Une circulaire du ministère de la Justice explique aux parquets les dispositions de la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs (1). Et comble le silence de la loi notamment au regard de la notion de « garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion » qui permettent d'écarter l'application des peines planchers.
Pour mémoire, la loi du 10 août 2007 a instauré des peines planchers pour les personnes majeures et mineures en état de récidive légale, c'est-à-dire lorsqu'elles commettent une nouvelle infraction, identique ou non (2), après avoir déjà été condamnées définitivement pour une première infraction. Toutefois, stipule le texte, si le prévenu présente des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion, le tribunal peut prononcer une peine inférieure à ces seuils.
La circulaire précise qu'il faut entendre par garanties exceptionnelles des « garanties très sérieuses, particulièrement fortes et non des garanties qui joueraient à titre exceptionnel ». Elles recouvrent donc « de façon très concrète tous les facteurs de stabilisation sociale auxquels on peut songer : la situation professionnelle, économique, mais aussi l'environnement social, familial, affectif, psychologique, moral, etc. » Dans ce cadre, il convient de distinguer deux situations. La première est celle d'une personne parfaitement insérée poursuivie pour une récidive aggravée. C'est par exemple le cas d'« une personne qui, dans sa jeunesse, a été condamnée deux fois pour crimes - dont la récidive est perpétuelle (3) -, tels que des vols à main armée, et qui, totalement réinsérée socialement depuis, est mêlée bien des années plus tard à une rixe dans un bar et condamnée pour coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». En l'espèce, estime la chancellerie, la juridiction peut considérer que les risques de récidive sont faibles et les garanties d'insertion très fortes et, de ce fait, déroger à l'application de la peine minimale. Second cas de figure : l'hypothèse d'un multirécidiviste qui reste exposé à des risques de récidive. La chancellerie considère qu'« un engagement abstrait du prévenu, de circonstance face au risque de sanction, de remédier aux facteurs de son passage à l'acte ne suffira bien évidemment pas. Seule une réinsertion réellement et objectivement engagée est en effet de nature à prémunir la société contre le risque de nouvelle récidive. » Il n'est pas « exigé que la réinsertion soit d'ores et déjà acquise », « les processus dynamiques » devant aussi être pris en compte, ajoute-t-elle. Ce qui importe, « c'est l'enclenchement d'une rupture avec les circonstances qui ont rendu possible un passé de délinquance ».
Que le détenu soit majeur ou mineur, constitueront de telles garanties exceptionnelles « le fait pour un délinquant de prendre des dispositions qu'il n'avait jamais sérieusement prises jusqu'alors pour briser la spirale de la récidive et saisir des opportunités de réinsertion, par exemple de se sevrer d'une addiction qui contribuait au passage à l'acte, de reprendre un parcours sérieux d'insertion professionnelle, de rompre avec un environnement qui incitait à la délinquance, d'adhérer à un suivi psychologique ou psychiatrique... ». S'agissant plus particulièrement des mineurs récidivistes, l'appréciation des circonstances exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion doit tenir compte de leur minorité. D'une manière générale, les « témoignages et les rapports des éducateurs ayant pris en charge le mineur et l'ayant suivi avant la commission de la 3e infraction et, le cas échéant, depuis cette commission jusqu'à la date de son procès, seront déterminants ».
Dans le respect du principe d'individualisation des peines, le juge dispose d'un certain nombre d'outils devant lui permettre de définir les circonstances réelles de l'infraction, la personnalité de son auteur ou le sérieux de ses garanties d'insertion ou de réinsertion. Ainsi, en matière correctionnelle, pour pouvoir écarter l'application de peines planchers en cas de récidive, le ministère de la Justice demande aux parquets de veiller à ce que le tribunal correctionnel dispose, avant jugement, des éléments factuels utiles pour pouvoir apprécier les garanties présentées par le prévenu. Plus généralement, il les invite à « solliciter plus largement les services enquêteurs afin d'obtenir des renseignements vérifiés sur la situation des prévenus » et à « ordonner des enquêtes sociales rapides, non seulement lorsqu'elles sont obligatoires [...] mais aussi toutes les fois que les éléments du dossier d'enquête seront insuffisants pour permettre d'apprécier les garanties présentées par un récidiviste ou que les renseignements précédemment recueillis à son égard sont trop anciens ».
(2) Les différents cas de récidive sont détaillés aux articles 132-8 à 132-11 du code pénal.
(3) La récidive perpétuelle s'applique quel que soit le laps de temps qui s'est écoulé entre la première infraction et la deuxième. La récidive temporaire suppose que le deuxième terme survienne dans un délai maximal fixé par la loi.