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« Pour une prise en charge adaptée des victimes de torture »

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Pour la première fois, les centres de soins français pour victimes de torture devaient se réunir, le 13 septembre, et réfléchir à la création d'un réseau national. L'idée est de gagner la reconnaissance des institutions et de rapprocher les pratiques, explique Hélène de Rengervé, directrice administrative et financière de Parcours d'exil (1), à l'initiative de la rencontre.
Pourquoi ce projet de réseau ?

Même s'il avait déjà été évoqué, ce projet a été renforcé par la disparition annoncée, à l'horizon 2010, des financements européens des centres de soins pour victimes de torture. Nous sommes d'autant plus inquiets que le soutien des Nations unies, également déterminant pour leur fonctionnement, pourrait aussi être remis en cause, l'ONU estimant que les pays riches peuvent assumer cette charge. Malgré le lobbying des associations, nous n'avons obtenu qu'un faible engagement au niveau européen sur la pérennité des structures, sans aucune garantie de financement. Nous voulons donc poursuivre notre action pour réclamer le maintien des financements européens, mais aussi le développement des aides nationales. Aujourd'hui, elles ne représentent pas grand-chose, car nos publics ne sont pas liés à un ministère particulier : le remboursement en tiers payant par la CNAM des consultations que nous donnons constitue le seul financement national pérenne !

Vous souhaitez aussi la reconnaissance d'une pratique spécifique...

L'offre de soins n'est pas adaptée à nos patients, qui ne relèvent pas de la psychiatrie. Confrontés à des problèmes de violence intrafamiliale, des comportements suicidaires, d'auto-mutilation, des mises en danger de soi ou d'autrui, ils sont souvent mal orientés, par manque de formation des soignants ou des travailleurs sociaux sur les troubles de stress post-traumatique, et donc mal soignés. A travers le réseau que nous voulons créer, l'objectif est de capitaliser le travail mené depuis 20 ans par les centres, qui ont la même finalité tout en privilégiant des choix thérapeutiques différents : l'analyse systémique, l'ethnopsychatrie ou encore la psychanalyse freudo-lacanienne. Il s'agit désormais d'échanger sur nos pratiques, de les formaliser, de travailler ensemble pour structurer nos activités.

Vous réfléchissez d'ailleurs à un protocole de diagnostic systématique...

Le médecin chef de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) constate que la seule pathologie dont la prévalence augmente parmi les primo-migrants est la souffrance psychique. Or c'est aussi la seule pathologie pour laquelle il n'existe aucun outil de diagnostic. La directive européenne du 27 janvier 2003 sur les conditions minimales d'accueil des demandeurs d'asile impose aux Etats membres de s'assurer que les personnes victimes de torture, de viols ou d'autres actes graves de violence bénéficient d'un traitement approprié. Mais ce traitement requiert une évaluation individuelle de leur situation, qui officiellement n'existe pas. Les certificats établis par les centres de soins spécialisés sont seulement susceptibles d'étayer les dossiers de demande d'asile. Pour mettre en oeuvre une politique de dépistage qui puisse permettre aux personnes victimes de torture d'accéder à leurs droits, il faut des outils adaptés et une formation des équipes médicales des consultations des primo-migrants. C'est pourquoi nous réfléchissons à l'élaboration d'un questionnaire facilement utilisable par des médecins ou des infirmières. Ces personnels, une fois formés, établiraient un premier dépistage avant d'orienter les patients vers une structure spécialisée.

Constatez-vous une évolution du public que vous accueillez ?

Nous voyons de plus en plus de déboutés de la demande d'asile, au statut précaire. Le raccourcissement des procédures rend très difficile le récit des faits de violence, d'humiliation : ils sont parfois impossibles à raconter tant que les séquelles ne sont pas levées par le soin. Les victimes de torture se retrouvent, du coup, perdues dans la masse des immigrés clandestins. C'est pourquoi nous avons, en invitant Brice Hortefeux, ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Codéveloppement, à notre rencontre, voulu le sensibiliser à la réalité de cette population. Elle représente au moins 5 000 personnes victimes de torture arrivant chaque année en France. Environ 1 500 bénéficient d'un accompagnement thérapeutique par l'un des six centres spécialisés (2). Quelles que soient les lois et parce qu'ils n'ont d'autre choix que celui de la survie, ces étrangers arriveront toujours sur le territoire, avec la volonté de s'intégrer et souvent des compétences.

Notes

(1) Parcours d'exil : 26, rue de Cronstadt - 75015 Paris - Tél. 01 45 33 31 74.

(2) Gérés par les associations Forum réfugiés (Lyon), Mana (Bordeaux), Médecins sans frontières (Paris), Osiris (Marseille), Parcours d'exil (Paris) et Primo-Lévi (Paris).

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