protection de l'enfance du 5 mars 2007 et, à partir de 2009, la réforme des tutelles... Tout cela, alors que le Premier ministre, François Fillon, a indiqué, lors de sa déclaration de politique générale le 3 juillet, que les dotations de l'Etat aux collectivités territoriales « ne pourront croître au-delà de l'inflation en 2008 » (5) et que, dans son souci de maîtrise des finances publiques, le gouvernement tient aussi en ligne de mire l'évolution de la fiscalité locale...
(1) « Les bénéficiaires de l'aide sociale départementale en 2006 » - DREES - Etudes et résultats n° 597 - Septembre 2007 - Disponible sur
(2) « Action sociale 2006 : des inquiétudes persistantes pour les départements » - La Lettre de l'ODAS - Septembre 2007 - Disponible sur
(3) Comme trop souvent, les chiffres cités ne concernent que la seule métropole, alors que les départements d'outre-mer et leurs ressortissants relèvent de la même législation...
(4) Sur les derniers chiffres, voir ASH n° 2522 du 14-09-07, p. 5.
(5) Alors que depuis 1996, les dotations sont indexées sur l'inflation majorée d'un tiers de la croissance du PIB.